| Shen Lianzhi : une empreinte chinoise dans la bibliothèque municipale de Lyon |
 |
Duanmu Mei La grande majorité des Chinois qui connaissent aujourd'hui Lyon, en dehors du tourisme, sont ceux qui ont étudié l'histoire des relations entre la Chine et de la France, au début du 20ème siècle. Ils savent qu'il y a eu dans cette ville une collaboration entre Chinois et étrangers, qui déboucha sur la création du seul établissement d'enseignement supérieur à l'étranger, l'Institut Franco-Chinois de Lyon. Ces étudiants chinois, qui ont traversé mers et océans pour recevoir en France un enseignement de qualité, ont laissé une empreinte à Lyon. Ils ont vécu dans un ancien fort militaire, le fort Saint-Iréné, qui se dresse encore sur la colline de Fourvière. Au-dessus de la grande porte est restée gravée l'inscription en chinois et en français "Institut Franco-Chinois". Le fort est devenu un important lieu de mémoire dans l'histoire des relations franco-chinoises.
Les années françaises de Shen Lianzhi Nombreux sont les jeunes étudiants qui, aujourd'hui, ne connaissent pas Shen Lianzhi (1904-1992). Historien de renom, enseignant et traducteur, il fut pourtant le premier chinois à diffuser la culture et l'histoire françaises en Chine et un pionnier dans la recherche sur l'histoire de la Révolution Française. Shen Lianzhi est parti étudier en France à l'âge de 24 ans et est devenu étudiant boursier de l'Institut Franco-Chinois. Sur le registre d'inscription à la date du 1er Octobre 1928, il porte le numéro 259 et sera le 224ème sur la liste des étudiants. A l'université de Dijon puis à l'Institut Franco-Chinois de Lyon, il étudie l'histoire et la géographie. J'ai pour lui un profond respect et le premier dossier que j'ai consulté lors de ma première visite à la bibliothèque municipale de Lyon était le sien.
Je savais la gestion des dossiers de bibliothèque rigoureuse, mais je n'aurais jamais imaginé que les administrateurs auraient sorti autant de documents sur un étudiant chinois venu étudier ici il y a près de 80 ans. Son dossier compte 173 documents et inclut son curriculum vitae, ses notes et tous les documents liés à sa scolarité à l'Institut. Sa proposition de thèse de doctorat, son plan de thèse, ses documents de travail ainsi que la thèse elle-même intitulée « Rôle du Général Gordon dans la Répression de la Révolte des Taiping (mars 1863 - Juin 1864) » sont tous parfaitement conservés. La vue de ces documents jaunissants retraçant la pensée et le parcours universitaire du jeune Shen Lianzhi m'avait alors rempli de joie. Je me dépêchai de prendre des notes et demanda à photocopier une partie des documents. Les administrateurs, en me voyant, étaient un peu curieux et m'ont demandé si je savais ce qu'était devenu Shen Lianzhi après son retour en Chine. Je réalisai alors qu'ils avaient conservé ces documents, sans savoir ce qu'il lui était jamais arrivé. Le dossier ne comportait que sa date de naissance et pas celle de sa disparition. Je leur ai donc minutieusement présenté le travail et les contributions de cet historien de renom. Les responsables de la bibliothèque en furent très émus et me demandèrent d'écrire une présentation du travail de Shen Lianzhi dans leur registre. J'acceptai avec joie et terminai mon travail. Par la suite, j'ai suivi la piste des adresses fournies par le dossier et pu retrouver la trace de Shen Lianzhi à Lyon et à Paris. C'est avec un profond respect que je salue cet homme qui, ayant séjourné en France à cette époque, est devenu l'un des fondateurs de la Société chinoise d'études de l'histoire de France, et le précurseur qui a initié le département de recherches sur l'histoire de France à l'université de Hangzhou. (Duanmu Mei est chercheur et directrice d'études en histoire de France à l'Institut d'histoire mondiale de l'Académie des sciences sociales de Chine.)
Beijing Information
|
LIENS