Les challenges de Pepsi |
Malgré son succès mondial, PepsiCo peine à conquérir le marché chinois, toujours derrière son rival Coca-Cola. Mais une récente alliance pourrait bien changer la donne. Liu Xinlian
Le 4 novembre, le géant chinois des boissons et des nouilles instantanées, Tingyi Holding Corp, a signé un accord avec PepsiCo en vue de créer une alliance commerciale stratégique en Chine. Tingyi-Asahi Beverages Holding Co. Ltd., entreprise du groupe Tingyi, va donc devenir le franchiseur de Pepsico en Chine. « Cette alliance permettra au groupe américain de se séparer de son activité de mise en bouteille, afin de se concentrer sur les domaines rentables », estime Chen Jing, analyste de l'industrie des boissons chez Beijing Orient Agribusiness Consultant Ltd. Toutefois, ce mariage a causé un certain émoi sur le marché des boissons chinois. Actuellement, le projet est sous l'approbation du ministère chinois du Commerce. Celui-ci doit mener une enquête anti-monopole, la fusion représentant 30% du marché. Le vrai gagnant ? Selon des initiés de l'industrie, les premiers contacts entre PepsiCo et Tingyi remontent à 2004. Avec ce rapprochement, Tingyi espère jouir de l'expertise et de la réputation de PepsiCo. Mais certains experts en doutent, l'alliance n'incluant pas le transfert de la production des ingrédients clé des boissons gazeuses. « C'est PepsiCo le véritable vainqueur. Tingyi est excellent en marketing, et en relations publiques, les points faibles de la firme américaine », a déclaré Lei Yongjun, directeur général de Beijing Putianshengdao Branding Consulting Co. Ltd. Selon un rapport publié par Nomura Securities, même en 2009 et 2010, alors que les entreprises du secteur faisaient du bénéfice, PepsiCo accumulait les pertes. « PepsiCo a un problème structurel en Chine, notamment dans ses dépenses marketing et son management », estimait le rapport de Nomura Securities. A l'opposé de son concurrent Coco-Cola, PepsiCo a choisi de créer des filiales avec des conglomérats régionaux plutôt qu'internationaux, comme l'a fait Coca-Cola avec COFCO, Swire Group ou encore Kerry Group. Actuellement, l'entreprise compte 24 usines de mise en bouteille à travers la Chine. « Ses partenaires régionaux n'étaient pas assez forts pour conquérir les marchés régionaux », a déclaré Chen Wei, analyste indépendant du secteur. Pour lui, les pertes sont liées au manque de contrôle des usines. De plus, le partage des bénéfices avec elles est source de tensions. « Dans le secteur des boissons gazeuses, les profits liés à la mise en bouteille sont très faibles », a déclaré Chen Jing, analyste chez Beijing Orient Agribusiness Consultant Ltd. ChinaBottlers Ltd. La société qui supervise les 24 usines de PepsiCo a affiché une perte de 220 millions de dollars au cours des deux dernières années. Dès 2003, PepsiCo a lancé une campagne visant à s'attaquer au marché des boissons non gazeuses. En 2003, en vue de rivaliser avec le partenariat Coco-Cola-Nestlé sur le marché du thé, PepsiCo et Unilever ont formé un joint-venture, Pepsi Lipton International, pour fabriquer et commercialiser le Lipton Ice Tea dans 67 pays. Cette stratégie n'a pas payé, et deux ans plus tard, Lipton Ice Tea était retiré du marché. « PepsiCo et Unilever avaient beau être deux géants étrangers, l'intégration n'a pas pu se faire en raison de la trop grande différence entre leurs produits », a dit Chen. Les défis à venir Si, pour le président et CEO de PepsiCo, Indra K. Nooyi, « ceci est une bonne affaire pour Pepsi Bottling, Tingyi, nos partenaires chinois et les consommateurs », les analystes et industriels sont plus réservés. La plus grande difficulté pourrait advenir lors de l'intégration des différentes cultures d'entreprise, selon Li Baojun, président de Societ Insights & Decision Co. Ltd, basé à Shenzhen. « Les entreprises de Taiwan se concentrent sur la haute efficacité et la rigueur administrative. Après l'alliance, les usines de mise en bouteille devront inévitablement licencier. Ce sera le premier test », a-t-il prévenu. Les inquiétudes de Li Baojun sont renforcées par les récentes grèves dans les usines chinoises de PepsiCo. Des employés à Fuzhou, Chongqing, Chengdu et à Nanchang ont protesté contre l'alliance, a rapporté l'Economic Observer le 14 novembre dernier. La production en a été gravement affectée. Ces deux dernières années, les activités de mise en bouteille de PepsiCo en Chine ont enregistré des pertes, coincées entre la flambée des coûts des matières premières et la concurrence intense de Coca-Cola. Rien qu'en 2010, PepsiCo a affiché une perte nette de 175,6 millions de dollars. « Tous ces problèmes vont à coup sûr compliquer l'intégration de Tingyi », a déclaré Lou Xiangpeng, président de Fulai Branding Consulting Co. Ltd. PepsiCo Bottling n'étant pas l'unique superviseur de ses opérations en Chine, Tingyi va devoir négocier avec d'autres investisseurs. « C'est également un problème essentiel, qui doit être résolu correctement », a dit Lou. PepsiCo et Tingyi produisent tous deux des boissons gazeuses, et il est essentiel pour Tingyi de se constituer un nouveau portefeuille de produits en repositionnant ses produits. Selon Wei Ing-chou, président de Tingyi, il faudra trois à cinq ans pour redresser PepsiCo China. « L'industrie des boissons en Chine fera face à un marché difficile pour le reste de cette année et la suivante en raison de la croissance effilée et de la guerre des prix qui fait rage », a dit Wei. Examen anti-monopole Selon la loi anti-monopole chinoise, lors d'une fusion, si les ventes annuelles des deux entreprises fusionnées dépassent les 10 milliards de yuans et les ventes de l'une d'entre elles dépassent les 400 millions de yuans, la fusion doit être soumise à la procédure anti-monopole. Même si les deux entreprises ont préféré parler d'alliance stratégique ou d'equity swap plutôt que de fusion ou d'acquisition, le poids de leur part de marché les contraint à se soumettre à une enquête anti-monopole. « Cette coopération va encore renforcer la position de leader de Tingyi sur le marché des boissons gazeuses, a déclaré Guo Risheng, analyste chez Guotai Junan Securities. Nous doutons que le ministère chinois du Commerce approuvera l'opération. »
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