Les défis persistent après le référendum du Sud-Soudan |
Wang Jinglie La commission du référendum du Sud-Soudan a annoncé le 7 février 2011 à Khartoum le résultat définitif du scrutin : 98,83 % des votants sont en faveur de la sécession. Avant cette annonce, le président soudanais Omar Hassan Ahmed al-Bashir avait déjà fait savoir qu'il admettrait et accepterait le résultat du référendum. L'indépendance du Sud-Soudan ne fait donc plus de doute, mais les guerres dans la région cesseront-elles pour autant ? La stabilité, l'accélération du développement socio-économique, puis l'extension de la démocratie se réaliseront-elles ? Rôles des pays occidentaux Avant son indépendance, le Soudan a subi les « contrôles séparés » des colonisateurs, ce qui a aggravé les incompréhensions entre le Nord et le Sud du pays. Après l'indépendance, les pays occidentaux tels que les Etats-Unis ont soutenu les activités sécessionnistes du Sud, nourrissant les guerres civiles. Cela explique également les tensions extrêmes entre le Soudan et les pays occidentaux. En 1993, les Etats-Unis ont inclus le Soudan dans la liste noire des pays soutenant le terrorisme ; en 1996, ils ont poussé le Conseil de Sécurité de l'ONU à faire passer la résolution destinée à appliquer des sanctions diplomatiques et aériennes contre le Soudan ; en 1997, ils ont adopté unilatéralement des sanctions économiques contre le Soudan ; en 1998, ils ont attaqué par missiles un laboratoire pharmaceutique près de Khartoum, prétextant la production d'armes chimiques prohibées dans le pays. Après les attaques terroristes du 11 septembre 2001, les relations américano-soudanaises se sont sensiblement améliorées, mais les Etats-Unis voient toujours le Soudan comme un soutien du terrorisme, et ont donc maintenu des sanctions économiques, bien que le Conseil de sécurité de l'ONU ait déjà annulé les siennes. En plus, les pays occidentaux, Etats-Unis en tête, ont exercé des pressions sur le gouvernement soudanais à propos de la question du Darfour. En 2009, la Cour pénale internationale (qui siège à la Haye) a lancé un mandat d'arrêt contre le président soudanais Omar Hassan Ahmed al-Bashir, le suspectant de crimes de guerre et de crime contre l'humanité. C'était la première fois que la Cour pénale internationale lançait un mandat d'arrêt contre un président en fonction. Les pays africains et arabes se sont insurgés contre cette décision, jugeant qu'elle avait détruit le processus de réconciliation politique et aggravé la situation au Soudan. De nombreux Partis et organisations politiques du Sud-Soudan ont obtenu dans certaines mesures le soutien des pays occidentaux. Le Mouvement de libération du peuple du Soudan et le gouvernement autonome du Sud-Soudan ont installé leurs agences dans des pays occidentaux, comme les Etats-Unis et la Belgique. Après la prise de fonction de Barack Obama, la politique du gouvernement américain envers le Soudan a connu certains changements. Abandonnant l'ancienne politique d'oppression, les Etats-Unis sont entrés en contact avec le Soudan, tout en maintenant la pression. Ils ont promis au Soudan de le supprimer de la liste des pays soutenant le terrorisme, à condition que l'indépendance du Sud-Soudan se réalise. A la suite du résultat définitif du référendum du Sud-Soudan le 7 février, le président Obama a déclaré la reconnaissance de la souveraineté du Sud-Soudan après une période de transition de six mois. Influences négatives de la sécession L'indépendance du Sud-Soudan modifiera non seulement la carte territoire politique du pays, mais exercera également des influences négatives sur la situation déjà instable en Afrique et sur les problèmes communs à divers pays, tels que les ethnies transfrontalières et les conflits tribaux. De plus, une sécession nuira à la construction d'un Etat-nation au Soudan. L'indépendance du Sud-Soudan stimulera les contradictions tribales dans les régions du Darfour et d'Abyei, ce qui pourrait entraîner de nouvelles questions sécessionnistes. Le gouvernement soudanais doit donc éliminer au plus vite les conséquences négatives de la sécession en accélérant le développement économique, résoudre convenablement et habilement les contradictions religieuses et tribales, renforcer le sentiment de reconnaissance des peuples pour le pays, consolider et développer l'Etat-nation fondé il y a plus d'un demi-siècle. Avec l'intervention et l'influence des pays occidentaux, les contradictions religieuses et tribales à l'intérieur du Soudan, et l'écart économique entre diverses régions, le Soudan s'est depuis son indépendance en 1956 enfoncé dans une situation difficile, connaissant deux guerres durant au total une quarantaine d'années (1955-1972 puis 1983-2005). Etant le pays ayant la plus longue durée des guerres civiles dans le continent africain, le Soudan voit son développement socio-économique et la construction de son Etat-nation gravement détruits. Depuis une longue période, le Soudan est considéré par les Nations unies comme un des pays les plus sous-développés au monde. Le monde est déjà entré dans l'ère informatique, mais le Soudan ne possède quasiment aucune industrie normale et moderne, à l'exception de l'industrie