Chine-US : en bons termes |
La réélection de Barack Obama est une occasion à saisir pour les relations sino-américaines. Les deux pays doivent créer une nouvelle relation saine et pérenne pour le monde de demain. An Gang Avec la victoire de Barack Obama à l'élection présidentielle américaine de 2012, la politique de centre-gauche, axée sur le soutien aux Américains à faible et moyen revenus, se poursuivra au cours des quatre prochaines années. Cela aura des conséquences importantes sur les efforts mondiaux visant à résoudre les problèmes de répartition des richesses. Le second mandat d'Obama sera placé sous le signe de la relance de l'économie, de la réduction des déficits budgétaires par une plus forte imposition des riches, de la mise en œuvre des réformes médicale, de l'éducation et de la politique d'immigration. L'ajustement global stratégique de Washington, connu sous le nom de « rééquilibrage », sera approfondi. Et sa politique étrangère risque d'être plus agressive. Les Etats-Unis choisiront sans doute de poursuivre leur développement en ajustant et en maintenant leurs avantages, ce qu'ils ont toujours eu tendance à faire en temps de crise. Toutefois, il demeure des doutes quant à la promesse du président de mener le pays "en avant". L'élection a souligné de nombreux graves problèmes : déficit et désordre financier, chômage, lutte politique acharnée, et politique étrangère défectueuse. Autant de problèmes systémiques et structurels qui ne seront pas résolus par un seul président. En d'autres termes, les Américains doivent reconnaître et s'habituer au fait que les Etats-Unis devront faire face à une longue et fatigante ascension. Intérêts entrecroisés La Chine était considérablement présente dans le débat lors de cette année électorale. Ce pays, dont les valeurs, le système social et les intérêts stratégiques sont différents, est devenu la cible occasionnelle des deux candidats. Cependant, la critique s'est désormais déplacée des droits de l'Homme et de la démocratie vers les enjeux économiques et stratégiques. Sujet diplomatique, la Chine est devenue une question de politique intérieure américaine. Les deux pays sont l'un pour l'autre le deuxième partenaire commercial depuis de nombreuses années, plus de 460 milliards de dollars chaque année. Selon les statistiques officielles américaines, le pays a exporté 100 milliards de dollars en 2011, alors qu'en 2008, l'année où Obama a entamé son premier mandat, ce chiffre n'était que de 70 milliards de dollars. Dans peu de temps, la Chine deviendra le premier acheteur de produits américains. Par ailleurs, la Chine est encore le plus grand créancier des Etats-Unis. Il est raisonnable de croire que la Maison Blanche n'osera pas endommager sérieusement les relations sino-américaines, dont l'emploi et l'économie dépendent étroitement. Personne n'en sortirait gagnant. La Chine devrait accorder plus d'attention aux problèmes profonds et de long terme qui ont été débattus à propos de la Chine lors de la dernière élection présidentielle américaine. Le premier, c'est l'économie. La crise financière que traversent l'Europe et les Etats-Unis s'est accompagnée d'une soi-disant « troisième révolution industrielle » caractérisée par la numérisation de l'industrie et l'adoption à grande échelle des énergies nouvelles. Chine et Etats-Unis comptent sur les exportations et essaient de bien se positionner sur les industries de transformation et les industries émergentes. Leurs relations économiques ont dépassé le schéma de complémentarité et de besoins mutuels de ces dernières décennies, et se tournent désormais vers un mode plus complexe d'interdépendance dans une concurrence plus rude. Avec les changements à venir, la Chine doit se préparer à faire face à une recrudescence des conflits économiques avec les Etats-Unis. Les deux pays doivent donc réfléchir à la bonne gestion de cette coopération et de cette concurrence. Si des frictions éclatent de temps à autre, il faut reconnaître que les changements dans les relations économiques sino-américaines sont en accord avec les efforts de la Chine pour transformer son modèle de croissance économique. Par conséquent, les deux parties ont raison de croire en une évolution positive de leur coopération. L'autre problème est d'ordre stratégique. Que les politiciens américains aiment sincèrement la Chine ou non, le mode de gestion de leurs relations avec la Chine, un pays émergent bien différent des précédentes grandes puissances comme l'Union soviétique, le Japon ou l'Europe, constitue désormais une de leurs priorités en