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Publié le 31/10/2011
Au secours des PME chinoises

En mal de cash, de nombreux patrons endettés se sont enfuis. Le milieu des affaires de Wenzhou, berceau des PME chinoises, est enfoncé dans une crise du crédit.

Lan Xinzhen

 

Un ouvrier confectionne des pièces à la main dans l'obscurité après la coupure de l'électricité, dans une usine de Wenzhou. 

Hu Fulin est très connu dans le secteur de l'optique en Chine. La compagnie Zhejiang Center Group Corporation qu'il dirige est l'un des principaux producteurs de lunettes, et le premier producteur et exportateur de lunettes de soleil du pays. Le 20 septembre 2011, un voyage de Hu pour les Etats-Unis, apparemment ordinaire, a suscité de grands remous dans la ville de Wenzhou où siège le Center Group. Une rumeur circulait rapidement que Hu s'était déjà enfui à l'étranger.

Le lendemain de son départ, ses employés et créanciers ont envahi le bâtiment du groupe pour exiger leurs salaires et argent. La police municipale a été dépêchée sur place pour maîtriser l'agitation. Le 25 septembre, le Comité administratif de la zone des hautes et nouvelles technologies d'Ouhai a avancé en urgence plus de 9 millions de yuans pour payer les salaires du mois d'août et de septembre des 1800 employés du groupe.

L'après-midi du 10 octobre, le retour de Hu Fulin a enfin brisé la rumeur. Il a reconnu les difficultés financières de son entreprise. « Je me suis rendu aux États-Unis pour solliciter l'aide financière de mes amis. Par ailleurs, certains clients américains nous doivent encore de l'argent. J'ai essayé de communiquer avec eux pour récupérer les sommes dues », a expliqué Hu. Cependant, une autre version sur son déplacement semble plus populaire. D'après celle-ci, le retour de Hu Fulin est dû à l'entremise d'un certain département du gouvernement municipal de Wenzhou qui a promis de soutenir le regroupement de la compagnie.

Avec un retour volontaire ou obligé, le déplacement à l'étranger de Hu a levé le voile sur les difficultés des PME à Wenzhou. Soudain, on a réalisé que le développement économique de la ville, berceau des PME chinoises, est tombé dans une situation embarrassante, et que les difficultés financières des entreprises se généralisent.

Vague de fuite des patrons

En réalité, la vague de fuite des patrons à cause de l'endettement avait commencé avant l'affaire de Hu Fulin. Selon l'agence Xinhua, entre début avril et fin septembre, quelque 90 entreprises de Wenzhou sont tombées en faillite, et leurs patrons se sont enfuis. Pour le seul mois de septembre, on compte 26 cas. Le phénomène a été ignoré puisqu'il ne s'agissait que de PME de faible influence. Lorsque Hu Fulin et son Center Group se sont retrouvés dans la même situation, on a été enfin choqué par le grand risque de faillite auxquelles sont actuellement soumises les entreprises privées.

Un endettement lourd à supporter a conduit à la fuite des patrons. Du 22 au 27 septembre, trois cas de suicide de patrons endettés ont fait trembler la ville. Deux d'entre eux sont morts, et un blessé.

La plupart des entreprises de Wenzhou sont orientées vers l'exportation. Cette année, la réévaluation du yuan s'accélère. Le marché international s'atrophie. Les coûts de la main-d'œuvre et des matières premières ont grimpé à cause de l'inflation. Sous l'effet cumulé de tous ces facteurs, la plupart des entreprises locales sont déficitaires.

Lors de la conférence de presse du Bureau des finances du gouvernement municipal qui s'est tenue le 29 septembre, le directeur Zhang Zhenyu a constaté que les fermetures et faillites des entreprises de la ville sont passées d'un phénomène individuel à une tendance épidémique. Et cette influence négative s'étend progressivement sur les entreprises corrélatives en gestion saine.

Pourquoi la chaîne de capitaux s'est-elle rompue ?

Le nº 1 de la lunetterie de Wenzhou, le Center Group avait une notation de crédit de catégorie A. Les banques le considéraient comme un client de qualité, et se hâtaient de lui accorder des prêts. Cela a encouragé Hu Fulin à investir dans les énergies nouvelles.

Vers la fin de l'année 2008, Hu a investi six ou sept millions de yuans, en collaboration avec la Sino Silicon Technology Corporation, dans le secteur de l'énergie solaire photovoltaïque. Selon le site Internet officiel du Center Group, le projet dans lequel il a investi devait réaliser une production de 600 MW en 2011, avec une valeur de production annuelle de 7 milliards de yuans.

Aujourd'hui, trois ans se sont écoulés. Mais ce projet n'a pas apporté de rendement.

« Ces deux dernières années, la spéculation autour de l'énergie solaire est restée forte. D'énormes capitaux nationaux ont été versés dans le secteur, ce qui a conduit à un surplus de production », a expliqué Yi Xiuxin, directeur du service du contrôle des entreprises du Comité administratif de la zone des hautes et nouvelles technologies d'Ouhai. En raison principalement de la détérioration de la crise de la dette en Europe, la situation économique extérieure était sombre. Le gouvernement a suspendu ses subventions au secteur. Le prix des produits photovoltaïques a continué de chuter. Le secteur est devenu déficitaire. Hu Fulin a ainsi échoué dans son projet d'investissement. Les prêts bancaires le tourmentaient comme un cauchemar.

