De nouvelles avancées sur la question nucléaire iranienne ? |
Wang Jinglie
Après un hiatus de presque 15 mois, l'Iran a renoué le dialogue le 14 avril à Istanbul avec les cinq pays membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU, à savoir Etats-Unis, Russie, Grande Bretagne, France et Chine, plus l'Allemagne (P5+1). Tous ces pays se sont mis d'accord pour commencer à Bagdad le 23 mai un nouveau cycle de réunions de haut niveau sur la question nucléaire. Toutes les parties ont témoigné de leur sincérité lors de la réunion d'Istanbul. Le porte-parole de Catherine Ashton, haut représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, a dit que tous les participants étaient satisfaits de l'« atmosphère constructive » de la négociation. Saeed Jalili, chef de la délégation iranienne, a félicité « l'autre partie pour son désir de dialogue et de coopération », affirmant que « nous considérons cela comme un signe positif ». La réunion est un bon début pour les futurs entretiens. Mais la discorde et l'hostilité entre les Etats-Unis et l'Iran sont profondément enracinées. Rétablir la confiance mutuelle et résoudre le problème nucléaire sera donc impossible à court terme. La menace de frappes militaires américaines et israéliennes reste une épée de Damoclès toujours suspendue au-dessus de la tête de l'Iran. Attaque militaire quasiment impossible L'Iran est la bête noire des Etats-Unis depuis la révolution islamique en 1979. Principale force anti-américaine au Moyen-Orient, l'Iran gêne la stratégie des Etats-Unis dans cette région. La première superpuissance souhaite toujours renverser l'actuel régime iranien. Les militaires américains menacent souvent l'Iran d'une éventuelle attaque. Par exemple, début 2012, trois porte-avions états-uniens étaient envoyés près du Golfe Persique.
Des manifestants exhortent les Etats-Unis à ne pas déclarer la guerre à l'Iran Washington a fixé deux lignes rouges pour Téhéran : développer des armes nucléaires, et bloquer le détroit d'Hormuz. Si l'une de ces lignes est franchie, les Etats-Unis « réagiront rapidement et fortement ». Cependant, le problème nucléaire n'a jusqu'à présent jamais menacé le leadership global des Etats-Unis. Ceux-ci sont confrontés à trop de problèmes dans le monde et sont dans l'impossibilité de tous les résoudre. En outre, l'Iran a pris une certaine distance vis-à-vis de ces deux lignes rouges. En orientant sa stratégie globale vers la région Asie-Pacifique, Washington n'est pas disposé à s'embourber dans une autre guerre en Iran après son retrait d'Irak. En dépit de la rancune accumulée pendant des décennies entre les deux pays, le problème nucléaire iranien pourrait ne pas nuire complètement aux intérêts stratégiques des Etats-Unis au Moyen-Orient et dans le monde. Depuis 2009, Washington a entamé le déploiement des systèmes de défense anti-missile dans la région du Golfe. Cinq pays arabes ont accepté l'installation de systèmes PAC-3 sur leur territoire. L'Iran est depuis encerclé par ce dispositif. Cette année, en collaboration avec les pays membres du Conseil de Coopération du Golfe, les Etats-Unis ont commencé à déployer un système de défense anti-missile balistique dans la région qui fait partie de son réseau global de défense. Les Etats-Unis ont divisé le monde islamique en se servant du problème nucléaire iranien. Brandir la soi-disant menace de Téhéran a accentué le sentiment d'insécurité des pays du Golfe. Leur rivalité avec l'Iran les amènent à dépendre de en plus en plus de la protection américaine. En échange, ces pays n'hésitent pas à être sur la même longueur d'ondes sur beaucoup de questions. Le programme nucléaire iranien a non seulement aggravé la peur des pays voisins, mais a aussi stimulé leur besoin en armements. Ces pays achètent à qui mieux mieux des armes américaines chaque année. D'après les statistiques publiées par le Centre d'analyse sur le commerce mondial des armes le 7 février 2012, le montant global des contrats d'importation d'armes conclus en 2011 dans le monde entier a