Chine : l'heure des banques des pauvres a sonné |
Yan Yang Une coopérative de crédit agricole 3 000 yuans, c'était le montant de leur première affaire, il y a de ça trois ans. Jusqu'à aujourd'hui, ils ont généré au total 12 millions de yuans d'investissements, avec un financement total de plus de 8 millions de yuans. Des agences ont été ouvertes à Yuanjiang (Hunan), Huanggang (Hubei), Pingxiang (Jiangxi) et dans le Sud-est du Guizhou. Pourtant, leur revenu opérationnel n'est que de 360 000 yuans, avec un revenu net négatif. Leur patron, qui gagnait des centaines de milliers de yuans par an dans son autre vie, prête désormais de l'argent pour payer les employés. Voici l'histoire de « Daybang », première plate-forme de microcrédit entre particuliers dite « peer to peer ». Fondée en Chine par Yin Fei en 2009, cette plate-forme a comme vocation d'encourager les gens à prêter leurs économies aux paysans dans le besoin. Yin Fei et ses amis s'inspirent ouvertement du concept de la Grameen Bank, fondée par le prix Nobel bangladais Muhammad Yunus. Quand on veut… on ne peut pas toujours ! Le jeune site Daybang.com (bande d'investisseurs en chinois) risque d'être bientôt rebaptisé la « bande des pauvres ». Quand l'économiste Yunus a créé le système de microcrédit, c'était pour servir les pauvres. Mais, faute d'une base financière solide, Daybang risque de ne rester qu'un rêve.
Quelques milliers de yuans permettraient à un fermier de développer ses projets. Les vastes régions rurales du pays sont assoiffées de microcrédit. La construction de la « nouvelle campagne » exige la création de banques des pauvres. Un sondage montre que 120 millions de ménages ruraux en Chine attendent en vain un crédit, en raison d'un système bancaire beaucoup moins prévenant. En 1993, Mao Yushi et Tang Min ont créé une fondation d'aide mutuelle dans un village du district de Lin du Shanxi. En 1994, Du Xiaoshan, directeur adjoint de l'Institut de recherche sur le développement rural de l'Académie des Sciences sociales de Chine, s'est procuré de l'argent auprès de la Fondation de Yunus pour créer la Coopérative économique pour les pauvres de Chine. En 2006, des célébrités du milieu de la finance, dont Zhang Huaqiao et Tang Ning, se sont lancées dans le microcrédit. Hélas, ces efforts isolés ne sont que des gouttes d'eau dans l'océan. Après plusieurs années d'activité, le solde de tous les établissements de microcrédit du pays est toujours inférieur à un milliard de yuans. Depuis que le prix Nobel de la paix 2006 a été décerné à M. Yunus et à sa banque, l'opinion publique chinoise s'interroge sur l'existence du microcrédit dans son propre pays. Il existe une « banque des pauvres » publique, connue sous le nom de Banque agricole de Chine. Cette banque est censée servir la campagne, les paysans et l'agriculture. Mais en réalité, elle n'est qu'une autre banque commerciale, à l'affut des gros clients urbains et des secteurs rentables. Elle déplace donc progressivement son réseau des régions rurales, notamment les régions pauvres, vers les villes. Quant aux coopératives de crédit agricole, créées pour offrir un service financier aux paysans, elles migrent également vers les villes. Les quotas de crédit pour les régions rurales deviennent si modestes qu'on finit à les générer tous durant le premier mois de l'année. Pire encore, ces emprunts doivent être remboursés avant la fin d'année, ce qui ne correspond pas au besoin des paysans. « Aujourd'hui, les coopératives ressemblent de plus en plus à des banques commerciales », a avoué un responsable de la Coopérative de crédit de Yuanjiang, au Hunan. Les banques nationales se jettent dans la concurrence commerciale à la recherche des meilleurs intérêts. Les vastes régions rurales sont oubliées. Le microcrédit, ce n'est pas intéressant… Stop ! Surtout dans un pays dans lequel le service financier est dominé par les banques nationales. Ces établissements portent une responsabilité sociale, et doivent appliquer la politique d'assistance aux pauvres du gouvernement. Dans le contexte d'économie de marché, un des principaux rôles des entreprises nationales est de combler les insuffisances du marché et de fournir des produits et services que le marché ne fournit pas, dont le service de microcrédit fait partie. Il est compréhensible que les banques privées et les banques par actions abandonnent la campagne. Mais les banques nationales ont la responsabilité et le devoir de servir la campagne et les paysans. En résumé, la Chine a besoin de « banques des pauvres » nationales puissantes afin d'aider les paysans à s'enrichir. Comment réaliser cette métamorphose ? Il faut cultiver la bonne foi des établissements financiers publics et réformer le système d'examen des banques nationales, afin qu'ils se tournent volontiers vers les paysans.
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