La vérité sur le pouvoir d'achat des Chinois |
Wu Qi et Wei Yiping Les statistiques font croire à une chute de la consommation en Chine. Mais en réalité, les Chinois achètent, et achètent beaucoup ! Merci aux consommateurs chinois ! Après l'éclatement de la crise financière en 2008, un média anglais de portée internationale a salué les consommateurs chinois, considérés comme les « sauveurs » de l'économie mondiale. Le reportage a cité avec envie la croissance chinoise de 8 %, et l'augmentation annuelle de plus de 15 % de son chiffre d'affaires de détail. D'après ce reportage, le nombre des millionnaires chinois a dépassé celui en Angleterre. Les centres commerciaux pour riches commencent à s'implanter même dans les villes de 3e et 4e catégories. De plus en plus de multinationales, ayant des difficultés à maintenir leur rentabilité dans leur pays d'origine, misent sur plus d'un milliard de consommateurs chinois. Des analystes étasuniens connaissant le marché chinois ont ainsi conclu : « Les Chinois sont très sensibles aux prix, c'est ce qui les distingue le plus des autres. » Dans leur description, les consommateurs chinois, malgré une situation financière aisée leur permettant de s'offrir facilement un ordinateur, ont l'habitude de courir tous les magasins, consulter les sites web d'estimation et les amis et parents, source d'information la plus loyale, puis d'attendre encore 6 mois avant de se décider. D'après leur sondage, la quantité de vente des copies de téléphones portables est passée de 17 en 2006 à 62 millions d'unités en 2008. Ces dernières années, la connaissance de l'occident sur la diversité des consommateurs chinois s'est approfondie. L'estimation sur le pouvoir d'achat global du pays devient de plus en plus juste. Dans son rapport 2009 sur la consommation en Chine, McKinsey a présagé qu'en 2020, la Chine deviendrait le troisième marché de consommation mondial. Trois ans après, cette anticipation a dû être révisée : la Chine en serait le deuxième, tout de suite après les Etats-Unis. Selon le Département du Commerce étasunien, la Chine deviendrait la première source de touristes aux Etats-Unis, un soutien non-négligeable au réveil de son économie domestique. Le transport express : un secteur dantesque mais compétitif Vers le Nord, le long de l'autoroute de l'Aéroport de la Capitale à Beijing, les plaques des principales compagnies de transport express vont et viennent : Shunfeng, DHL, ZJS, TNT, Yuantong... Ce grand centre de distribution occupe environ 40 % de la part du marché de la ville. En 2002, ce terrain logistique aéroportuaire de 6,2 km² avait été conçu pour garantir la fourniture des matériels des jeux Olympiques de Beijing. Quatre ans se sont écoulés, et l'endroit reste toujours très animé. Le secteur du transport express est considéré comme le thermomètre de la performance économique. Il traduit directement le bon fonctionnement du commerce et le dynamisme de la consommation. Dans cette zone au Nord de l'aéroport, les dix premiers opérateurs du secteur (classement du marché chinois) ont tous établi un colossal centre d'opération, chargé du dispatching et du transfert logistiques à Beijing et dans la Chine du Nord et du Nord-est. Chaque jour, quelques millions de colis express sont dispatchés ici, et puis livrés à des centaines de succursales et de petites stations dispersées dans tous les coins de la ville. La zone ne dort jamais. Et à la veille de la fête des célibataires, le 11 novembre, les compagnies avaient garni leurs effectifs, et se tenaient prêtes à affronter la fièvre acheteuse. Neuf d'entre elles, dont Yuantong et Shentong, ont signé un contrat de coopération spécialement pour cette période de fête avec le puissant vendeur en ligne Taobao. En plus de leurs 150 000 anciens camions, elles ont acheté 29 500 nouveaux véhicules, élargi de plus de 200 000 m² le terrain de dispatching, et recruté 65 000 personnes ! Le soir du 11 novembre, le directeur du Bureau d'Etat de la Poste (BEP) Ma Junsheng s'est rendu au centre de surveillance des informations du BEP pour inspecter l'opération des grandes compagnies express. Il a estimé que le nombre de commandes dépasserait 20 millions le jour même. Mais d'après les statistiques finales, le seul magasin Taobao (y compris Tmall.com) a réalisé un chiffre d'affaires de 19,1 milliards de yuans ce jour-là, concernant plus de 70 millions de colis. Outlets : les chouchous de la classe moyenne En Chine, la consommation change. Les produits ne faisant pas partie des biens de première nécessité se vendent de plus en plus, et on assiste à une hausse vertigineuse des ventes de certains produits haut de gamme. En 2002, Yansha Outlets s'est ouvert au public. C'était le premier magasin d'usine du pays. Introduit par Wan Wenying, directrice générale de Yansha Youyi Shopping City, ce centre commercial a été bâti sur les ruines d'un marché de matériaux de construction. Depuis une décennie, il a connu un succès extraordinaire : son chiffre d'affaires, qui était de 300 millions de yuans la première année, est passé à 3 milliards de yuans en 2011. Les Outlets visent la classe moyenne urbaine. Ces consommateurs économes aiment toutefois les grandes marques. Jouissant d'un revenu disponible stable et assez élevé, ils sont plus exigeants sur la qualité et le contenu d'une marque. D'après Wan Wenying, la Chine actuelle est l'eldorado des fabricants de marques. La situation d'investissement a radicalement changé. Démocratisation de la consommation du luxe Selon les derniers rapports publiés par Mckinsey, la Chine remplacera le Japon en 2015 pour devenir le premier marché mondial du luxe. En fait, cette prédiction pourrait bien se réaliser plus tôt. Prenons l'exemple de la marque Louis Vuitton. La proportion du marché chinois dans son chiffre d'affaires global s'est élevée de 15 % à 29 % pendant la dernière décennie, tandis que celle du marché japonais est tombée de 17 % à 11 %. Différente de la clientèle européenne et étasunienne, déjà mûre, la clientèle chinoise est clairement divisée. D'après Zhou Jing, chercheuse sur la richesse, les riches âgés deviennent de plus en plus indifférents face au luxe et se tournent vers les designs en édition limitée et personnalisée. Quant aux consommateurs âgés entre 25 ans et 35 ans, représentant 10 à 50 millions de yuans, ils sont les principaux consommateurs de luxe en Chine. Dans une phase professionnelle ascendante, ces jeunes riches ont besoin du luxe pour des questions de reconnaissance sociale. La consommation chinoise est-elle endormie ? En tant que vice PDG. de la compagnie Haitong Securities,Li Xunlei dirige un groupe de chercheurs sur l'économie chinoise. D'après eux, on a tort de faire de l'investissement le moteur de l'économie nationale. La contribution de la consommation au PIB est sous-estimée, et celle de l'investissement, relativement surévaluée. De 2005 à 2008, ainsi qu'en 2011, la consommation a apporté plus au PIB que l'investissement. Au cours des vacances du 1er octobre 2012, le volume de transactions par cartes China Union payé à l'intérieur du pays a augmenté de 31,7 % en base annuelle, et celle à l'étranger, de plus de 48 %. Le pouvoir d'achat des Chinois, sous-estimé par les statistiques, a pourtant montré sa force sur le marché. Le développement explosif des secteurs du tourisme, de la restauration et du transport express anticipe l'entrée de la Chine dans l'ère de la consommation.
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