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Publié le 22/04/2013
Ma Jun et sa guerre avec Apple

Il a créé une banque de données en ligne et une carte digitale à travers lesquelles il rend public les usines ayant violé les droits et règlements de la protection environnementale du pays. Profitant de ces informations, il force les entreprises en question de coopérer afin d'améliorer leurs mouvements productifs et de réduire les émissions polluantes. Voilà Ma Jun, couronné du Prix Goldman pour l'environnement. Sa récompense à la main, c'est ainsi que l'a présenté, le 16 avril 2012, l'organisateur de ce prix, connu sous le nom de Nobel vert.

Quelques 110 000 données disponibles

« Les montagnes vertes qui n'existent plus, les eaux potables qui sont polluées, les rivières et les lacs qui se tarissent, disparaissent et deviennent des fossés d'ordures à ciel ouvert... », Ma Jun a beaucoup témoigné pendant les 10 ans durant lesquelles il était journaliste au South China Morning Post à Hongkong.

Dans son livre « La crise de l'eau en Chine », Ma a minutieusement analysé les problèmes qu'affrontent les sept bassins fluviaux chinois. Après une expérience à l'étranger en tant que conseiller en environnement professionnel et chercheur invité, il a ainsi conclu : « En Chine, le plus grand obstacle à la protection de l'environnement, ce n'est pas l'insuffisance technique ou financière, mais le manque d'impulsion. Et cette étincelle ne viendra qu'avec la participation du grand public ». Mais pour que naisse cette prise de conscience, il faut que les gens soient informés. Ma Jun a ainsi trouvé son créneau : l'information et la sensibilisation.

La « carte des eaux polluées en Chine » a ainsi vu le jour suite à la fondation de l'Institut des affaires du public et de l'environnement (IPE). Sur cette carte digitale, on a l'accès aux informations en matière de qualité de l'eau, d'émissions polluantes et de sources de pollution dans 31 provinces et plus de 300 municipalités préfectorales du pays, y compris la liste des gros émetteurs et des usines de traitement des eaux usées. Ainsi, des milliers d'entreprises polluantes sont exposées au public, et des dizaines de multinationales se prétendant protectrices de l'environnement sont soupçonnées d'avoir répercuté les émissions.

Depuis des années, cette « carte de la pollution » devient de plus en plus complète. Sur la liste noire, la plupart sont des entreprises nationales. On compte également un bon nombre d'entreprises à capitaux étrangers et de multinationales bien connues. Une fois ajoutées au tableau, ces entreprises font l'objet d'une lourde pression de l'opinion publique, et sont obligées de prendre des mesures. Mais les données sont souvent difficiles à recueillir. « La publication des informations environnementales est encore un phénomène nouveau dans le pays. Les données publiées par le gouvernement sont assez limitées. Les ONG environnementales ont du mal à recueillir des informations », a révélé Ma Jun. En 2006, avec son équipe, il n'a pu réaliser que 2 500 enregistrements. Ce qui est encourageant, c'est que de plus en plus de gens les rejoignent. Grâce aux plaintes et dénonciations en ligne, la carte de la pollution se met à jour tout le temps. Jusqu'à maintenant, elle a publié au total plus de 110 000 données relatives aux entreprises polluantes.

Les villageois désespérés

En 2009, il s'est produit une série d'accidents écologiques par les métaux lourds, provoquant 32 mouvements sociaux. 4 035 personnes ont eu une plombémie surélevée, et 182 personnes ont été victimes du cadmium. Après des enquêtes, Ma Jun et son équipe ont découvert que de nombreuses entreprises polluantes dans cette affaire étaient des usines OEM (Original equipment manufacturer) de grandes marques dans le domaine informatique. A partir d'avril 2010, Ma Jun a commencé des négociations avec 29 entreprises informatiques, y compris le groupe Apple. Hélas, ce dernier lui a répondu sèchement : « La chaîne de fourniture, ça fait partie de nos données confidentielles ».

La confidentialité de haut niveau est considérée comme un second logo du groupe Apple, aussi connue que le nom de son fondateur. Mais pour Ma Jun, une telle politique immunise le groupe contre sa responsabilité environnementale. Il aurait dû surveiller ses fournisseurs. D'une part, Apple se prétend être vert, d'autre part, il reste indifférent face à la grave pollution causée par ses OEM. Pour le groupe, il n'y a que la qualité et le prix qui comptent. « Cela incite les fournisseurs à gagner des contrats en faisant fi de l'environnement », a critiqué Ma Jun.

L'enquête sur les fournisseurs d'Apple a duré deux ans. Une fois, Ma Jun et son équipe se sont enfoncés dans le « village du cancer » de Kunshan. Là, les sous-traitants d'Apple émettent depuis longtemps quantités d'eaux et de gaz nuisibles et toxiques. Résultat, les habitants locaux vivent sous la menace de maladies rares. Lors de leur visite, « les villageois se sont mis à genou brutalement devant notre caméra. La scène m'a choqué. Quel désespoir les aurait poussées à s'agenouiller devant quelques inconnus ? Ils avaient besoin de notre aide. Et nous n'avions qu'un seul objectif : presser le groupe Apple d'arrêter cette pollution. »

Deux ans d'enquête, deux rapports, cinq conférences de presse, sept tours de négociations face à face avec les représentants d'Apple, le géant du secteur informatique a enfin mis son orgueil de côté et décidé d'abandonner son « secret ». En avril 2011, le groupe a publié la liste de ses 156 fournisseurs en Chine, et promis de soumettre une partie d'entre eux au contrôle environnemental d'une tierce partie. La sanction devrait être immédiate en cas de mise en cause.

La confrontation avec Apple a conduit Ma Jun sur la scène du Prix Goldman à San Francisco, Etats-Unis. Ma Jun représente non seulement la Chine, mais toute l'Asie.

 

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