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Publié le 23/04/2014
La ceinture économique de la Route de la Soie

Zhou Xiaoyan

La seule mention de la Route de la Soie évoque des souvenirs d'un temps révolu dans la partie occidentale de la Chine. Celui d'une époque où de robustes marchands courageux transportaient la soie, la porcelaine et le thé à dos de chameaux. Ils s'aventuraient prudemment le long de routes anciennes de commerce qui s'étiraient sur des milliers de kilomètres à partir de l'ouest de la Chine jusqu'à la mer Méditerranée, reliant la Chine avec l'Asie Centrale jusqu'à l'Europe.

Aujourd'hui, la Chine prévoit de faire revivre ce passé glorieux en proposant une version moderne de la fameuse Route de la Soie.

Dans son discours à l'Université Nazarbayev en septembre 2013, le président chinois Xi Jinping a proposé d'établir une ceinture économique de la Route de la Soie, à l'image de la Route de la Soie il y a un peu plus de 2 000 ans. Cette ceinture économique aurait pour but de renforcer les liens politiques et économiques entre la Chine et les pays eurasiatiques. Ce projet toucherait plus de trois milliards de personnes et deviendrait le plus grand marché au monde, avec un potentiel inégalé.

Dans le rapport de travail du gouvernement chinois au cours de la 2ème session de la XIIème Assemblée populaire nationale (APN), le premier ministre chinois Li Keqiang a annoncé que le gouvernement donnerait une impulsion à la création de la ceinture économique de la Route de la Soie.

Lors de la session annuelle de l'APN, le responsable du Parti communiste chinois (PCC) de la Région autonome ouïgoure du Xinjiang a annoncé que les mesures du gouvernement central seraient bientôt rendues publiques.

L'importance moderne d'une route ancienne

La ceinture économique profitera grandement à la partie occidentale du pays, peu développée, qui regorge de ressources énergétiques et minérales.

Pour tirer profit de ce potentiel, le gouvernement central avait lancé une stratégie « Go West » dans les années 90. Aujourd'hui, cette stratégie se poursuit avec l'initiative de la ceinture économique de la Route de la Soie. D'après les analystes, ce plan devrait renforcer la stratégie « Go West », harmoniser le développement entre les régions côtières, centrales et occidentales, et accélérer l'ouverture des villes intérieures.

Pour Bai Yongxiu, directeur adjoint du Comité académique de l'Université du Nord-Ouest, ce projet est d'une importance vitale en termes d'économie et de défense nationale.

« La sécurité de la Chine dépend de l'ouest, tout comme son énergie, ses ressources minérales et la majeure partie de ses ressources foncières. Après plusieurs décennies d'un développement rapide, les régions côtières de la Chine n'ont qu'un potentiel limité, tandis qu'il y a largement la place pour se développer plus à l'ouest ».

Une des autres raisons à cette initiative est de consolider les liens commerciaux avec les pays d'Asie centrale.

Les échanges commerciaux entre la Chine et les pays d'Asie centrale, comme le Kazakhstan, l'Ouzbékistan, le Tadjikistan et le Kirghizstan, ont atteint les 46 milliards de dollars en 2012 et ont connu une croissance de 13,7 % par rapport à l'année précédente. C'est environ cent fois le volume des échanges commerciaux lorsque les deux parties ont établi des relations diplomatiques, selon le ministère du Commerce chinois.

Les échanges dans le domaine de l'énergie ont représenté la majeure partie des échanges commerciaux entre la Chine et les pays d'Asie centrale.

Pour Lei Yingjie, directeur de la commission municipale de Xi'an pour le Développement et la Réforme, « les pays d'Asie centrale ont d'importantes ressources en gaz naturel et en pétrole et la Chine a d'importants besoins en énergie. Les deux parties sont donc grandement complémentaires et ont un potentiel remarquable pour coopérer à cet égard. La proposition d'établir une telle ceinture vise principalement à sécuriser les approvisionnements énergétiques chinois ».

