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Publié le 29/05/2012
Chasser l'écran de fumée

Ni Yanshuo

Guerriers masqués : des étudiants de l'université Jiaotong de Xi'an

 protestent contre le tabagisme passif

Wang Fei fume depuis trente ans, depuis ses années d'école en fait.

Wang a d'abord été attiré par les fumeurs qu'il voyait dans des films, et fumer lui semblait quelque chose de moderne à partager avec ses copains. Aujourd'hui il consomme deux paquets par jour, mais il se rend compte que les endroits où il peut le faire sont plus rares. La cigarette est de plus en plus bannie des hôtels, restaurants et bureaux.

« En plusieurs occasions, quand je fume dans des endroits public, je sens que les gens me regardent et je me sens obligé d'éteindre », a dit Wang à Beijing Information, ajoutant que le meilleur endroit pour lui est dans la cuisine à la maison où le ventilateur de cuisson peut avaler sa fumée.

La forte pression exercée sur les fumeurs à travers le monde a pour but d'empêcher les non-fumeurs d'inhaler la fumée des autres et d'améliorer la santé dans le monde.

Il y a un an, le 1er mai 2011, le ministère de la Santé de Chine a annoncé l'interdiction de fumer à l'intérieur des bâtiments publics selon les grandes lignes de la Convention cadre sur le contrôle du tabac, un traité international conçu par l'Organisation mondiale de la santé (OMS).

Bien que Wang pense que cette interdiction ait aidé à réduire l'espace des fumeurs, plusieurs autres trouvent qu'elle a été un échec à cause de sa faible application.

« Je ne vois aucun effet du bannissement depuis l'an dernier. Un collègue fume encore dans mon bureau et je n'ai pas trouvé de moyen efficace de l'arrêter », a dit Xiao Wei, rédacteur d'une revue de Beijing.

Xiao proteste à sa façon en portant un masque protecteur au travail. Mais pas seulement au travail. « Je vais souvent au restaurant et vois plusieurs personnes fumer malgré les affiches "interdit de fumer". Il est rare que les serveurs interviennent », a-t-il dit.

Un gros marché

L'OMS partage la frustration de Xiao concernant la faible intervention de la Chine quant au bannissement de la cigarette dans les endroits publics.

La Chine a signé la Convention cadre sur le contrôle du tabac en 2003 et l'a ratifiée le 9 janvier 2006. Selon ce document, la Chine, en tant que membre, devait bannir totalement la cigarette dans tous les endroits publics et les moyens de transport avant cinq ans.

Toutefois, cinq ans plus tard, en janvier 2011, l'OMS a émis un rapport intitulé « Contrôle du tabac et avenir de la Chine » à Beijing, évaluant les résultats du contrôle chinois. Sur la base d'un système de 100 points, la Chine marquait 37,3, bien près du bas de l'échelle parmi plus de cent adhérents à la Convention.

Cette piètre performance reflète une industrie du tabac hautement monopolisée en vue du profit. Selon un rapport émis par la banque de l'Industrie (siège au Fujian) en mars cette année, les profits nets de la China National Tobacco Corp. en 2010 ont été de 117,7 milliards de yuans (18,68 milliards de dollars), si bien que les 15,7 milliards de dollars de profit de Wal-Mart semblent minimes en comparaison.

Avec 350 millions de fumeurs en 2011, la Chine est le plus grand producteur et consommateur de tabac au monde.

L'OMS a aussi publié qu'environ 1,2 million de fumeurs chinois meurent des méfaits du tabac chaque année, dépassant le nombre total des victimes du sida/VIH, de la tuberculose, des accidents de la route et du suicide dans le monde.

Faille dans l'emballage

« Vu l'importante consommation de tabac et le nombre de fumeurs, il faudra du temps avant que la Chine atteigne son but de contrôler le tabac, a dit à Beijing Information Guihua, directeur administratif adjoint de l'Association chinoise du contrôle du tabac (CATC).

Selon Xu, la Chine ne fait pas suffisamment d'efforts pour faire connaître les méfaits du tabac sur la santé humaine. Par exemple, il n'y a pas d'avertissement efficace sur les paquets de cigarettes au pays.

