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Publié le 04/08/2014
Un nouveau centre pour la finance mondiale

Bai Shi

Les dirigeants des BRICS à Fortaleza, le 15 juillet - Crédits photo : LAN HONGGUANG

La Coupe du monde est terminée mais le Brésil continue de captiver l'attention internationale. A Fortaleza dans la région du Nordeste s'est déroulé le sixième Sommet des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) sur le thème « Croissance intégrative et solutions durables ». Dilma Rousseff, Vladimir Poutine, Narendra Modi, Xi Jinping et Jacob Zuma se sont retrouvés pour discuter de solutions aux défis posés par le développement et présenter leurs accomplissements conjoints.

Le Sommet de Fortaleza initie le deuxième cycle des sommets des BRICS, que les cinq pays accueillent chaque année à tour de rôle. Le premier s'était tenu en 2009 dans la ville de Yekaterinburg en Russie, amorçant le mécanisme de coopération des économies émergentes. Ces cinq dernières années, les BRICS ont su bâtir un partenariat impressionnant et étendre leurs intérêts communs au sein d'un contexte international complexe. Les initiatives de coopération s'étendent aujourd'hui dans plus de 30 domaines.

Cette année, la priorité était donnée à la mise en place d'une Nouvelle banque de développement (NBD) et d'un Fonds de réserve (CRA). Ces institutions ont été officialisées dans la Déclaration de Fortaleza, qui marque un grand pas pour le rôle de ce groupe dans la gouvernance de la finance internationale.

La NBD sera basée à Shanghai et aura pour but de financer des projets durables de développement infrastructurel au sein des BRICS et des autres économies émergentes. Son capital initial autorisé s'élèvera à 100 milliards de dollars pour un capital initial souscrit de 50 milliards, financé à hauteur de 10 milliards par chaque pays. En parallèle sera installée une antenne régionale en Afrique du Sud.

Le fonds de réserve, dont le montant initial devrait atteindre les 100 milliards de dollars, aura pour but de faire face aux problèmes de liquidités sur le court terme, de renforcer la stabilité financière internationale et servira de complément aux arrangements internationaux déjà existants. La NBD et le CRA seront tous deux ouverts aux autres pays en développement, qui pourront contribuer au capital du CRA à la mesure de leur situation financière. La Chine apportera la plus grande part de capital avec 41 milliards de dollars et recevra un crédit de 20,5 milliards de dollars. L'Afrique du Sud participera, quant à elle, à hauteur de 5 milliards de dollars et obtiendra un crédit de 10 milliards de dollars.

  Une alternative au FMI et à la Banque mondiale?

Depuis l'annonce de sa mise en place, cette nouvelle institution financière a fait l'objet d'une attention toute particulière de la part de la communauté internationale. Les médias occidentaux se sont demandé si celle-ci allait devenir une alternative aux institutions issues de Bretton Woods, à savoir le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale.

Répondant à l'agence de presse Xinhua, Huang Wei, chercheur à l'Institut d'Economie et de Politique internationales (IEPI) rattaché à l'Académie chinoise des Sciences sociales, explique : « Cette banque a été fondée afin de promouvoir le développement des BRICS, notamment au niveau de leurs infrastructures. En ce sens, il s'agit plus d'un complément aux institutions internationales déjà existantes que d'un concurrent. »

Depuis 2009, les BRICS ont exploré de nombreuses voies pour renforcer leur coopération dans la gouvernance de la finance internationale. En 2012, lors du quatrième sommet à New Dehli, les membres du groupe s'étaient accordés sur l'établissement d'une banque de développement Sud-Sud, gérée et financée par les BRICS et ouverte aux autres pays en développement. Ces deux dernières années, les ministres des Finances des BRICS, ainsi que les gouverneurs de leurs Banques centrales, ont travaillé sur la coordination et la structuration d'un cadre pour cette nouvelle banque.