Le directeur du Centre de recherche économique de l'Université du Xinjiang, He Lunzhi, poursuit : « L'Asie centrale compte d'abondantes ressources naturelles et joue un rôle central dans l'exploitation des ressources énergétiques au 21ème siècle ».

« Le pétrole importé devrait représenter 75 % de la consommation intérieure d'ici à 2020 et la Chine doit donc élargir son réseau et ses sources d'approvisionnement. Les pays traversés par cette nouvelle Route de la Soie doivent travailler ensemble afin de préserver la stabilité de cette région et d'aider la Chine à combattre les forces séparatistes, extrémistes et terroristes ».

Wu Dongli, directeur du Service du contrôle des frontières au ministère de la Sécurité Publique, partage le même avis : le renforcement des liens commerciaux avec les pays eurasiatiques aidera la Chine à combattre le terrorisme.

« Le terrorisme s'est intensifié ces dernières années en Chine. Les populations ont peur et la sécurité de l'État est menacée. La Chine doit renforcer la coopération internationale dans la lutte contre le terrorisme et le renforcement des liens commerciaux et culturels avec les autres pays dans cette région seraient grandement bénéfiques », estime-t-il.

Une concurrence acharnée

Bien que le cadre législatif et une feuille de route détaillée pour la mise en place de cette ceinture n'aient pas encore été rendus publiques par le gouvernement central chinois, les villes se trouvant sur le tracé de cette route se livrent d'ores et déjà une concurrence acharnée pour obtenir une part du gâteau.

Lou Qinjian, gouverneur de la province du Shaanxi, dans le nord-ouest du pays, a annoncé que la province serait le fer de lance de ce cycle d'ouverture vers l'ouest. Dong Jun, maire de Xi'an, le chef-lieu du Shaanxi, a annoncé que la ville était impatiente de retrouver sa place centrale dans le commerce et les communications culturelles. Xi'an était à l'origine le point de départ de l'ancienne Route de la Soie.

Pour la présidente de la région autonome hui du Ningxia, dans le nord-ouest de la Chine, Liu Hui, l'importante population musulmane de cette région signifie qu'elle partage des liens culturels avec de nombreux pays d'Asie centrale. Selon elle, la région aurait aussi besoin d'une meilleure coopération internationale dans l'industrie alimentaire halal.

Le vice-gouverneur de la province du Qinghai, Wang Xiao, a quant à lui déclaré que le Qinghai deviendrait un canal vert, avec peu ou pas de droits de douane, faisant de cette région une base stratégique et une étape importante sur cette ceinture.

« C'est une opportunité de développement vitale pour le Qinghai. Le Qinghai relie les quelque un milliard de personnes au Moyen-Orient et en Asie centrale qui appartiennent à la culture musulmane et la population d'Asie du Sud-Est qui appartient à la culture bouddhiste. C'est un point de rencontre entre ces deux cultures, qui pourrait servir de tremplin dans les liens qu'a la Chine avec ces régions ». Le Qinghai prévoit de mettre en place une table ronde avec les pays se trouvant le long de la ceinture économique de la Route de la Soie et de construire un grand marché avec le Turkménistan et le Népal.

Huang Qifan, le maire de la municipalité de Chongqing, dans le sud-ouest de la Chine, soutient de son côté que sa ville offrirait tous les avantages pour devenir le point de départ de la nouvelle Route de la Soie.

Selon lui, « Chongqing possède un emplacement géographique parfait et dispose de tous les moyens de transport : routiers, ferroviaires, aériens et fluviaux. Chongqing joue déjà un rôle dans la prise d'initiatives au sein de la ceinture économique ». La ville envoie des marchandises en Europe via le réseau de transport ferroviaire Europe-Asie depuis 2011.

Dans la province du Gansu dans le nord-ouest, les préparatifs vont aussi bon train. En plus des bénéfices commerciaux potentiels que la ceinture économique devrait ramener, le Gansu souhaite devenir incontournable dans la sphère culturelle.