totalisé 80 225 milliards de dollars. L'Arabie Saoudite est l'acheteur N°1, en dépensant 32,2 milliards de dollars en 2011, soit 40,14 % de la valeur totale des contrats globaux. Elle a conclu avec les Etats-Unis un énorme marché de 29,6 milliards de dollars pour l'achat d'avions de combat F-15. Les Emirats Arabes Unis se sont classés au troisième rang mondial avec 4,962 milliards de dollars de contrats, soit 6,18 % du marché. Si l'Iran « ne construit pas encore une bombe », toutes les sanctions visent à « persuader Téhéran de ne pas prendre cette mesure ». Par conséquent, le nœud de la question nucléaire iranienne n'est pas de savoir si Téhéran a violé le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, mais les conflits idéologiques et les relations mutuellement hostiles entre l'Iran et les pays occidentaux, Etats-Unis en tête. Une attaque militaire américaine contre l'Iran est donc peu probable dans un avenir proche. Israël, des incertitudes Contrairement à l'attitude positive du P5+1, le premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a critiqué le nouveau cycle de négociations, affirmant que les Etats-Unis et la communauté internationale avaient fermé les yeux sur le programme nucléaire iranien. Israël considère l'acquisition possible d'armes nucléaires par l'Iran comme une menace mortelle. Si les solutions diplomatiques échouent, il est presque certain qu'Israël recourra à la force militaire. Plusieurs raisons justifient le déclenchement éventuel d'une attaque militaire israélienne. Les douleurs passées et les expériences malheureuses ont sensibilisé les Israéliens à l'importance capitale de la sécurité nationale. Israël luttera pour son existence, à n'importe quel prix. Son concept de sécurité le détermine à être maître de son propre destin et l'empêche de ne fait qu'attendre la protection de ses alliés ou des conventions internationales. En outre, les groupes de droite et les nationalistes radicaux qui réclament des politiques intransigeantes envers l'Iran demeurent influents dans la société israélienne. D'ailleurs, les forces militaires israéliennes sont impressionnantes pour les attaques à longue portée et les éliminations ciblées. Dans l'histoire récente, Israël a lancé plusieurs attaques réussies contre d'autres pays du Moyen-Orient. Par exemple, il a bombardé les installations nucléaires d'Irak en 1981, et mené un raid aérien en 1985 contre le siège de l'Organisation de libération de la Palestine en Tunisie. Aujourd'hui, Israël a déjà bien évalué les conséquences du déclenchement d'opérations militaires contre l'Iran : tout apparaît comme insignifiant par rapport à la menace mortelle. Les Etats-Unis sont la première superpuissance du monde, mais sont-ils capables d'empêcher l'Israël de frapper l'Iran ? Le groupe de pression juif exerce une influence extrêmement importante sur la politique américaine, la première superpuissance va-t-elle être forcée de suivre Israël en déclenchant une guerre contre Iran ? La réponse est claire : les Etats-Unis ne sont pas un pays seulement au service des Juifs. Du fait de la position géopolitique et de l'important rôle économique du Moyen-Orient, les Etats-Unis ne vont pas permettre à Israël de jouer avec le feu, en dépit de la pression du lobby juif. Mais constamment hanté par le sentiment d'insécurité, Israël s'accoutume à s'obstiner dans sa façon de faire pour défendre ses propres intérêts, sans tenir compte des différentes oppositions. Il est fort possible qu'Israël procède à des opérations militaires pour empêcher l'Iran de développer des armes nucléaires. Sans aucun doute, le Moyen-Orient tombera dans le chaos si Israël attaque l'Iran. Les prix du pétrole monteront probablement à 200 dollars le baril, affectant gravement la politique et l'économie mondiales. (L'auteur est directeur du Bureau d'études du Moyen-Orient de l'Institut de recherches sur l'Asie de l'ouest et l'Afrique, relevant de l'Académie des Sciences sociales de Chine).
Beijing Information
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