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Publié le 30/01/2011
De la microrumeur au macroscandale…

Jing Xiaolei 

 

L'ère du microblog : fin 2010, la Chine comptait 65 millions de microbloggeurs, en augmentation constante depuis que Sina.com a popularisé ce service en 2009. (CFP) 

 Liu Jun a été choqué de lire un post annonçant la mort du célèbre romancier Hongkongais Jin Yong (Louis Cha) le 6 décembre. Le microblog donnait l'heure du décès et le nom de l'hôpital. Liu Jun, convaincu de la véracité de l'information, l'a immédiatement diffusée.


« Jin Yong fait partie de mes écrivains préférés. Imaginez mon désarroi ! », a déclaré cet étudiant en troisième année d'université à Qingdao, dans le Shandong. Utilisateur actif de la plate-forme T.sina.com, le plus important opérateur de microblogging en Chine, Liu Jun a par la suite contacté un ami pour lui raconter la triste nouvelle, et fut très surpris d'apprendre qu'il s'agissait d'une fausse rumeur !
 

Après un rapide tour sur la Toile, Liu a pu se rendre compte de la supercherie. « C'est un réel soulagement ! Mais désormais, je ferai moins confiance aux microblogs », a-t-il expliqué à Beijing Information.

S'il est impossible de remonter à la source de cette intox, on sait qu'elle s'est répandue comme une traînée de poudre après que le respectable magazine China News Week l'a publié. Face à ce scandale, trois rédacteurs de la revue ont aussitôt démissionné.  

Les fausses rumeurs sur la disparition de célébrités ne datent pas d'hier, mais la mort présumée de Jin Yong a mis le microblogging sous le feu des projecteurs.

Selon les internautes, cette rumeur s'est diffusée à partir du Forum consacré à l'écrivain sur le site Baidu.com. La courte « dépêche » déclarait : « Jin Yong, né le 22 mars 1926, est décédé à l'hôpital Sainte-Marie de Tsim Sha Tsui, Hongkong, le 6 décembre à 19h07, suite à une encéphalite et un œdème. » Malgré sa concision, 46 caractères chinois, cette nouvelle a fait l'effet d'une bombe, l'écrivain de romans d'arts martiaux étant une célébrité estimée.  

Une véritable traînée de poudre

 La nouvelle s'est vite répandue via différents réseaux sociaux comme Twitter et Renren, avant d'atterrir sur T.sina.com. Chumojun, un internaute, affirme avoir été le premier à diffuser l'information via T.sina.com depuis Renren. Les microbloggeurs ont par la suite pris le relais. Cependant, Chumojun avait bien spécifié que cette information n'était pas encore vérifiée… 

Résurrection : Jin Yong, célèbre écrivain de romans d'arts martiaux, a été donné pour mort sur les microblogs. (CFP)

 Quelques heures plus tard, des proches de l'écrivain démentaient l'information sur leurs microblogs. China News Week n'est pas le seul magazine à être tombé dans le piège. De nombreux hommes de médias et bloggeurs influents ont également répandu la nouvelle. Mais en tant qu'hebdomadaire d'informations, c'est China News Week qui a fait le plus de dégâts. Le microblog de Chumojun est suivi par 2 000 internautes, une goutte d'eau face aux 300 000 lecteurs de China News Week. Cette grossière erreur a conduit à la démission du rédacteur en chef, et de deux rédacteurs web. 

Fort heureusement, d'autres microbloggeurs ont vite démenti la rumeur. A Hongkong, Rose Luqiu, journaliste à Phoenix TV, a écrit sur son blog que la veille, Jin Yong avait assisté à une cérémonie au Shu Yan College. Ce post a été publié une demi-heure après l'information erronée de China News Week.   

 Autre révélation de la journaliste : l'hôpital Sainte-Marie… n'existe pas ! « Une simple recherche Google suffisait. Celui qui a lancé cette rumeur aurait pu mieux faire », a-t-elle ajouté.

Quelques heures plus tard, le site de Phoenix TV enfonçait le clou en confirmant la fausseté de l'information.

 Les internautes ont par ailleurs mis à jour une autre incohérence : Jin Yong est né un 10 mars, et non un 22, date anniversaire d'un autre célèbre romancier d'arts martiaux, Liang Yusheng.

 Un besoin de discipline

 Propulsé par le portail Sina, le microblogging a explosé en Chine. Fin 2010, le pays comptait déjà 65 millions de microbloggeurs, selon le service China News.

« Twitter a introduit le concept en Chine, mais c'est Sina qui l'a popularisé », explique Hu Yong, expert des nouveaux médias à l'école de journalisme et communication de l'Université de Beijing.

Dernière application interactive sur Internet, le microblogging est de plus en plus populaire parmi les internautes, les médias et les organisations sociales. Il faut dire que, par rapport aux blogs ou aux forums, les microblogs permettent de diffuser instantanément des informations, et ce à un public très large, depuis un ordinateur ou un téléphone portable.

Et les chiffres parlent d'eux-mêmes : 87% des Chinois utilisent les microblogs pour consulter l'actualité, y lire les avis des internautes, et pour y poster leurs commentaires, selon le China Youth Daily, qui a interrogé 3 282 personnes de 30 provinces chinoises.

Mais ce récent scandale pointe les préoccupations autour des informations publiées sur les microblogs. « Dans une certaine mesure, cet incident nous donne l'occasion de mieux comprendre le microblogging, de réfléchir à sa bonne utilisation et à sa gestion », a déclaré Zhang Yuqiang, professeur agrégé de journalisme à l'université de Communication.

« Il est évident que la vitesse de rectification montre la supériorité du microblogging sur les médias traditionnels », a dit Zhang. Mais, le problème, c'est qu'il peut propager de fausses informations tout aussi rapidement, et que l'absence de contrôle lui confère un pouvoir viral que les médias traditionnels n'ont pas. »

Les médias traditionnels devront redéfinir leur espace de responsabilité, s'ils veulent éviter de telles erreurs. Liu Xinyu, le rédacteur en chef démissionnaire de China News Week, a indiqué que son rédacteur avait diffusé cette « information instantanée » alors qu'il avait déjà quitté le bureau. « Notre règlement ne précise pas qui doit être consulté avant ce type de diffusion. C'est donc une faille dans le système », estime-t-il.

Pour Liu, les nouveaux médias doivent suivre les règles acceptées par les professionnels du journalisme : vérification et source. « Avant de poster, l'information doit être recoupée. Au minimum, il faut consulter les sites pertinents pour vérifier la crédibilité des sources », explique l'ancien rédacteur en chef.

En outre, une réglementation sur le microblogging doit être élaborée et améliorée, afin de réduire et prévenir ce type de situation. Selon Zhang, de l'université de Communication, l'objectif de cette réglementation est de protéger la liberté d'expression et de maintenir l'ouverture du microblogging, de manière à créer un environnement web sain.

Suite à cette prétendue disparition de Jin Yong, Liu Jun, notre microbloggeur de Qingdao, dit avoir bien retenu la leçon. « J'apprécie toujours la quantité d'informations disponibles, mais à l'avenir, je réfléchirai à deux fois avant de poster », a conclu le jeune homme.

 

Beijing Information

 

 

 



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