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Publié le 18/04/2014
Secours populaire français : la solidarité au cœur de l'action

Les différents visages de la solidarité

Le SPF a été créé au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, mais ses racines puisent dans le terreau des mouvements de solidarité et d'entraide ouvriers. L'association a été reconnue d'utilité publique en 1985. Julien Lauprêtre, son président depuis 1958, est une figure emblématique pour son engagement dans la Résistance et son action infatigable depuis plus de 60 ans au SPF. Il a su donner au mouvement sa spécificité. « Comme le dit le président Julien Lauprêtre, c'est « entrée gratuite, sortie payante ». Le principe c'est « je reçois, je donne » : on va tenir une permanence d'accueil ou on va trier des vêtements », explique Jean-Louis Callens. La solidarité en lieu et place de l'assistanat, quitte à demander une contribution financière symbolique. Jean-Louis Callens se souvient par exemple qu'en 1987, une partie des excédents alimentaires de la Communauté économique européenne avait été mis à la disposition du SPF. « Les gens venaient tête baissée, sac ouvert. En leur demandant de payer quelques francs symboliques, ils retrouvaient alors un peu de dignité ». C'est, précise Francis Roudière, « la différence entre recevoir quelque chose qui est assimilé à de la charité et faire une bonne affaire ».

Depuis la parution du livre de Pierre Bourdieu « La misère du monde » en 1993, la souffrance des démunis et des exclus en France ne peut plus être ignorée. L'attitude qui a longtemps prévalu et qui consiste à dire « Ça n'arrive qu'aux autres » et à se voiler la face a laissé place à un engagement associatif et à un mouvement collectif de solidarité.

Corinne Makowski et Ismaïl Hassouneh

La crise de 2008 a vu se renforcer la précarité. « On a vu arriver la crise en 2008 bien avant, et on alerte les pouvoirs publics, on est débordé par le phénomène de précarité », souligne Corinne Makowski. 13 à 14% des Français vivent en-deçà du seuil de pauvreté, des salariés, des étudiants, des retraités. Le SPF mène chaque année en France une enquête sur la précarité et il en ressort que le sentiment d'insécurité est répandu, que la précarité n'arrive pas qu'aux autres. Francis Roudière remarque qu'il y a de nouvelles catégories sociales qu'on ne voyait pas avant et qui viennent frapper aux portes du Secours populaire. « Il y a une nouvelle catégorie de pauvres, ce sont les retraités. Les baby-boomers sont arrivés à l'âge de la retraite. Ils ont connu des périodes de chômage ou des accidents de parcours et n'ont pas pu acquérir un logement ou épargner. Ils payent leur loyer à plein et ils ne leur reste ensuite plus rien du tout », s'insurge Jean-Louis Callens. Tous soulignent la part de plus en plus importante prise par le loyer dans le budget des familles, qui grève d'autant la part allouée à la nourriture, à l'habillement ou aux loisirs. Il pointe du doigt l'insuffisance des logements sociaux, la flambée des prix, l'abandon des centres-villes. Des phénomènes qui touchent particulièrement la France.

Le SPF a aidé 2,5 millions de personnes en 2013. « Quand les gens basculent en situation de pauvreté, nous intervenons principalement dans l'aide alimentaire, ce qui soulage le budget des familles. Il y a aussi l'accès aux soins, car beaucoup de gens renoncent à se soigner, ça coûte trop cher, en particulier les dents et les lunettes », précise Corinne Makowski. Et d'ajouter : « On peut basculer assez vite dans la pauvreté si on n'a pas un coup de pouce à un moment donné ».

Jean-Louis Callens constate que « la solidarité en France est plus que jamais nécessaire. On a vu et on voit se renforcer la misère. On doit avoir des actions de solidarité. On souhaite faire en sorte que les gens qui sont aidés, qui viennent au Secours populaire, y participent. Ils peuvent encadrer les enfants, donner un coup de main à décharger les camions, servir des plats à l'aide alimentaire, collecter de l'argent, vendre des billets de tombola, être partie prenante de l'action solidaire aussi pour eux et pour les autres ». C'est ce modèle que les autorités chinoises souhaitent promouvoir dans leur pays.

