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Publié le 09/05/2011
La culture qiang se relèvera

Fortement endommagée par le violent séisme du 12 mai 2008, la culture de l'ethnie qiang a attiré tous les regards. Si les trois années de reconstruction ont permis de la protéger, cette culture minoritaire n'est pourtant pas à l'abri du risque d'assimilation.

Xu Bei

« Même si nous avons déménagé, nous évoquons souvent l'atmosphère si spéciale qui régnait dans notre ancien village », a relaté Wang Mingquan, paysan de 76 ans du village de Luobozhai, canton de Yanmen de la préfecture d'Aba, dans la province du Sichuan. Ce village traditionnel qiang se distingue par sa longue histoire et son style ethnique.

« L'ethnie des nuages ». Les Qiang sont une minorité du sud-ouest, à l'ombre des monts Minshan et sur les rives du Minjiang. Lors du séisme de 2008, la région la plus peuplée de l'ethnie qiang, située sur la faille du mont Longmenshan a été fortement frappée. Bon nombre d'habitations ont été détruites, et certains héritiers de cette culture minoritaire ont péri...

Comment protéger la culture qiang, et la transmettre de génération en génération ? Un véritable casse-tête pour le gouvernement et les locaux. A l'occasion du troisième anniversaire du séisme de Wenchuan, Beijing Information s'est rendu dans trois villages qiang du district, à la rencontre de cette ethnie minoritaire.

Restaurer le visage originel du village qiang

Le séisme de Wenchuan a détruit le village en terre de Luobozhai. Avec l'aide d'une entreprise de bâtiment du Guangdong, les paysans ont déjà emménagé dans de nouvelles maisons en béton armé. Pour conserver l'âme du village, les murs ont été enduits d'une couche de terre à l'extérieur, nous explique Ma Qianguo, le secrétaire du comité du Parti de Luobozhai. Et pour la première fois, les paysans ont accès à l'eau courante.

« Notre vie s'est améliorée, mais notre ancien village nous manque », a précisé Ma Qianguo.

Et pour cause ! Avec ses petites maisons reliées par des ruelles, Luobozhai a des airs de château médiéval. Mais depuis la reconstruction, les maisons ne sont plus reliées entre elles. Et certains paysans ne s'habituent pas à leurs nouvelles demeures.

Le gouvernement local a débloqué des fonds pour restaurer l'ancien village de Luobozhai, qui a été inscrit sur la liste des unités de protection culturelle. Et il faut faire vite, car pour des raisons météo, le chantier doit impérativement être achevé avant septembre. Lorsque la restauration sera terminée, les paysans auront le droit de réintégrer leur ancien village.

« Cette mesure est essentielle pour la protection de la culture qiang, car l'héritage culturel se transmet grâce aux êtres humains. Sans eux, la culture qiang disparaîtra à coup sur, étouffée par la civilisation moderne », a fait remarquer Yang Guoqing, directeur adjoint du bureau de la culture et du sport de Wenchuan, et poète qiang.

Construits à partir de matières premières locales, les bâtiments qiang présentent des styles variés. Par exemple, une maison en terre de Lianhe, dans le bourg de Longxi, est composée de deux étages : élevage au rez-de-chaussée, habitations au premier, et entrepôt de céréales au dernier. Et tout en haut, trône une statue du Dieu Baishi.

Du haut de ses 83 ans, Wang Xiuzhi est fière de sa famille de quatre générations. Le séisme a détruit leurs maisons, mais n'a emporté aucun de ses proches. Il y a plus d'un an, le gouvernement local leur a octroyé une subvention de 20 000 yuans afin qu'elle restaure ses maisons. Aujourd'hui, la vie reprend son cours. Et malgré son vieil âge, Wang insiste pour faire la cuisine à ses enfants et petits-enfants, tous les jours.

