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Publié le 12/02/2014
Nu Skin sur le fil du rasoir

Une société américaine de produits antivieillissement accusée de vente pyramidale en Chine

Lan Xinzhen

Nu Skin, une entreprise américaine, a publié un communiqué le 20 janvier faisant savoir qu'elle allait coopérer avec les autorités et les instances de régulation en Chine après qu'une enquête a été ouverte sur ses activités dans le pays.

L'administration d'Etat pour l'Industrie et le Commerce (SAIC), en charge de la lutte contre les activités de vente pyramidale, et le ministère chinois du Commerce (MOFCOM), qui octroie les licences d'exploitation pour les entreprises de vente directe, avaient annoncé peu avant qu'une enquête avait été ouverte pour déterminer si Nu Skin est impliqué dans un système de Ponzi.

Shen Danyang, un porte-parole de MOFCOM, a déclaré le 16 janvier que le ministère allait communiquer le résultat de l'enquête en temps opportun.

Créée à Provo, dans l'Etat de l'Utah, Nu Skin est classée parmi les cinq premières entreprises mondiales de vente directe. La société est implantée dans 53 marchés. C'est un fournisseur de premier plan de produits de soins et de suppléments nutritifs.

Nu Skin est présente en Chine depuis 2003 et a obtenu sa licence d'exploitation pour la vente directe en 2006. Selon la société, ses ventes ont atteint 667,4 millions de dollars sur la partie continentale entre janvier et septembre 2013. Cela représente environ un tiers de son chiffre d'affaire mondial.

Nu Skin au centre de la tourmente en Chine

C'est une lettre envoyée récemment par une jeune fille, Tian Tian, au Quotidien du Peuple, un journal basé à Beijing avec une circulation de plus de 3 millions d'exemplaires, qui a provoqué l'effondrement du système de vente pyramidale à Nu Skin. Dans sa lettre, elle explique que sa tante est devenue distributrice de Nu Skin après qu'une « tutrice » lui a fait miroiter des gains faramineux et une nouvelle vie. Elle a alors acheté pour plusieurs dizaines de milliers de yuans de produits Nu Skin, sa « tutrice' l'encourageant à créer un réseau de vente auprès des membres de sa famille. Tian Tian a alors voulu en savoir davantage sur la nature des activités de sa tante avec Nu Skin.

Des journalistes du Quotidien du Peuple ont mené une enquête qui a été publiée le 15 janvier, prouvant que Nu Skin pourrait enfreindre la règlementation chinoise sur l'interdiction de la vente pyramidale.

Ainsi, le 7 janvier, un distributeur de Nu Skin a convié un client potentiel, un journaliste du Quotidien du Peuple en réalité, dans son appartement à Beijing en lui demandant s'il voulait gagner un million de yuans (165 milles dollars) en six mois. « Joignez-vous à nous, lui a-t-on expliqué. Le rapport de travail du gouvernement lors de la cinquième session de la 10ème Assemblée populaire nationale en 2007 a évoqué la vente directe, disant qu'il s'agissait d'une nouvelle tendance et de la meilleure chance de trouver un emploi ; nombreux seront ceux qui pourront réussir dans ce secteur ». Le journaliste a par la suite découvert que le rapport de travail du gouvernement n'avait jamais fait référence à la vente directe.

La brochure de Nu Skin explique que la société possède une équipe de consultants de premier ordre dans le domaine de la lutte contre le vieillissement, notamment certains professeurs chinois. Le Quotidien du Peuple a contacté un des experts chinois apparaissant sur la liste. Cao Shilong, un professeur à la retraite de l'université Fudan de Shanghai, a déclaré qu'il n'était qu'un prête-nom et qu'il n'avait jamais effectué le moindre travail pour Nu Skin. George Halpern, professeur à l'université polytechnique de Hong Kong, a aussi révélé qu'il n'était consultant que sur le papier, mais qu'il n'avait plus participé à des réunions avec Nu Skin ou les autres consultants depuis 2011. Il a admis n'avoir eu aucun contact avec la société depuis trois ans.

La brochure explique aussi que sa technologie, appelée ageLoc, qui appartient à Nu Skin, peut réinitialiser les gènes du vieillissement pour que les gens paraissent plus jeunes. Le distributeur contacté par le journal va encore plus loin en prétendant que cette technologie a été validée par la recherche scientifique et que les résultats avaient été publiés dans la revue Science. Les journalistes n'ont pas pu trouver la moindre trace de ces articles.

Le distributeur a par ailleurs évoqué à plusieurs reprises les commentaires des medias sur la société, prétendant aussi que le Quotidien du Peuple avait publié quatre pages d'enquête sur Nu Skin dans une édition, montrant ainsi une photo de la une du journal sur la technologie ageLoc. Il s'agissait en fait d'une campagne publicitaire de Nu Skin.

