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Publié le 02/05/2012
Le scandale des mères porteuses

Le cas d'un riche couple du sud ayant donné naissance à huit enfants crée une polémique sur le business illégal des mères porteuses en Chine. Le vide juridique concernant la gestation pour autrui doit être comblé de toute urgence.

Wang Hairong

八胞胎在影楼所拍摄的照片。《广州日报》供图

Un beau bébé sur un fond rose. La page d'accueil de Ymdaiyun.com ressemble à celle de milliers d'autres sites dédiés aux femmes enceintes. Sauf qu'ici, pas de couches en promotion, pas de lait non plus… Ymdaiyun.com propose des mères de substitution.

Ces femmes proposent de louer leur utérus à des couples souhaitant avoir un enfant. Moyennant finance, évidemment. Problème, ces pratiques sont interdites depuis 2001. Mais la loi n'est apparemment pas faite pour tout le monde, puisque certains n'hésitent pas en faire commerce. Fin 2011, ce marché du vivant a atterri en Une des médias, suite au cas d'un riche couple de la province méridionale de Canton, qui avait utilisé cette méthode pour donner naissance à cinq de leurs huit enfants.

Après un an de mariage, ce couple n'a pas réussi à avoir d'enfant. Ils se sont donc tournés vers la reproduction médicalement assistée. Huit embryons ont été cultivés artificiellement, et tous ont survécu. Le couple a donc décidé de répartir les embryons entre la femme et deux mères porteuses.

« Cette affaire montre comment les techniques de reproduction assistée peuvent être détournées », estime Dong Yuzheng, éthicien et secrétaire général du Planning familial de la province du Guangdong.

Un service pour les riches

Et ce couple cantonais n'est que l'arbre qui cache la forêt. Aa69.com, le site web de Lu Jinfeng, père autoproclamé des mères de substitution en Chine, affirme que cette agence a commencé à recruter des mères de substitution volontaires en janvier 2004, et qu'elles auraient depuis donné naissance à 6 000 bébés.

La Chine compterait environ 500 agences de ce type, dont 50 à Canton, capitale du Guangdong, selon le magazine shanghaïen Xinmin Weekly. Depuis 2004, beaucoup de ces organismes utilisent le web pour trouver des mères porteuses et des futurs parents.

Certains couples utilisent aussi les plates-formes de messageries instantanées telles que QQ pour trouver des femmes susceptibles de porter leur enfant. Le Quotidien du Sud a récemment découvert plus de 180 groupes QQ dédiés à la maternité de substitution, avec environ 30 000 membres, en majorité à la recherche d'une mère porteuse. Selon un rapport de l'Association chinoise de la population datant de 2010, un couple sur huit en âge de procréer aurait des difficultés à concevoir, soit quatre à cinq fois plus qu'il y a 20 ans.

Si certaines femmes se tournent vers la maternité de substitution pour des raisons de santé, celles qui y voient un moyen de ne pas nuire à leur carrière professionnelle sont de plus en plus nombreuses. Certains couples l'utilisent aussi pour contourner la politique de l'enfant unique.

Sur Ymdaiyun.com, il faut compter de 280 000 à 550 000 yuans pour une grossesse. Entrer en contact avec une mère porteuse coûte 14 000 yuans, et être introduit auprès du médecin, 35 000 yuans. Pour la procédure médicale, les couples doivent débourser de 40 000 à 70 000 yuans, et les frais pour subvenir aux besoins de la mère porteuse peuvent atteindre près de 2 000 000 yuans. Enfin, le site web indique que le salaire net d'une mère porteuse est compris entre 80 000 et 100 000 yuans. Selon le journal cantonais Information Times, elles seraient dans le besoin, et loueraient  leur ventre uniquement pour l'argent.

Un vide juridique

Si le ministère de la Santé interdit aux institutions médicales et à leur personnel ce type d'actes médicaux, M. Lu estime que le ministère n'a pas le pouvoir d'empêcher la formation d'un marché privé de la maternité de substitution. Dong Yuzheng estime que la réglementation en la matière est une règle administrative plutôt qu'une loi, et que certains ont su tirer profit de cette faille juridique. De plus, il n'est pas rare que les actes soient pratiqués en Inde ou en Thaïlande, où tout cela est entièrement légal.

Après le scandale des octuplés de Canton, le Département de la Santé de la province a mis en place un groupe spécial pour enquêter sur l'affaire, affirmant que les contrevenant seraient sévèrement punis. Mais les peines - une simple amende de 30 000 yuans - sont jugées insuffisantes pour décourager ceux qui profitent de ce business très lucratif. En effet, une opération de ce genre rapporterait de 60 à 120 000 yuans au médecin qui la pratique…

La gestation pour autrui implique de nombreux risques, tels que d'éventuelles malformations congénitales, l'avortement, la sécurité de la mère porteuse et le divorce ou la mort possible des futurs parents pendant la grossesse des mères porteuses. Les contrats proposés par ces agences ne protègent pas toujours les parents et les mères porteuses contre ces risques, et de toute façon, ces actes n'étant pas légaux, les contrats ne le sont pas non plus.

Zhang Lizhu, professeur à l'Université médicale de Beijing, et père du premier bébé-éprouvette de Chine en 1988, estime que le gouvernement devrait réglementer strictement la gestation pour autrui. « Si une loi autorisant la maternité de substitution est mise en place, le ministère de la Santé sera en mesure d'autoriser un petit nombre d'hôpitaux qualifiés à effectuer ces actes, et de telles procédures devront être approuvées par les organismes désignés et un comité d'éthique », estime le professeur. Un environnement réglementé permettrait de prévenir les abus, et de permettre aux couples en souffrance de réaliser leur rêve.

 

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