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Publié le 23/11/2011
Après vous

Shi Yongming

La méfiance américaine à l'égard de la Corée du Nord tourne autour de deux points : les Etats-Unis estiment que la Corée du Nord n'est pas sincère sur la dénucléarisation d'une part, et d'autre part, la politique de la Corée du Nord envers la Corée du Sud est perçue par les Américains comme agressive.
 
Le 8 décembre 2009, Stephen Bosworth, l'envoyé spécial américain pour la République populaire démocratique de Corée, arrive à Pyongyong pour une visite de trois jours. 

La Corée du nord et les Etats-Unis ont achevé le 25 octobre deux jours de discussion à Genève, en Suisse. Cette rencontre a pris une bonne direction, et les divergences se sont estompées, affirme Stephen Bosworth, Représentant spécial américain pour la politique nord-coréenne. Malgré cette déclaration, les négociations n'ont donné aucun résultat concret.

De nombreux changements se sont produits sur la péninsule coréenne depuis la Déclaration commune du 19 Septembre, publiée à l'issu des pourparlers à six en 2005. Selon la déclaration commune, toutes les parties doivent s'engager sur le principe que la péninsule coréenne doit être dénucléarisée.

Ces changements ont rendu difficile la mise en œuvre de la Déclaration commune. En outre, ils ont détruit la confiance politique mutuelle entre la Corée du Nord et la Corée du Sud, et entre la Corée du Nord et les Etats-Unis. Se remettre autour de la table est donc un acte difficile, tant pour les Etats-Unis que pour la Corée du Nord.

Méfiance

Les deux parties ont fait preuve d'une extrême prudence à Genève. Cette attitude montre que les difficultés sont claires des deux côtés. En effet, si la Corée du Nord a montré sa volonté de restaurer les pourparlers à six, les Etats-Unis se sont montrés plutôt indifférents. Une attitude qui s'explique par le retrait de la Corée du nord des pourparlers à six en avril 2009.

Cette méfiance a deux origines : les Etats-Unis estiment que la Corée du Nord n'est pas sincère sur la dénucléarisation d'une part, et d'autre part, la politique de la Corée du Nord envers la Corée du Sud est perçue par les Américains comme agressive.

Le doute sur la bonne volonté nord-coréenne semble fondé. La Corée du Nord n'a pas abandonné son programme nucléaire après la déclaration commune du 19 Septembre, en procédant à un deuxième essai nucléaire en mai 2009. Cela a été le résultat d'une série de questions complexes, y compris les différends sur le mode de vérification du démantèlement, la détérioration des relations Nord-Sud après la prise de fonction du président sud-coréen Lee Myung Bak en 2008, et les mesures sévères prises par les Etats-Unis, le Japon et la Corée du Sud suite au tir d'essai par satellite qu'aurait effectué la Corée du Nord en avril 2009. Mais ces questions ne pouvaient pas changer la nature du deuxième essai nucléaire, qui constitue une violation de la Déclaration commune du 19 Septembre.

Pendant des années, la Corée du Nord a nié mettre en œuvre un programme d'enrichissement d'uranium. Mais en novembre dernier, elle a présenté ses équipements d'enrichissement d'uranium à des experts américains.

En outre, les tensions sur la péninsule coréenne ont été exacerbées par le naufrage du navire de guerre sud-coréen Cheonan en mars 2010, et l'échange de tirs sur l'île Yeonpyeong en novembre 2010.

Trois jours après les pourparlers, le 28 octobre, les chefs de la Défense américaine et sud-coréenne ont tenu la 43e Réunion consultative sur la sécurité américano-sud-coréenne. Les deux parties ont publié une déclaration conjointe, s'engageant à remplir un plan opérationnel commun pour faire face à "l'agression nord-coréenne", et développer conjointement une dissuasion militaire pour s'attaquer aux armes nucléaires et aux menaces de destruction massive de la Corée du Nord. Le secrétaire américain à la Défense, Leon Panetta, a exprimé des soupçons sur la sincérité la Corée du Nord à abandonner son programme nucléaire.

Une fois encore, nous voyons la contradiction de la politique américaine. Tout en ayant des discussions avec la Corée du Nord, et en l'exhortant à stopper son programme d'enrichissement d'uranium pour montrer sa sincérité, les Etats-Unis font preuve d'une forte hostilité militaire envers la Corée du Nord.

Cela prouve la difficulté à restaurer la confiance mutuelle de base, pourtant essentielle aux négociations entre les deux pays. Surmonter ces difficultés requiert de grands efforts.

Impasse

Les facteurs ayant mené la Corée du Nord à accepter la reprise des pourparlers à six sans condition sont compliqués. L'échange de tirs sur l'île de Yeonpyeong a conduit la confrontation Nord-Sud et les Etats-Unis dans une impasse. Si cette confrontation se poursuit, les conséquences pourraient être dangereuses. Des conséquences que ni la péninsule, ni les pays voisins n'aimeraient voir se produire.

Actuellement, la Corée du Nord fait face à deux défis intérieurs : la transition du pouvoir et le développement économique. Les tensions extérieures ne sont évidemment pas favorables à la résolution des problèmes internes au pays.