Créer une zone de valorisation de la culture qiang

En 2011, profitant de la reconstruction des régions sinistrées, le gouvernement de Wenchuan a décidé d'établir une zone de valorisation de la culture qiang autour du bourg de Longxi, en unissant les villages de Lianhe et d'A'er. A l'entrée de cette zone, baptisée « vallée qiang de Longxi », une statue intitulée Shibi fait des rites religieux y est érigée. À l'intérieur, un musée folklorique de plus de 300 m2 permet au public de s'initier à l'architecture, à la culture et aux mœurs des Qiang.

« La vallée qiang de Longxi est une importante zone pilote en matière de protection historique et culturelle à l'échelon national. Cette zone se distingue par sa valorisation de la culture vivante et originelle, un véritable modèle en matière de reconstruction culturelle », a affirmé Yang Guoqing.

Nul doute que cette vallée favorisera la protection de la culture et le développement du tourisme. Pour Xu Xueshu, chercheur à l'Académie des Sciences sociales du Sichuan, la région qiang est bien adaptée au tourisme et aux sous-produits agricoles, mais moins à l'industrie. Heureusement, le tourisme fournit une bonne plate-forme de protection des cultures minoritaires.

Toujours d'après lui, il faut en tout cas protéger la tradition d'aide mutuelle au sein des minorités qiang, et restreindre ou ralentir le processus de disparition de sa culture suscité par la commercialisation, afin de réaliser un développement durable du tourisme et une coordination du tourisme et de l'héritage culturel.

Préoccupations des héritiers qiang

Les patrimoines non-matériels, comme la culture de Shibi, la broderie, ou la danse traditionnelle sont les fleurons de la culture qiang. Ainsi, deux tâches cruciales attentent le gouvernement : la protection des principaux héritiers, et celle des lieux de transmission.

Néanmoins, bon nombre de ces héritiers ont exprimé leurs préoccupations sur le développement et l'héritage de leur culture, notamment sur la protection de la culture de Shibi.

Les Shibi sont des chamans appartenant à la religion antique de l'ethnie qiang. Selon la légende, ces hommes connaissaient les esprits, les dieux et les hommes, et avaient des pouvoirs de guérison et d'exorcisme. La culture qiang n'a jamais été fixée par écrit, et se transmet principalement via la récitation des sutras par les Shibi.

Selon Wang Zhisheng, Shibi du village de Qiangfeng, dans le bourg de Miansi, il reste très peu de ces chamans, notamment car les jeunes d'aujourd'hui ne s'intéressent plus à cette religion. « Lorsque ma génération disparaîtra, il ne restera plus que les musées et les livres pour découvrir les Shibi. C'est vraiment dommage », a déploré ce vieil homme.

Wang Mingquan partage ces préoccupations. Ses trois disciples doivent parfois arrêter leur apprentissage afin d'aller cultiver la terre, ou travailler dans d'autres provinces.

Selon lui, le gouvernement doit débloquer des fonds pour diffuser la culture de Shibi, et soutenir les paysans qui s'y consacrent.

La transmission de cette culture est compromise.  

L'industrialisation complique la transmission

En réalité, le séisme n'est pas la cause première : le risque de disparition de la culture qiang est programmé depuis longtemps... En cause, la modernisation et l'intégration des régions urbaines.

Selon Yang Guoqing, la pérennité de cette culture dépend de nombreux facteurs : climat, géographie, rapports entre les hommes, coutumes, langue ou encore broderie. Cependant, le séisme ayant détruit les maisons, les garçons partent faire leurs études dans les écoles du bourg, et ne reviennent que le week-end. « Nos jeunes s'éloignent de la culture traditionnelle après avoir été plongés dans la culture moderne », a constaté Yang Guoqing.

Avec le développement de l'industrie moderne, la transmission de la culture des ethnies minoritaires est confrontée à de plus grands défis. « Une zone pilote de valorisation de la culture qiang constitue une bonne base, mais le plus important, c'est que les locaux prennent conscience de la valeur de leur culture », a souligné Yang.

 

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