Mesures contre les fausses condamnations |
Plusieurs affaires de fausses condamnations poussent les autorités judiciaires à agir. Yin Pumin Le 13 août dernier, la Commission des Affaires politiques et juridiques du Parti communiste chinois a publié un document établissant les lignes directrices pour prévenir contre les fausses condamnations. Ce document, le premier du genre, entend répondre aux appels de l'opinion pour une plus grande équité de la justice, à la suite de plusieurs erreurs judiciaires qui ont fait la Une de la presse chinoise récemment. Des lignes directrices jugées « décentes » par Chen Weidong, professeur à l'Ecole de Droit de l'université du peuple de Beijing. Ces dernières années, plusieurs innocents ont été exécutés ou emprisonnés, ce qui a, à juste titre, littéralement révulsé l'opinion publique. Les deux derniers cas ont été enregistrés dans la province orientale du Zhejiang. Le deux juillet, deux hommes accusés à tort du meurtre de deux chauffeurs de taxi de Hangzhou ont été relâché après 17 ans de prison. Au total, cinq personnes avaient été inculpées à tort dans cette affaire. Aujourd'hui, suite à l'arrestation du vrai coupable, ils ont décidé de porter plainte, notamment contre les officiers qui auraient, selon eux, utilisé la torture et d'autres moyens illégaux pour obtenir leurs aveux. Pour les experts, ce nouveau document publié par le Parti permettra de davantage garantir l'indépendance de la justice, et d'élever la crédibilité du système judiciaire, ce qui accroîtra mécaniquement la confiance de la population. Ces lignes directrices rappellent des évidences : ne pas punir ceux dont la culpabilité n'est pas certainement établie ; garantir la responsabilité des magistrats et des policiers dans les affaires de fausses condamnations. Afin d'empêcher l'obtention de confessions par la torture, le document renforce la loi sur la procédure criminelle, qui a été amendée l'an passé et est entrée en vigueur au premier janvier. Il est stipulé que l'interrogatoire doit être conduit dans les salles prévues à cet effet, qu'il doit être filmé et enregistré. Et lorsqu'un cas est transféré à un autre département, toutes les pièces du dossier doivent également être transférées, qu'elles prouvent ou non la culpabilité du suspect. Lorsque la culpabilité d'un prévenu ne peut être prouvée intégralement, il doit être prononcé non-coupable. Le corps judiciaire doit par ailleurs établir des règles et régulations concernant les pratiques de fausses condamnations. « Ces lignes directrices sont de première importance, et elles sont basées sur les problèmes réellement rencontrés ces dernières années dans les tribunaux », explique Zhao Bingzhi, Doyen du Collège de Sciences criminelles de l'université normale de Beijing. Ce nouveau document appelle par ailleurs à des changements dans le système d'évaluation judiciaire, qui apprécie la performance des personnels chargés de l'exécution des lois, en se basant sur le nombre d'affaires résolues, et le nombre de personnes détenues ou poursuivies en justice. « Le système actuel incite les autorités de police à utiliser des moyens illicites pour gonfler les statistiques. Cela conduit invariablement à l'augmentation du nombre de fausses condamnations », explique Zhao. Pour certains juristes, le meilleur moyen serait de tenir pour personnellement responsables les personnes en charge des affaires qui ont conduit à des erreurs judiciaires, et les contraindre à indemniser les victimes. C'est par exemple ce que pense Yi Shenghua, directeur du Département de sciences criminelles du cabinet pékinois Yingke. Pour lui, l'indemnisation ne doit pas venir de l'Etat, mais directement des responsables. Afin de protéger les droits de ceux qui ont été injustement condamnés et aussi de promouvoir une meilleure procédure judiciaire, la Cour populaire suprême, la plus haute instance judiciaire de Chine, a publié une interprétation de la loi d'indemnisation de l'État, qui prendra effet le premier septembre. Elle stipule que le tribunal doit s'assurer que ceux qui ont été impliqués dans l'élaboration de fausses condamnations soient maintenus hors de la procédure d'indemnisation, afin d'éviter d'éventuelles manipulations. Le document précise également que le tribunal doit examiner l'ensemble du dossier, y compris la vérification de tous les documents du procès et de l'exécution, les éléments de preuve ainsi que les enquêtes du personnel lié à l'affaire si nécessaire. « La normalisation de la procédure d'indemnisation est primordiale car les tribunaux locaux n'ont pas de directives à suivre et certains peuvent renoncer au paiement de l'indemnité due », a souligné Hong Daode, professeur à l'Université de sciences politiques et juridiques de Chine à Beijing. Liu Bojin, le célèbre avocat qui avait défendu Nie Shubin, exécuté en 1995 après une fausse condamnation, a déclaré que la nouvelle interprétation de la Cour suprême permettrait d'aller devant les tribunaux pour réclamer les indemnités dues. « Mais le problème est que cette interprétation ne fait pas de l'audience une nécessité dans chaque cas, mais seulement dans les affaires 'compliquées et controversées'», a ajouté Liu. Jiang Ming'an, professeur de Droit à l'Université de Beijing, va dans le même sens : « Ce que le public veut, c'est un meilleur système de compensation qui permettra aux gens injustement emprisonnés de mener une vie normale, et des peines plus sévères pour ceux qui leur ont fait du tort ».
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