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Publié le 21/10/2011
L'Oscar, un rêve encore lointain

Li Ting

 
 The Flowers of War, l'un des trois films en lice pour l'Oscar

Le 6 octobre, l'Academy of Motion Picture Arts and Sciences (AMPAS) a annoncé la clôture des inscriptions dans la catégorie Meilleur film en langue étrangère pour la 84e cérémonie des Oscars. Après trois cycles de votes (respectivement 59 pour 15, 15 pour 9 et 9 pour 1), le lauréat sera choisi parmi des films en provenance de 59 pays et régions. Trois films chinois courent dans cette catégorie.

Tous les producteurs rêvent de cette statuette dorée, et surtout les Chinois. Bien qu'un seul film chinois ait remporté le prix du meilleur film en langue étrangère depuis sa création il y a 64 ans - Tigre & Dragon, en 2000 - les Chinois sont fans de cette cérémonie. Gagner un Oscar, c'est la possibilité de devenir célèbre à l'étranger. Mais selon certains experts, mieux vaut se concentrer sur le marché chinois, qui s'élargit de jour en jour et qui est devenu la cible principale des magnats du film internationaux.

Probablement une belle illusion

« Tous les réalisateurs rêvent de s'internationaliser ; entrer sur le marché international, c'est pénétrer une dimension supérieure. Cependant, cet engouement des Chinois pour le marché international n'est pas nécessairement partagé par les spectateurs étrangers », a lâché Ge Ying, spécialiste du 7ème art.

« Le symbole de la réussite chinoise à l'étranger, c'est Hero, qui a battu les films de Hollywood sur le marché américain. Avec 177 millions de dollars au box-office, Hero a occupé pendant deux semaines consécutives la première place au box-office US. Cependant, peu de personnes savent que ce film est resté dans les cartons pendant un an et demi avant sa projection à l'étranger », a révélé Ge.

La société Miramax Films a acheté les droits de Hero début 2003, mais il a fallu attendre le 27 août 2004 pour que le film sorte enfin aux Etats-Unis. Si certains y voient une stratégie marketing, en réalité, la société s'est d'abord occupée de ses propres productions, comme Gangs of  New York et Chicago, et a donc mis de côté l'épopée de Zhang Yimou.

Pour Ge Ying, sans parler des raisons du succès de Hero, les producteurs chinois ont peu profité de la grande popularité du film outre-mer, car les étrangers avaient acheté les droits exclusifs.

Les films chinois candidats au succès international doivent également se contraindre à des modifications de leurs scénarios. La saga Red Cliff, adaptation du roman La légende des trois royaumes, est le film chinois qui a le plus pris en compte les attentes du public étranger. Mais quand le film a traversé les frontières, le distributeur américain lança au réalisateur John Woo : « Pourquoi une guerre entre trois royaumes ? Deux royaumes, ce serait plus simple et plus compréhensible ! » Le film n'a heureusement pas été modifié, mais certains compromis sont absolument inévitables.

Red Cliff a finalement été projeté en Amérique du Nord, mais n'a rapporté que 620 000 dollars au box-office. De nombreux films chinois n'ont pas l'occasion d'être projetés outre-mer une fois les droits exclusifs cédés aux étrangers. Lors du Festival international de film à Shanghai 2010, le célèbre réalisateur Feng Xiaogang a vertement critiqué le producteur hollywoodien Harvey Weinstein, celui-ci lui ayant acheté les droits de The Night Banquet, mais ne l'ayant jamais projeté.

C'est la technique bien rodée de Harvey Weinstein : d'abord, annoncer l'achat exclusif à un prix élevé en payant une faible avance, puis abandonner cette avance et recommencer la négociation, pour racheter le film au rabais, après avoir découragé les autres acheteurs potentiels. Ces dernières années, il a ainsi acheté de nombreux films chinois, mais seul un petit nombre d'entre eux a été projeté.

Beaux résultats sur le marché intérieur

Alors, les films chinois doivent-ils rester en Chine ? Bien évidemment, non ! Le problème pourrait plutôt se résumer ainsi : les films chinois sont-ils suffisamment puissants pour les marchés étrangers ?

« J'ai entendu dire que Big Shot's Funeral avait réalisé deux millions de dollars au box-office à l'étranger, pour un coût de 2,3 millions de dollars. C'est donc concrètement une perte », a dit Feng Xiaogang.

Selon les initiés, les films chinois doivent d'abord cartonner sur le marché intérieur, avec davantage de productions populaires.

Le marché chinois est estimé à 13 milliards de yuans en 2011, et la Chine deviendra bientôt le deuxième plus grand marché mondial, après les Etats-Unis. Et peu importe la précision de cette prévision, le marché chinois du film se développe à une vitesse formidable, c'est un fait. Cependant, malgré ce marché florissant, les films chinois ne sont pour le moment pas à la hauteur. Que le box-office 2011 atteigne ou non les 13 milliards de yuans, Transformers III en a déjà ramassé un milliard. Pour rivaliser avec ces machines de guerre, les films chinois ont encore un long chemin à parcourir. En outre, près de 80 % des films chinois font toujours la queue aux portes des cinémas.

« Avant de penser à l'international, les films chinois doivent d'abord réaliser un joli score dans leur pays », a estimé Ge Ying. Ce n'est qu'en construisant un marché intérieur réellement grand, fort, et incontournable pour les producteurs étrangers que l'esthétique, les valeurs culturelles des films chinois et le goût des spectateurs pourront être respectés. A ce moment-là, l'Oscar ne sera plus un rêve.

 

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