pétrolière mise en place à la fin du 20e siècle et au début du 21e siècle. Le Soudan doit donc accélérer son développement économique, sortir de la pauvreté, faire bénéficier ses peuples de plus d'avantages réels, renforcer la cohésion nationale, et consolider l'Etat-nation. Défis pour le Sud-Soudan Les diverses forces du Sud-Soudan s'affairent actuellement à la fondation d'un pays indépendant. Sécession n'étant pas synonyme de résolution de tous les problèmes, le Sud-Soudan affrontera une série de défis au cours du développement socio-économique et de la construction de son Etat-nation. Un référendum ne pourra pas rompre les contacts et l'interdépendance économiques entre le Sud et le Nord du pays, d'autant plus que quantité de problèmes ne peuvent être résolus qu'à travers des négociations, notamment la question des frontières entre le Sud et le Nord, l'identification des citoyens, l'arrangement des quotas des eaux du Nil, et la répartition des revenus issus du pétrole. En effet, le sud produit 70 % du pétrole, et presque 98 % des recettes fiscales du gouvernement autonome du Sud-Soudan sont liés au pétrole. Cependant, les oléoducs destinés à l'exportation et plusieurs grandes raffineries se trouvant dans le Nord, le pétrole constituera à la fois un sujet sensible, et une opportunité de coopération. Tout le monde serait gagnant à résoudre ces questions pacifiquement, un conflit nuirait assurément aux deux parties. La stabilité et la pérennité du Sud-Soudan dépendront en grande partie de la vitalité et de son développement économiques. Alors que le Soudan est considéré comme l'un des pays les plus sous-développés au monde, le Sud est plus pauvre que le Nord, comptant peu d'industries, des infrastructures rudimentaires, des transports difficiles, peu d'écoles et un fort taux d'analphabètes, et une grave pénurie alimentaire malgré un territoire entendu et des ressources hydrauliques abondantes. Ainsi, le Sud-Soudan deviendrait, après la sécession, la région la plus pauvre du continent africain. Parmi les nombreux Partis politiques Sud-Soudanais, le Mouvement de libération du peuple du Soudan est le plus puissant pour le moment, devant notamment le Mouvement de libération du peuple du Soudan-Changement démocratique, le Front démocratique uni, l'Union nationale africaine du Soudan, le Front démocratique du Sud-Soudan, le Forum démocratique du Sud-Soudan, et le Parti du Travail soudanais. Dans la lutte pour la sécession du Soudan, ces organisations politiques se sont unies contre le Nord, mais aujourd'hui, pourront-elles maintenir la cohésion ? Comptant 19 ethnies et près de 600 tribus, le Soudan est un pays multireligieux. Presque 70 % de la population est musulmane, tandis que 25 % appartiennent à des religions tribales traditionnelles ainsi qu'au fétichisme, et 5 % est chrétienne. Le Sud-Soudan compte plus de 500 tribus, dont la majorité appartient aux religions locales traditionnelles. Bien que les chrétiens représentent moins d'un cinquième de la population du Sud-Soudan, ils dominent le gouvernement autonome du Sud-Soudan, grâce au soutien des pays occidentaux. La résolution des contradictions et des divergences entre les différentes tribus et religions constitue donc la principale voie vers la stabilité du Sud-Soudan. La Chine et le Soudan La coopération entre la Chine et le Soudan est considérée comme un bon exemple de coopération Sud-Sud. Certains médias étrangers parlent souvent de « voie chinoise » ou de « modèle chinois » en évoquant l'essor économique de la Chine. En réalité, la Chine dessine également un « modèle chinois » dans le domaine des relations internationales, un partenariat basé sur le respect et les avantages réciproques. Bien que la Chine soit devenue la deuxième plus grande économie dans le monde selon l'agrégat économique, elle reste encore un pays en développement, et l'ouest chinois demeure assez sous-développé. Le partenariat entre la Chine et l'Asie orientale ainsi que l'Afrique ne porte pas sur l'assistance, comme auparavant, mais sur les avantages mutuels. Les sciences et technologies avancées, la forte productivité sociale et des produits à bas prix sont des atouts pour cette coopération. En outre, n'intervenant pas dans les affaires intérieures d'autre pays, la Chine n'exige aucune condition politique lors des contacts diplomatiques et des collaborations. Il s'agit là de la plus grande différence entre la Chine et les grands pays occidentaux. En effet, après s'être extirpés de l'oppression impérialiste et colonialiste, et après avoir acquis leur indépendance, les pays en développement recherchent le partenariat, et non à devenir le « nouveau maître ». Par conséquent, la Chine, qui s'en tient toujours à la coopération basée sur le respect et les avantages réciproques, est naturellement le meilleur choix pour les pays en développement. Nous sommes persuadés que le partenariat amical entre la Chine et le Soudan ainsi que le Sud-Soudan continuera. * L'auteur est directeur du Bureau de recherche du Moyen-Orient à l'institut de recherche sur l'Asie de l'Ouest et l'Afrique, relevant de l'Académie des Sciences sociales de Chine
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