Le 15 janvier, Nu Skin réagissait à l'article du Quotidien du Peuple en publiant un communiqué précisant que les activités de la société entraient dans la sphère de la vente directe, mais pas de la vente pyramidale. .

En Chine, la réglementation distingue clairement la vente directe de la vente pyramidale. Pour ce qui est de la vente directe, la société et ses filiales ne peuvent faire la publicité des rémunérations ou des commissions que les distributeurs perçoivent. Il leur est cependant interdit de forcer les distributeurs à verser des honoraires ou à acheter des produits durant la phase de recrutement.

Dans la vente pyramidale, les distributeurs sont organisés sur plusieurs niveaux et ils réalisent des gains en recrutant d'autres distributeurs.

A la fin des années 80, une société japonaise; Japan Life, s'est implantée à Shenzhen, dans le sud de la Chine, pour vendre des matelas chauffant via la vente pyramidale. En 1990, Avon a établi la première société de vente pyramidale de la partie continentale de Chine, une compagnie à capitaux mixte sino-américaine appelée Guangzhou Avon. La vente pyramidale a atteint son apogée en Chine en 1993. La quasi-totalité des chefs-lieux de province de Chine abritaient des organisations de vente pyramidale.

D'apparence trompeuse, la vente pyramidale a été universellement condamnée. Le conseil des Affaires d'Etat, le Cabinet chinois, a interdit toutes les activités de vente pyramidale en avril 1998 et exigé en juin de la même année que toutes les sociétés étrangères du secteur modifient leurs activités de vente et ouvrent des magasins. En 2005 a été promulguée la réglementation sur l'interdiction de la vente pyramidale, fournissant l'arsenal juridique pour lutter contre cette activité. La même année a vu la promulgation de la réglementation sur la gestion des activités de vente directe, visant à protéger cette activité légale.

Le MOFCOM a octroyé des licences autorisant la vente directe à une quarantaine d'entreprises comme Avon, Nu Skin et Amway.

Selon Shen Danyang, le ministère soutient et protège les activités de ces sociétés dans la mesure où elles entrent dans le cadre légal, mais si elles s'en éloignent ou si elles se livrent à de la vente pyramidale, le ministère prendra des mesures en coordination avec les services concernés.

Les statistiques officielles montrent que les autorités ont mené des enquêtes sur 1141 cas de vente pyramidale, qui représentaient une valeur de 3,4 milliards de yuans (562 millions de dollars) en 2013.

Dans l'attente du jugement

La licence de vente directe de Nu Skin obtenue en 2006 lui permet de mener des activités dans 14 provinces et municipalités. En juillet 20123, le MOFCO a autorisé Nu Skin à proposer ses services dans cinq autres provinces et 30 arrondissements et districts.

L'obtention de ces licences n'a pas empêché Nu Skin de se faire accuser de vente pyramidale par les médias. En 2005, par exemple, peu après l'ouverture de son grand magasin à Chongqing, dans le sud-ouest de la Chine, les autorités de supervision locales ont reçu des plaintes laissant entendre qu'il y avait des activités de vente pyramidale. En 2007, l'administration de l'industrie et du commerce de Harbin, le chef-lieu de la province du Heilongjiang, a enquêté sur une filiale de Nu Skin, la soupçonnant d'activité illégale.

A chaque fois que des soupçons faisaient surface, Nu Skin a pu se justifier.

Selon l'enquête du Quotidien du Peuple, pour joindre le réseau Nu Skin en Chine, il faut d'abord acheter pour 500 yuans (82,6 dollar) de produits au prix de vente au détail. On peut ensuite bénéficier d'une remise de 10%. Il existe plusieurs niveaux de distributeurs, et c'est au sommet de la chaîne que les commissions sont les plus élevées. Ce schéma est très proche de la vente pyramidale. Nu Skin propose par ailleurs un éventail de plus d'une centaine de produits alors que d'après le MOFCO, la société n'est autorisée à vendre que 84 types de produits appartenant à trois catégories dans 151 districts et comtés de 19 provinces, régions autonomes et municipalités.

Si les soupçons sont confirmés par les autorités, les activités de Nu Skin seront requalifiées en vente pyramidale. Le SAIC fermera les organisations illégales et le MOFCOM révoquera leurs licences. Des procédures judiciaires en correctionnelle seront aussi intentées.

L'action Nu Skin a immédiatement été affectée par ces allégations. Son cours à New York a chuté de 15,56 % le 15 janvier pour atteindre 115,23 dollars.

 

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