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Publié le 15/11/2010
Le chantier titanesque du 6ème recensement général

Xu Bei

Le 2 novembre, à la pause de midi, Wolfgang Schaub, un Allemand travaillant dans la capitale chinoise, explique à des collègues comment se passe le recensement. La veille au soir, Schaub a en effet eu la visite d'agents gouvernementaux à son domicile pékinois.

La Chine, pays le plus peuplé du monde, a donné le coup d'envoi du sixième recensement décennal le 1er novembre. Cette campagne est divisée en trois étapes : les préparatifs ; recueil des renseignements dans chaque foyer et contrôle aléatoire durant tout le mois de novembre ; étape de synthèse et d'exploitation des données recueillies à partir du 1er décembre. Les principaux résultats du recensement seront révélés fin avril 2011.

La différence principale avec les éditions précédentes est que, cette année, le recensement inclut les Chinois de Taiwan, Hong Kong et Macao, ainsi que les étrangers séjournant en Chine. « Ce changement s'explique par l'augmentation du nombre d'étrangers en Chine, en raison de son renforcement des échanges avec l'extérieur », a expliqué Zhai Zhenwu, conseiller du sixième recensement national.

Il y a 25 ans, Schaub a assisté à un recensement en Allemagne. L'exercice était périlleux, car les citoyens s'inquiètaient d'une éventuelle divulgation des renseignements confidentiels. « Beaucoup de gens refusaient de répondre aux questions des agents de recensement, car ils ne comprenaient pas l'utilité de collecter des données privées. Du coup, on peut penser que dans un pays aussi peuplé que la Chine, le recensement va être très difficile. Je crois que tout le monde est curieux de savoir combien il y a réellement d'habitants en Chine », a pronostiqué l'expatrié allemand.

Le recensement se donne de nouveaux moyens

Depuis la réforme et l'ouverture de la fin des années 70, les ruraux, qui rêvent d'une vie plus heureuse, se ruent vers les mégapoles et les régions plus développées, malgré toutes les difficultés.

La Commission nationale de la population et du planning familial a révélé dans le « Rapport 2010 sur le développement de la population migrante » que la population migrante chinoise avait atteint en 2009 un chiffre record de 211 millions. Le recensement de cette catégorie de personnes n'est pas facile. « A Beijing, il existe une grande population migrante qui n'a pas de domicile fixe. Par exemple, les ouviers du bâtiment résident souvent chez leurs employeurs, sur les chantiers dans lesquels ils travaillent. Et c'est une population qu'on néglige probablement lors des recensements », a précisé Cui Weiwei, une des responsables du sixième recensement national du quartier Yongwai, de l'arrondissement Dongcheng, à Beijing.

Par ailleurs, bon nombre d'ouvriers migrants résident dans les appartements collectifs mis à disposition par leurs patrons. Pendant le recensement, certaines entreprises, qui ne veulent pas montrer les mauvaises conditions de vie des ouvriers, refusent de coopérer avec les agents. Du coup, cela biaise les données récoltées.

Afin d'obtenir des renseignements les plus précis possible, des moyens plus scientifiques ont été adoptés. « Nous devons recenser tous les gens présents dans notre quartier entre le 1er et le 10 novembre. Nous devons récolter des informations comme la résidence actuelle, et le lieu de registre d'Etat civil. Ainsi, l'origine des recensés est claire. Et les populations migrantes devraient à nouveau être recensées dans leurs villes natales. La synthèse de ces données devrait nous permettre une certaine précision sur la population migrante », a précisé Cui Weiwei.

Faible conscience civique

« Dans les années 80 et 90, les habitants attendaient chez eux la visite des agents gouvernementaux. Aujourd'hui la conscience civique du peuple est plus faible », a reconnu Duan Baocheng, responsable chargé du sixième recensement national du quartier Yongwai de l'arrondissement Dongcheng, à Beijing. « L'opération est donc plus difficile qu'auparavant », a-t-il déploré.

« Parfois, derrière la porte, j'entends la télé à l'intérieur des appartements, mais personne ne vient m'ouvrir. Je dois donc revenir plusieurs fois, et expliquer patiemment l'importance du recensement pour les convaincre », raconte Liu Lianying, âgée de 50 ans, qui se charge du recensement des résidents du quartier Yongwai.

Certains médias estiment que ce phénomène réflète l'absence de confiance mutuelle, et l'apathie des relations humaines.

« Effectivement, auparavant, le recensement était plus facile. Lorsqu'un agent arrivait dans un quartier, il y avait souvent des personnes âgées enthousiastes, qui détaillaient à l'agent l'état précis de chaque famille. Car à l'époque, les voisins se connaissaient très bien », s'est souvenu Duan Baocheng.

Avec l'urbanisation, les gens ont emménagé dans de nouveaux logements, et sont devenus de plus en plus étrangers.

« Pour résoudre ce problème, il faut insister sur l'importance du recensement, et renforcer la conscience civique du peuple », a déclaré M. Duan.

Protéger les renseignements confidentiels

La situation démographique est étroitement liée à la structure socioéconomique et aux intérêts du peuple. L'égalisation de l'éducation obligatoire, des soins médicaux de base, des logements sociaux, de l'assurance sociale, ou la construction des infrastructures publiques, l'ajustement de la répartition des revenus, ou encore l'amélioration de l'administration sociale, etc… Toutes ces politiques sont appliquées en fonction des statistiques issues du recensement national.

« Le recensement national concerne l'avenir de tous les citoyens, car le gouvernement va élaborer le programme de développement de la population et des politiques sociales pour la prochaine décennie en tenant compte des statistiques du recensement », a expliqué Cui Weiwei. « Malgré une large communication avant le début de cette campagne, un grand nombre de citoyens, par crainte de violation de leur vie privée, ne coopère pas avec les agents », a-t-il déploré.

Au fur et à mesure que la société se développe, les Chinois accordent une importance croissante à la protection de la vie privée. Des personnes en infraction évitent le recensement car elles ont peur de sanctions. Par exemple, les ouvriers migrants venus des campagnes n'ont pas le droit de résider en ville ; les couples qui ont caché aux autorités l'existence d'un second ou même d'un troisième enfant. Les personnes qui sont dans ces situations préfèrent le cacher aux autorités.

« Nous devons expliquer à ces populations que les données sont enregistrées sous forme de code informatique. Le formulaire original ne sera utilisé que pour les statistiques du recensement », a expliqué Cui.

En matière du recensement, les réponses aux questions sensibles comme les revenus, l'état matrimonial, ou l'éventuelle adoption d'enfants ne sont pas toujours crédibles.

« Lors du recensement, le plus important c'est la protection des renseignements privés », a dit Cui. Selon le Règlement du recensement national, les données sont utilisées uniquement pour l'élaboration des politiques, et ne peuvent pas servir de base à des sanctions administratives.

« Dans chaque pays, le recensement joue un rôle crucial, car l'élaboration des politiques est basée sur les données concernées. Je suis Allemand d'origine, mais je réside en Chine. Aussi, j'attends avec impatience les résultats du sixième recensement », a déclaré Schaub.

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