Les institutions financières internationales actuelles sont incapables de faire face aux demandes des pays émergents qui connaissent une croissance économique rapide. Par exemple, la Banque mondiale a pour but d'aider les pays en développement à réduire la pauvreté. Mais du fait de la croissance de leurs revenus par habitant, les pays des BRICS ne peuvent pas accéder aux prêts.

Par ailleurs, les pays émergents ont besoin d'investissements structurels importants. Mais les agences de prêts commerciaux préfèrent les projets à court terme plutôt que des investissements sur le long terme, qui comportent des risques élevés. La NBD a pour but de pallier à ce vide financier.

Pour Huang Wei, « la Chine possède une grande expérience et une grande compétence dans la construction d'infrastructures. La NBD apportera aux entreprises chinoises de nombreuses opportunités de coopération sur le terrain avec les autres membres des BRICS. Ces constructions vont faciliter la communication et le commerce et offrir de nouvelles opportunités d'emploi dans les pays émergents. C'est une façon efficace de promouvoir une croissance inclusive. »

Selon le South China Morning Post, le président de la Banque mondiale, Jim Yong Kim, a lui aussi accueilli favorablement la naissance de la NBD lors de sa visite en Chine le 8 juillet. Pour lui, cette banque menée par les BRICS n'est pas un danger pour la Banque mondiale. Au contraire, elle aidera à réduire la pauvreté et fera office de stimulant pour la croissance économique. La demande de financement pour les infrastructures dans les pays en développement atteint quasiment les 1 000 milliards de dollars annuels, alors que la Banque mondiale ne peut fournir que 60 milliards.

Une réforme juste

Pour Zhang Haibing, chercheur en économie internationale à l'Institut des Etudes internationales de Shanghai, « la mise en place de la NBD et du CRA devrait permettre d'améliorer et de diversifier la gouvernance financière internationale actuelle. » Celle-ci repose principalement sur les institutions de Bretton Woods, établies sous l'égide des Etats-Unis. Dans ce système, les BRICS n'occupent que des positions de second rang  et aucune de leurs devises n'est reconnue comme monnaie de réserve au FMI.

Certains observateurs estiment que les BRICS devraient avoir leur mot à dire dans cette gouvernance, car ils représentent plus de 25 % de l'économie mondiale. Leurs réserves de devises étrangères constituent plus de 40 % du total mondial et leurs croissances économiques ont contribué pour moitié à la croissance économique mondiale de ces dix dernières années.

Dès 2009, la communauté internationale s'était accordée sur le besoin de réformer les institutions financières internationales. En 2010, le FMI avait notamment accepté d'augmenter la participation des BRICS et de rendre cette institution plus démocratique et multilatérale. Un plan de réforme devait permettre aux BRIC (hors Afrique du Sud) de faire partie des dix principaux membres par droits de vote, mais il fut rejeté par le Congrès américain en 2013. Avec 17,69 % des parts, les Etats-Unis restent le principal actionnaire du FMI et ont un droit de véto au sein de son conseil d'administration.

Du fait de leur position désavantageuse dans les institutions financières internationales, les pays émergents sont souvent durement touchés par les mesures financières prises par les Etats-Unis. Après l'échec de leur requête au FMI et à la Banque mondiale, la création de la NBD et du CRA montre que les BRICS sont capables de garantir leur sécurité financière par des institutions qui leur sont propres.

Chercheur à l'IEPI, Shen Jiru pense que la NBD permettra aux pays en développement d'avoir une alternative au FMI en cas de difficultés économiques ou financières : « Les conditions posées par le FMI et la Banque mondiale pour l'octroi d'une aide sont extrêmement rigoureuses et nombre de nations en ont payé un lourd tribut politique. La NBD, elle, ne s'ingérera pas dans les affaires intérieures des pays débiteurs, marquant en cela un contraste majeur avec la Banque Mondiale et le FMI. »

 

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