matière de politique étrangère. Les deux pays peuvent-ils surmonter leurs conflits stratégiques en Asie-Pacifique et établir une nouvelle relation de type stratégique ? Voilà la véritable question, plus grave encore que les conflits commerciaux. Washington va renforcer son ajustement stratégique dans la région, que la Chine le souhaite ou non. Mais toute politique conduisant à un face-à-face en mer entre les deux puissances sera vouée à l'échec. Et malheureusement, ce risque a augmenté ces deux dernières années. Le plus urgent à l'heure actuelle, c'est que la partie américaine maintienne une étroite communication avec la Chine sur les questions maritimes en Asie de l'Est et en Asie du Sud, afin d'éviter tout risque de frustration et de suspicion. Les deux pays doivent parallèlement renforcer la communication et la coordination sur les développements au Moyen-Orient et en Iran, afin de préserver la coopération et de prévenir les conflits d'intérêts. Rester calme La Chine doit garder son calme face à l'ajustement stratégique américain vis-à-vis de la Chine et de l'Asie-Pacifique. Elle n'a pas besoin de se soucier des angoisses et de l'anxiété des dirigeants américains à propos du rattrapage rapide de la Chine, car cette attitude est normale pour un pays qui a été la seule puissance dominante dans le monde durant des décennies. Qu'on le veuille ou non, pour les Etats-Unis, le premier concurrent, c'est la Chine. Cette dernière doit donc tout faire pour être un bon concurrent. L'influence américaine est importante, mais ce ne sont que les actions de la Chine qui décideront de son avenir. La Chine peut se consoler dans le fait qu'il existe aux Etats-Unis une résistance à la stratégie menée contre elle. Pendant la campagne présidentielle, de nombreux chercheurs américains, des journalistes, des think tanks, des organisations professionnelles et d'anciens hauts fonctionnaires ont publiquement critiqué les deux candidats pour leurs tentatives d'utiliser le China bashing pour gagner des voix. Ils ont condamné les conseillers de campagne qui n'avaient qu'une connaissance superficielle des relations sino-américaines, en particulier ceux du camp républicain. Ils craignent que si ces conseillers avaient leur mot à dire dans l'élaboration des politiques, les intérêts américains seraient gravement menacés. Ce phénomène est très rare dans les élections présidentielles américaines, et montre que bon nombre d'esprits lucides s'opposent à l'idée de faire de la Chine une ennemie. Ce dont la Chine doit se soucier, c'est de la cacophonie qui règne parmi les décideurs américains, ce qui pourrait déstabiliser la politique chinoise de Washington et transmettre des messages contradictoires. Cela pourrait conduire à des difficultés croissantes dans la gestion des conflits et rendre les relations sino-américaines plus risquées. De manière générale, les relations entre les deux pays ont continué à se développer durant le premier mandat d'Obama. Toutefois, son administration a heurté les intérêts de la Chine, notamment en approuvant d'énormes ventes d'armes à Taiwan, en rencontrant le Dalaï Lama ou en intervenant dans les différends territoriaux de la Chine avec ses voisins de la mer de Chine méridionale. La réélection d'Obama permettra de faire avancer les relations bilatérales, avec un ajustement et un approfondissement du dialogue stratégique. Les quatre années qui s'ouvrent seront une période cruciale pour les deux pays : ils vont profiter de cette période pour réaliser leurs objectifs respectifs en matière de développement économique et social, et s'adapter l'un à l'autre dans des circonstances nouvelles. Les deux parties devraient comprendre l'urgence de nouer des relations stables et prévisibles, plutôt que soupçonneuses. Le New York Times a publié un article le 23 novembre 2011, disant que les Etats-Unis et la Chine devraient se débarrasser de la malédiction du piège de Thucydide, dans lequel l'historien grec ancien croit la guerre inévitable entre un pouvoir existant et une puissance émergente. L'article a appelé les deux parties à éviter la confrontation, qui donnerait un résultat perdant-perdant. Mais les Etats-Unis ne sont pas Sparte et la Chine n'est pas l'Athènes d'il y a 2500 ans. Les chemins des deux pays et l'orientation de leurs relations bilatérales vont peut-être déterminer le développement de la situation internationale au cours des quatre prochaines années. C'est aussi pourquoi ils ont l'obligation de mettre en place une nouvelle relation saine et pérenne.
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