La Chine et la Russie ont promu la reprise des pourparlers pour aider à soulager la tension sur la péninsule. Lors de sa visite dans les deux Corées, du 23 au 27 octobre, le vice-premier ministre chinois Li Keqiang a appelé à des efforts pour reprendre les négociations et faire progresser l'objectif de dénucléarisation de la péninsule.

Toutefois, les Etats-Unis et la Corée du Sud ont toujours nourri des soupçons au sujet du but réel de la Corée du Nord à revenir aux pourparlers à six. Beaucoup croient que la Corée du Nord n'a pas vraiment envie d'abandonner son programme nucléaire, et que son véritable objectif est de gagner du temps pour améliorer sa situation intérieure.

Cette opinion a été renforcée par les dernières opérations militaires de l'OTAN. Peu de temps après le début du bombardement en Libye le 19 mars, le ministère nord-coréen des Affaires étrangères a accusé l'OTAN de piétiner la dignité et le droit à l'existence du peuple libyen. Il a qualifié ces actions de « crime affreux contre l'humanité », et a souligné que c'était la capacité d'auto-défense nord-coréenne qui contribuait à maintenir la paix sur la péninsule coréenne et à éviter la guerre.

Le 10 mai, lorsque l'OTAN a lancé des frappes aériennes de précision contre Tripoli, ses missiles ont endommagé l'ambassade de Corée du Nord, située à 500 mètres de la cible. Beaucoup ont cru que ces opérations militaires de l'OTAN en Libye avaient renforcé la volonté nord-coréenne de développer des armes nucléaires.

Dans ce contexte, les Etats-Unis ont besoin de faire plus d'efforts pour convaincre la Corée du Nord qu'elle ne sera pas la cible de frappes militaires. Mais le 28 octobre, Panetta a réaffirmé que si les Etats-Unis trouvaient des preuves que la Corée du Nord utilisait des armes nucléaires, missiles, armes chimiques et autres armes de destruction massive, ils feraient plein usage de la force militaire, parapluie nucléaire, armes conventionnelles et capacités de défense antimissile compris, pour fournir des moyens de dissuasion élargie à la Corée du Sud. Cette déclaration a été qualifiée de politique préventive.

Les interactions entre la Corée du Nord et les Etats-Unis ont rendu difficile la relance des relations.

Conflits

Il sera encore plus difficile pour les deux pays de surmonter les obstacles stratégiques, car leurs objectifs stratégiques sont opposés.

La Corée du Nord a besoin de garanties américaines, y compris la reconnaissance de son système politique, une promesse de ne pas envahir la Corée du Nord, la signature d'un accord de paix, et l'établissement de relations diplomatiques normales.

Cependant, même si les Etats-Unis sont prêts à faire ces promesses, la Corée du Nord va-t-elle y croire ? Le comportement américain sur les dossiers internationaux ces dernières années, du soutien des « révolutions de couleur » en Europe de l'Est dans les années 2000, aux protestations dans plusieurs pays du Moyen-Orient cette année, en passant par son aide militaire pour renverser le régime de Mouammar Kadhafi en Libye, montre que les Etats-Unis ne tolèrent pas les soi-disant « régimes autoritaire s». Rien d'étonnant à ce que la Corée du Nord se montre sceptique.

Beaucoup de gens espèrent que la Corée du Nord adoptera une politique de réforme et d'ouverture, à l'instar de la Chine. Mais ces deux pays ont de fortes différences en termes de traditions culturelles et d'environnement international. La Corée du Nord fait face à un choix difficile : obtenir des garanties de sécurité en effectuant une transition sociale, ou attendre d'obtenir ses garanties pour commencer ses réformes.

Actuellement, la stratégie américaine en Asie-Pacifique se concentre sur le maintien de son contrôle sur la région. La clé de cette stratégie est de renforcer les alliances militaires pour assurer le contrôle américain sur la sécurité régionale.

En ce qui concerne la péninsule coréenne, les Etats-Unis cherchent à renforcer leur alliance avec la Corée du Sud, aident à promouvoir sa capacité de dissuasion militaire, et à développer un mécanisme de coopération militaire avec la Corée du Sud et le Japon.

Selon cette stratégie, il semble que les Etats-Unis n'ont pas besoin de négocier avec la Corée du Nord. En cas de provocation nord-coréenne, les Américains seraient en mesure de réagir vigoureusement.

Les Etats-Unis participent à des pourparlers avec la Corée du Nord en partie car ils souhaitent l'arrêt de son programme nucléaire, et en partie pour prendre l'ascendant diplomatique.

Un point clé pour juger des intentions des Etats-Unis réside dans son attitude vis-à-vis de la construction d'un mécanisme de paix global sur la péninsule coréenne.

La méfiance américaine à l'égard de la Corée du Nord tourne autour de deux points : les Etats-Unis estiment que la Corée du Nord n'est pas sincère sur la dénucléarisation d'une part, et d'autre part, la politique de la Corée du Nord envers la Corée du Sud est perçue par les Américains comme agressive.

(L'auteur est chercheur associé à l'Institut chinois des Etudes internationales)

 

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