Un modèle qui peut s'exporter

La Chine fait face depuis plus de dix ans à ce qui a été décrit comme la plus grande migration de l'histoire de l'humanité. Des centaines de millions de Chinois quittent les campagnes pour s'installer en ville dans des conditions très souvent précaires. De vastes programmes de construction de logements sociaux fleurissent dans toutes les villes du pays. Les autorités chinoises unifient depuis quelques années les systèmes de protection sociale et d'assurance-retraite. Certaines villes octroient une allocation de vie aux plus démunis. La tendance générale est cependant au désengagement du secteur public pour faire jouer les mécanismes de marché. Le modèle associatif proposé par le SPF suscite donc un fort intérêt de la part des autorités locales chinoises.

Le docteur Ismaïl Hassouneh, secrétaire national du SPF, nous explique que des représentants des Affaires sociales de Shanghai ont constaté sur le terrain dans des permanences d'accueil en France comment le SPF répondait aux situations de précarité. « Quand la personne arrive à la permanence, il y a une prise en charge globale : on va étudier son dossier, il y a une approche fraternelle, amicale, les gens commencent à se connaître et au fur et à mesure, on va découvrir pas mal de choses, par exemple un problème d'obésité, de diabète, de vue, sa tenue vestimentaire, etc. Au niveau de ces permanences d'accueil, on a installé des ateliers. Par exemple, au lieu de donner un colis alimentaire, on va parler de diététique, de cuisson des plats. Cela aide à créer des liens entre les bénévoles de l'association et la personne aidée, mais aussi entre les personnes aidées et cela fait partie de la dignité. Il y a aussi des ateliers d'insertion, de culture. On passe ensuite au relais-santé où il y a des médecins, des infirmières. Il y a aussi l'accompagnement en matière médicale, de droits. Avec la pauvreté, l'être humain devient indifférent aux problèmes et commence à abandonner ». Il remarque que l'Etat délègue ou essaye de se débarrasser de certains problèmes dans la mesure où les associations prennent le relais. Ainsi, par exemple, la Sécurité sociale donne des subventions au SPF dans le nord de la France pour effectuer des bilans de santé.

Un rôle de tampon

Francis Roudière dresse un constat alarmant : « on va droit dans le mur s'il n'y a pas une meilleure répartition de la richesse. Il y a un moment où on atteint les limites du système, où ça s'effondre ». Jean-Louis Callens parle du rôle de tampon du SPF. « J'ai une inquiétude, c'est qu'un mouvement de contestation éclate », dit-il gravement en rappelant l'épisode des antivols posés sur les emballages de faux-filet du supermarché Match de Lille.

La décentralisation du mouvement permet selon Corinne Makowski une plus grande proximité au cœur des réalités de la vie des gens. Le SPF compte 80 mille bénévoles, près d'un million de donateurs. Il bénéficie aussi d'une forte indépendance financière. Le Dr. Ismaïl Hassouneh rappelle que les 654 comités du SPF en France ont la capacité de gérer une situation de précarité. Corinne Makowski constate cependant que « les gens ne viennent pas parce qu'ils pensent qu'il y a pire ». Elle préconise de recréer du lien social dans un environnement où les solidarités traditionnelles, qu'elles soient familiales, professionnelles ou locales, se sont distendues. Alors que l'Etat se désengage ou réduit l'aide qu'il octroie aux plus démunis et que la précarisation touche tous les pans de la société, le secteur associatif prend une place croissante pas seulement pour se substituer aux pouvoirs publics, mais aussi pour instaurer un nouveau modèle, une nouvelle forme de solidarité. Transposées en Chine, où le maintien de la stabilité sociale a été érigé en dogme, les solutions du Secours populaire français pourront permettre de réduire les souffrances entraînées par la précarité et la pauvreté et surtout, de remettre les valeurs de solidarité et d'entraide au centre de l'action.

 

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