Pour cela, elle a posé sa candidature pour lancer une exposition culturelle internationale permanente à Dunhuang, ville réputée pour ses grottes et ses fresques parfaitement préservées.

« L'exposition permettra aux autres pays se trouvant le long de la Route de la Soie de participer et nous espérons que le gouvernement central et les ministères concernés approuveront rapidement notre proposition », a annoncé Lian Ji, le directeur du département provincial de l'information du Gansu.

Le Xinjiang, qui se trouve à l'extrémité occidentale de la Chine, déploie d'importants efforts pour tirer parti de sa position sur la nouvelle Route de la Soie et souhaite devenir une plaque tournante dans le transport, la finance et la logistique.

En 2010, une zone économique spéciale a été mise en place à Kashgar, pour en faire le foyer des échanges commerciaux pour la région et les pays voisins, comme le Pakistan et le Kazakhstan. Un hôtel 5 étoiles, composé de tours jumelles, et une zone commerciale duty-free sont actuellement en construction.

Toujours dans le Xinjiang, une zone de libre-échange a été mise en place à Horgos, à la frontière avec le Kazakhstan, en 2012. Celle-ci offre une exonération tarifaire transfrontalière aux entreprises chinoises et des achats hors-taxe aux visiteurs.

Des obstacles demeurent

Un défi majeur à la mise en place de la ceinture économique vient du sous-développement des villes chinoises le long de cette ceinture, qui nécessitent de lourds investissements en termes d'infrastructures.

« Ces zones sont moins développées et n'ont qu'une faible densité de population. La réalisation de la ceinture économique nécessitera un investissement important sur le long terme », selon Yang Shu, directeur de l'Institut pour les études d'Asie Centrale à l'Université de Lanzhou, dans le Gansu.

« Il faudra plusieurs décennies pour changer les conditions dans ces régions. Il n'y aura pas de solution rapide au problème. Les régions le long de la Route de la Soie sont toutes très enthousiastes car elles veulent récupérer le maximum de fonds alloués par le gouvernement. Certains proposent même des idées irréalistes et il ne faut pas que cela soit accepté ».

Pour Li Hanlin, directeur de l'Institut de recherche sur le développement économique et social rattaché à l'école provinciale du PCC du Gansu, certaines régions concernées par ce projet sont trop optimistes et sous-estiment souvent les problèmes potentiels.

« Tout le monde veut sa part du gâteau, mais ils ne savent pas tous comment la manger ou la digérer, explique-t-il. Certains se donnent des objectifs qui sont quasiment irréalisables ».

Wang Yang, vice-gouverneur du Qinghai, estime que la Chine devrait former une communauté économique et commercial dès que possible, afin d'améliorer les capacités de négociation du pays et d'aider à la formation d'une répartition industrielle cohérente sur le sol chinois.

« L'essence même de la mise en place d'une telle ceinture économique est la coopération entre les villes. La compétitivité de ces villes doit être améliorée pour qu'une meilleure coopération puisse s'effectuer. Pour l'instant, ce ne sont que des perles éparpillées et il faut une chaîne pour les transformer en collier étincelant ».

Selon Chen Yurong, chercheur à l'Institut des études internationales de Chine, la stabilité régionale est un facteur clé pour le développement économique.

« L'extrémisme religieux, le terrorisme et le trafic de stupéfiants sont les trois principaux défis auxquels est confronté l'Asie centrale. Par ailleurs, les soulèvements politiques en Asie occidentale et en Afrique du Nord affectent quotidiennement le continent eurasiatique », continue-t-il.

« Du fait des conditions précaires de sécurité en Asie centrale, des conditions politiques et économiques compliquées et de la concurrence régnant entre les principales puissances pour leur prépondérance dans la région, la construction d'une telle ceinture économique ne pourra être qu'une tâche difficile sur le long terme ».

 

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