« Les paquets de cigarettes sont le meilleur endroit pour inciter les gens à cesser de fumer. Mais en Chine, ils sont plutôt attrayants », a dit Xu. A cause de l'attrait de l'emballage, les cigarettes servent souvent de cadeau de haut niveau lors des fêtes chinoises.

De plus, la Chine n'a pas de règlements et lois nationaux pour interdire la cigarette dans les endroits publics. Dix-sept pays en ont et plus de cent-cinquante autres ont des lois pour interdire de fumer dans des endroits publics particuliers. En Chine, même la Loi sur la publicité et les règlements provisionnels sur la gestion de la publicité du tabac n'empêchent pas d'annoncer le tabac.

« Sans une telle loi, il est très difficile pour la Chine de contrôler le tabac dans les lieux publics. »

C'est la société qui y perd

La Chine pose une grande énigme. D'une part, le tabac devrait être banni, et d'autre part, cette industrie contribue largement au revenu fiscal du pays. Lors d'une conférence nationale de travail sur le tabac, le 11 janvier, Jiang Chengkang, administrateur principal du Monopole d'Etat sur le tabac, a dit que l'industrie du tabac a rapporté 752,96 milliards de yuans (119,52 milliards de dollars) de taxes et profits en 2011, une augmentation de 22,5 % en un an.

Mais Xu ne pense pas que l'industrie du tabac bénéficie à la société. Au contraire, la société ne peut qu'y perdre. Selon le quatrième sondage national sur la santé publique et les statistiques de 2008 sur la santé, les pertes économiques directes résultant du traitement du cancer et des maladies cardiovasculaires et respiratoires causées par les fumeurs de 35 ans et plus la même année ont atteint 39,08 milliards de yuans (6,2 milliards de dollars) ; les pertes économiques indirectes étaient encore plus élevées, soit 184,64 milliards de yuans (29,3 milliards de dollars).

« Tout en accumulant des profits pour elles-mêmes, les entreprises de tabac causent des pertes plus importantes dans tous les domaines de notre société », a dit Xu.

Conflit d'intérêts

Selon Xu, la Chine compte près de 900 millions de personnes menacées par le tabac. Il faut les efforts conjoints des divers départements du gouvernement pour les protéger. Cependant, les experts disent que les efforts du gouvernement à cet effet sont inefficaces.

Après la signature de la Convention cadre sur le contrôle du tabac en 2003, la Chine a établi un mécanisme dirigé par la Commission nationale pour le développement et la réforme (CNDR) afin d'appliquer la Convention. Cinq ans plus tard, le ministère de l'Industrie et de l'Information de Chine (MIIC) a remplacé la CNDR à la tête du mécanisme supposé contrôler le tabac en Chine.

« Jusqu'ici, ils ont rarement tenu des conférences, et n'ont ni plan de contrôle du tabac ni plan de législation à cet égard », a encore dit Xu.

Ironiquement, en tant qu'administration compétente, le MIIC est responsable du développement de l'industrie du tabac. A titre de leader du mécanisme, il devrait bannir le tabac. « Alors, que fera-t-il de l'industrie du tabac ? », se demande Xu.

De plus, le département de supervision gouvernementale – Administration du monopole d'Etat sur le tabac, et l'entreprise China National Tobacco Corp. forment actuellement une même organisation, gérée par le même groupe de personnes.

Selon Xu, le département gouvernemental du tabac parle en faveur des intérêts des entreprises. Il devrait restreindre la croissance de l'industrie tabatière, mais en fait, il aide à trouver un plus large espace de développement.

« C'est là la plus grande difficulté. Si l'on ne réforme pas ce système, il sera impossible à la Chine de réaliser quoi que ce soit quant au contrôle », a dit Xu.

La bonne nouvelle est que le gouvernement chinois a mis l'interdiction de fumer en public au programme de son XIIe Plan quinquennal (2011-15). « C'est un geste très important que nous applaudissons », a dit Xu. « Mais nous souhaitons aussi que le gouvernement adopte des mesures de contrôle concrètes. »

 

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