L'industrie manufacturière chinoise : vers les Etats-Unis |
Au bord de l'autoroute 43, qui traverse l'Alabama, au sud des Etats-Unis, on aperçoit un chantier au loin. C'est là que se dressera bientôt la première succursale américaine du groupe Jinlong (Golden Dragon). De l'autre côté du Pacifique, à Xinxiang, province du Henan, se trouve le siège du groupe Jinlong, premier fabricant mondial de tubes en cuivre précis destinés aux climatiseurs et autres équipements de refroidissement, avec un cinquième de la production mondiale. « C'est justement leur taxe antidumping qui nous a décidé à ouvrir une usine aux Etats-Unis », a révélé Li Changjie, président du groupe. Quant au choix de l'Alabama, c'est la politique et les mesures de soutien de cet Etat qui ont primé dans la décision. Avec la multiplication des mesures antidumping américaines contre les produits chinois, et la perte des avantages liés à la main-d'œuvre nationale, de plus en plus d'entreprises chinoises décident d'ouvrir des usines à l'étranger, afin de se rapprocher de leurs clients. Aux Etats-Unis, l'administration Obama souhaite la relocalisation de l'industrie manufacturière. Les gouvernements locaux s'en sont font l'écho en accordant diverses politiques préférentielles aux investisseurs étrangers, dans l'espoir de créer des emplois. Tout commence par la sanction antidumping Les produits de Jinlong se vendent principalement en Amérique, mais aussi en Europe et en Asie-Pacifique. Le 30 septembre 2009, quatre fabricants américains ont lancé une demande d'enquête antidumping contre les tubes de cuivre sans joint importés de Chine et du Mexique. A l'automne 2010, le Département américain du Commerce et la Commission américaine du commerce international (ITC) ont confirmé que les importations chinoises portaient atteinte à la production locale. Une taxe antidumping, dont le taux varie entre 11,25 et 60,85 %, a donc été appliquée sur les tubes de cuivres chinois. Les produits de Jinlong, selon leur gamme, ont été imposés à 11,25 % et 26,03 %. Le jugement a été finalement validé le 22 novembre 2011. Alors qu'il s'apprêtait à entrer en bourse dans son pays, le groupe Jinlong a publié des chiffres montrant une forte chute de ses recettes et ventes vers les USA en 2011 et pendant le premier semestre de 2012, conséquence directe de cette taxe antidumping. 62 villes s'affrontent pour Jinlong Dès l'annonce de cette taxe en 2010, Li Changjie a pensé s'implanter de l'autre côté du Pacifique, et en a confié la responsabilité à Raymond Cheng, président du groupe SoZo, société de consulting et de développement commercial spécialisée dans l'implantation d'entreprises chinoises aux Etats-Unis. « Nous avons d'abord sélectionné cinq Etats répondant aux critères de notre client, puis nous avons contacté 62 villes de ces Etats afin de leur soumettre le projet », a évoqué Raymond Cheng. Très vite, Jinlong et SoZo reçoivent des réponses de la plupart des villes, dont une de quelques 600 pages ! Après deux ou trois mois d'enquête, ne restaient en lice que deux villes de l'Arkansas et de l'Alabama. Et c'est une nouvelle loi promulguée par l'Etat Alabama qui a fini par décider le groupe chinois. Cette « Loi sur les crédits douaniers de l'Etat Alabama » a été élaborée spécialement en faveur des investisseurs chinois comme Jinlong. Les entreprises à capitaux étrangers, à condition d'investir plus de 100 millions de dollars, et de créer plus de 100 emplois, peuvent se faire rembourser leurs impôts antidumping par le gouvernement de l'Etat Alabama, au nom d'une exonération de l'impôt sur les entreprises. Une telle loi était sans précédent dans le pays. Mais tout n'a pas été sans obstacle. Dès son approbation, cette loi a rencontré l'opposition du plus grand et plus influent syndicat local, et le projet d'investissement de Jinlong a été mis à l'arrêt. Mais bien décidé à attirer les investissements et à créer des emplois, le gouvernement d'Alabama a trouvé une solution, en remplaçant le remboursement des impôts antidumping par une subvention pouvant s'élever à 20 millions de dollars. Le groupe Jinlong a donc posé ses bagages dans l'Alabama. Un terrain gratuit Et les avantages d'une installation aux Etats-Unis ne s'arrêtent pas là ! Les politiques préférentielles accordées par les gouvernements locaux à différents échelons avoisinent les 200 millions de dollars. Et, hormis les 20 millions de subvention, il y a encore l'exonération des impôts concernés, l'acquisition d'un terrain gratuit et les subventions pour la formation du personnel. La nouvelle usine de Jinlong, cadeau du gouvernement local, s'étend sur un terrain de 20 hectares. Etant donné qu'un chemin de fer le traverse, le gouvernement a même construit, à son propre compte, un pont à l'attention du personnel de l'usine. D'après Li Changjie, si l'ouverture d'une usine coûte 60 millions de dollars en Chine, il en faut 110 millions aux Etats-Unis, en raison du prix plus élevé de la main-d'œuvre et des matériaux. Mais une fois mise en production, l'usine profitera probablement d'un coût de revient inférieur à celui en Chine. Par exemple, le cuivre est la principale matière première de Jinlong. Le Chili possède la plus grande mine de cuivre au monde. Importer du Chili vers les Etats-Unis, c'est bien évidemment moins cher que vers la Chine. Et concernant l'électricité, elle coûte tous simplement 0,20 yuan de moins par kWh qu'en Chine. « De plus, l'Alabama est proche de notre plus grand client américain, Goodman Manufacturing. Grâce à ce projet, nous nous rapprochons non seulement de nos clients, mais aussi des technologies avancées, favorables à notre innovation », a présagé Li Changjie.
Beijing Information
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