Cette année, afin de lutter contre l'inflation, les banques ont resserré leurs conditions de prêt. Hu a été obligé de se tourner vers le crédit privé à taux d'intérêt plus élevé.

Pendant les jours d'absence de Hu Fulin, le Center Group a confié à l'agence comptable Zhongyuan la liquidation de ses actifs. Selon les résultats, le passif total du groupe est d'environ 1,3 milliard de yuans, dont 3 à 4 millions de yuans de prêts à usure, 8 à 9 millions de yuans de prêts bancaires, ainsi que 60 millions de yuans de créances dues aux fournisseurs.

Ce qui a conduit directement à l'effondrement du Center Group, c'est un prêt bancaire de 14 millions de yuans, déjà arrivé à échéance. Incapable de le rembourser, le groupe a vu sa chaîne de capitaux se rompre.

A Wenzhou, de nombreuses entreprises souffrent du manque de capitaux. Entre juin et juillet 2011, l'Ecole nationale du développement de l'université de Beijing a effectué une enquête sur la gestion de 94 petites entreprises, 4 marchés professionnels et 12 banques dans 7 villes du Zhejiang, dont Wenzhou. Selon le résultat, 18,63 % de ces entreprises connaissent une suspension ou semi-suspension de leur production. Seulement un quart d'entre elles réalise un taux d'activité de 90 % ou plus.

Les PME sont nombreuses à Wenzhou. En raison du manque de soutien financier suffisant des banques commerciales, elles recourent aux prêts à usure. Depuis 2011, les prêts privés demeurent dynamiques dans le contexte d'un macro-contrôle économique strict et du resserrement de la circulation monétaire des banques. Durant les six premiers mois de l'année, les prêts à usure représentaient un total de 48,55 milliards de yuans, avec des taux d'intérêts parfois des dizaines de fois plus élevés que celui des banques.

Normalement, le délai entre la production et le règlement est de 30 jours au minimum. Sous la pression de la réévaluation continuelle du yuan, les petits exportateurs n'osent pas accepter de grosses commandes. Malgré la fluctuation du taux de change, ils maintiennent avec peine le niveau des prix, afin de garantir l'intérêt de leurs clients anciens. Leur marge de profit se rétrécit et est parfois inférieure au taux d'intérêt de leurs emprunts.

Le gouvernement joue le sauveur

Le manque de capitaux des PME de Wenzhou a attiré une grande attention des gouvernements à différents échelons.

En septembre, le gouvernement municipal de Wenzhou a envoyé 25 groupes de travail dans les 25 banques municipales, dans le but d'assister ces dernières pour améliorer leur service de sauvetage des entreprises privées. Ces banques ont promis de baisser leur taux d'intérêt pour les prêts, et de ne pas prélever d'argent ni de réduire les prêts en faveur des PME.

Le 9 octobre, un plan global pour sauver le marché a été mis en place, comprenant l'établissement d'un fonds de roulement provisoire de 200 millions de yuans en tant que prêts secondaires en faveur des PME. L'Association de la promotion des PME de Wenzhou créera des fonds similaires, pour un montant de 900 millions de yuans.

Le 7 octobre, le gouvernement provincial du Zhejiang a tenu une réunion, donnant instruction aux départements administratifs d'apporter une aide active aux entreprises.

Le 4 octobre, le premier ministre Wen Jiabao a présidé une réunion à Wenzhou, écoutant le rapport sur la situation de développement des petites entreprises. Le 12 octobre, de retour de son voyage au Zhejiang, il a présidé la réunion des membres permanents du Conseil des Affaires d'Etat pour étudier les mesures d'aide financière et fiscale aux petites et micro entreprises. Selon ces mesures, les institutions financières doivent étendre leur soutien à ce genre d'entreprises. Le taux de croissance des prêts bancaires en faveur des petites et micros ne doit pas être inférieur au niveau moyen de tous les prêts. Et le volume de croissance doit être plus élevé que celui de l'année précédente. Les petites banques continueront à appliquer des taux de réserves obligatoires relativement bas. Les banques commerciales intensifient leur soutien financier aux entreprises ayant une garantie de crédit inférieure à 5 millions de yuans. Les organes de contrôle renforcent la supervision des prêts bancaires et des clients, pour que ces prêts soient utilisés efficacement dans la production et la gestion normales des petites et micro entreprises.

Ces mesures visent également à élargir les voies de financement des petites et micro entreprises, leur permettant d'émettre un plus grand nombre de factures et d'obligations collectives et à court terme, à développer de manière active et sûre des outils de financement tels que les fonds de départ et les fonds de placements privés en actions, et à promouvoir l'édification des marchés boursiers traditionnels et de gré à gré (OTC), améliorant ainsi l'environnement du financement par le nantissement des droits d'actions.

Pour les PME de Wenzhou comme dans le pays entier souffrant d'un manque de capitaux, ces mesures viennent à point nommé.

 

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