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Publié le 06/01/2011
Beijing en guerre contre les embouteillages

Laisser la priorité aux transports en commun, en prenant en considération les droits des Pékinois. Tel est le nouveau crédo de la capitale chinoise.

Si la très économique Shanghai met aux enchères ses plaques d'immatriculation, Beijing n'a jamais imposé de restriction au rachat et au changement d'automobile, préférant miser sur l'utilisation raisonnable des voitures. Cependant, avec les récentes Propositions sur l'élaboration du 12e plan quinquennal, publiées le 6 décembre par le comité municipal du PCC pour Beijing, la ville compte prendre des mesures visant à prévenir une augmentation trop rapide du parc automobile, et à résoudre les problèmes d'embouteillages sur les principaux axes de la capitale. Pour les pékinois, en remplaçant les incitations à une utilisation raisonnable des véhicules par l'« achat limité de voitures », le gouvernement change radicalement de politique de transport.

Les rumeurs de ce virage politique ont parcouru la ville en un éclair, provoquant un véritable embouteillage à l'entrée des concessionnaires auto. 21 000 véhicules vendus rien que dans la première semaine de décembre, soit le double des ventes hebdomadaires moyennes des trois premiers trimestres de l'année ! Pékinois de souche ou provinciaux travaillant dans la capitale, tout le monde s'empresse de casser sa tirelire avant l'entrée en vigueur des nouvelles mesures.

Beijing applique actuellement des règles de circulation limitée. Cependant, elles ont engendré un effet pervers : 40 % des foyers pékinois projettent d'acheter un second véhicule pour pouvoir rouler tous les jours ! Aujourd'hui, le nombre d'immatriculation a doublé par rapport à 2008, mais les infrastructures et les règles liées au transport ne sont pas faites pour accueillir autant de voitures.

« La mairie nous encourage à prendre les transports en commun, elle a aussi ouvert des voies réservées aux bus, et a baissé le prix du ticket à 40 centimes. Mais les problèmes sont encore nombreux : certaines lignes sont redondantes, et les horaires des bus ne sont pas flexibles, explique Wen Yongfen, résidant à Beijing. Parfois, on doit l'attendre très longtemps, et parfois, il y en a deux ou trois qui arrivent en même temps ! » Ce manque de ponctualité est un vrai problème pour les Pékinois, qui ne peuvent évaluer leur temps de déplacement. M. Wen propose donc d'optimiser les lignes de bus, et de calculer le prix en fonction de la distance parcourue, afin de réduire le temps d'attente et de rendre le bus plus souple.

À Beijing, dès le lever du soleil, c'est le chassé-croisé entre les jeunes qui partent au travail, et les personnes âgées qui se rendent au parc pour leurs exercices matinaux. Résultat : des bus bondés, et des personnes du troisième âge qui se plaignent du comportement peu amène des jeunes. Sur internet, certains salariés proposent d'interdire les bus à ces sportifs du matin aux heures de pointe. La tension est donc palpable dans ces transports surchargés.

De son côté, la mairie encourage ses administrés à travailler près de leur domicile, afin de désencombrer les transports. Par ailleurs, avec la généralisation d'internet, le télétravail pourra se développer, bien que cette pratique demeure encore marginale.

Cependant, cette idée de réduire la distance domicile-entreprise n'est qu'une proposition avancée dans les Propositions publiées par la mairie. Concrètement, tout reste à faire. L'expansion continue de la ville conduit les Pékinois à déménager et à changer de lieu de travail. La flambée des prix de l'immobilier contraint les habitants à s'installer toujours plus loin du centre-ville, et donc à s'éloigner de leur entreprise.

Selon les Propositions, les automobilistes devront mettre la main à la poche pour rouler sur les axes les plus fréquentés, et l'accent sera mis sur la circulation alternée sur les boulevards encombrés. Selon Liu Junhai, directeur de l'institut de recherches sur le Code civil et le Droit commercial de l'Université du Peuple de Chine et vice-président de l'Association des consommateurs de Chine, ce n'est pas une bonne solution. Limiter le droit d'utiliser son véhicule va à l'encontre du Code civil. Si la mairie cherche à limiter la circulation, elle doit d'abord étudier les éventuelles questions juridiques. Etablir une taxe d'embouteillage et augmenter le prix du stationnement ne sont pas des solutions raisonnables.

En centre-ville, le stationnement est passé à 15 yuans de l'heure dans les zones commerciales et les quartiers de bureau. Et ce tarif pourrait même être étendu à d'autres zones importantes à l'intérieur du 3ème périphérique. « Si la mairie veut limiter la circulation alternée, elle doit établir des mesures explicites, et calculer impôts et charges en fonction de l'utilisation réelle des véhicules », estime Liu Shen, professeur à la faculté de droit de l'Université des sciences politiques et juridiques de Chine. « Elle ne peut pas contraindre les automobilistes au seul motif d'une "nécessité" », ajoute-t-il.

En outre, toujours selon les Propositions, pendant le 12e quinquennat, Beijing pratiquera une politique d'augmentation zéro des voitures de fonction. Les organismes administratifs et du Parti, les institutions financées exclusivement par l'État et les entreprises d'État n'achèteront plus de voitures de fonction. Il faut dire que dans la capitale, ce type d'organismes publics se compte par milliers. Et selon une estimation réalisée par des internautes, ils ne posséderaient pas moins de 700 000 voitures de fonction, roulant principalement dans les quartiers très fréquentés. Ye Qing, député à l'Assemblée populaire nationale, nuance cependant cette estimation, bien éloignée des statistiques officielles selon lui. En effet, la population ne connaît pas le nombre réel de voitures de fonction, ni la fréquence de renouvellement de ce parc automobile. Dans ces conditions, difficile d'établir une estimation fiable. Cependant, Ye Qing est optimiste, et affirme qu'une surveillance du parc est possible, à condition que les règles d'utilisation de ces véhicules soient respectées, et que le contrôle financier soit plus strict.

  

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