Chine : nouvelle stratégie des terres rares |
Lors du 3e dialogue économique sino-japonais de haut niveau tenu à la fin du mois d'août, la partie japonaise a demandé à la Chine d'élargir les restrictions sur l'exportation de ses terres rares. En réponse, le ministre chinoisdu Commerce Chen Deming a expliqué que les restrictions sur l'extraction, la production et le commerce des terres rares correspondaient aux règles de l'OMC et répondaient au besoin national concernant la protection de l'environnement. Comme ses minerais stratégiques se vendent depuis longtemps à bon marché, la Chine est contrainte de réviser le programme de développement de ses terres rares, et ceci pour chercher ses intérêts légaux. Les réactions extérieures ne doivent pas être exagérées. Première productrice et exportatrice de terres rares du monde, la Chine n'a pourtant pas le pouvoir de fixer les prix de ces minerais importants. Obtenir ce pouvoir devient donc la clé de la nouvelle stratégie du développement des terres rares de Chine.
Certaines voix officielles japonaises avaient déjà appelé la Chine à augmenter son exportation, car depuis l'annonce chinoise de limitation de son exportation en juillet, le prix des terres rares a augmenté de 20 %. Le ministère japonais de l'Economie, du Commerce et de l'Industrie a reconnu que le prix des terres rares chinoises était le plus bas, même si le Japon peut se fournir auprès d'autres fournisseurs, dont les Etats-Unis. Les terres rares sont un groupe de 17 éléments chimiques (entre autres Praseodymium, Rubidium, Lanthanum, Cerium, Neodynium, Europium), utilisés dans des secteurs sensibles tels que l'aéronautique et l'industrie d'armement (notamment les aimants). Elles constituent également des composants importants dans la production de radars, d'ordinateurs, de téléphones portables, de MP3, de véhicules bas carbone, et de panneaux solaires, etc., secteurs piliers de l'économie japonaise. La limitation des ventes et la hausse du prix des terres rares font peur aux entreprises japonaises nerveuses. Actuellement, la réserve mondiale des terres rares est évaluée à 88 millions de tonnes. La Chine en possède 31 %, les pays de la CEI, 22 % et les Etats-Unis, 15 %. Avec ses 31 %, la Chine approvisionne pourtant plus de 95 % de la demande globale. « L'or est vendu au prix du chou ! » Depuis les années 80, les terres rares de Chine, bon marché et de bonne qualité, satisfont le marché mondial. D'autres fournisseurs, dont les Etats-Unis et le Canada, ont fini par fermer leurs mines et importer les terres rares chinoises, dans l'intention de protéger leurs propres ressources et leur environnement. Quant au Japon, gros importateur de ces minerais stratégiques, il ne cesse de stocker en quantité les terres rares provenant de Chine. « En approvisionnant depuis longtemps le marché mondial de terres rares bon marché et de bonne qualité, la Chine a payé un prix environnemental très élevé. Faute de capitaux, les entreprises nationales ne peuvent rénover leurs techniques et se trouvent à la traîne derrière les concurrents étrangers », s'est lamenté un expert de l'Institut de recherche sur les terres rares de Beijing (China Minmetals Group). Dans le secteur des terres rares, la Chine n'est qu'un simple fournisseur de matières premières. Mais les importateurs occidentaux transforment ces minerais en produits de haute technologie et les revendent en Chine avec une valeur ajoutée une dizaine de fois plus élevée. Les produits finis constituent le chaînon le plus rentable de l'industrie des terres rares. Malheureusement, la Chine ne possède pas la technologie nécessaire. L'extraction de matières premières ne rapporte pas d'argent, et nuit à l'environnement. Ainsi, il est crucial pour la Chine de soigner son handicap industriel. Une nouvelle stratégie de terres rares est actuellement en formation, afin d'obtenir les pouvoirs de négociation et de fixation du prix proportionnels au statut de premier fournisseur mondial de terres rares. Et les restrictions sur le quota d'exportation constituent un moyen important et efficace dans la réalisation de cette stratégie. Depuis 2007, la Chine a commencé à réduire graduellement son quota d'exportation des terres rares. En 2009, ce quota a été d'approximativement 50 000 tonnes. En 2010, il n'est que de 30 258 tonnes, soit une diminution de 40 % par rapport à l'année précédente. Ces mesures ont eu des répercussions immédiates sur le marché international. Certains pays développés ont redémarré leurs mines en réserve, ou comptent délocaliser leurs projets de transformation des minerais de terres rares en Chine. Aux Etats-Unis par exemple, la mine de Mount Pass sera remise en exploitation d'ici deux ou trois ans avec une capacité de production de plus de 10 000 tonnes par an. Cette mine, la plus grande sur le territoire américain, avait été fermée il y a 20 ans. D'autres pays comme l'Australie, le Canada, le Japon, le Brésil, le Vietnam, l'Inde et le Kazakhstan ont aussi des projets similaires. Selon M. Gan Yong, vice-président de l'Académie de l'Ingénierie de Chine et secrétaire général de la Société chinoise des terres rares, l'Etat accordera un fonds important en faveur du développement de l'industrie de terres rares à l'occasion du XIIe Plan quinquennal de l'économie nationale. Le ministère des Sciences et des Technologies allouera 300 à 450 millions de yuans pour supporter l'exploitation et l'application des minerais de terres rares. La Commission nationale pour le Développement et la Réforme a établi un thème de recherche stratégique sur l'application et l'industrialisation des terres rares. Le développement des matières fonctionnelles et luminescentes à base de terres rares figurera probablement dans le XIIe Plan quinquennal en tant que projet national stratégique. D'après Zhang Zhong, directeur général de Hi-tech Co., Ltd. du Groupe d'Acier et de Terres rares de Baotou, la limitation de l'exportation des terres rares produit déjà des effets. Face à un approvisionnement déficitaire de 20 000 tonnes sur le marché international cette année, il est probable que de nombreuses entreprises étrangères délocaliseront leurs usines de transformation de terres rares en Chine, en apportant sans doute leurs technologies appliquées avancées. Comme l'explique un fonctionnaire du ministère chinois de l'Industrie et des Technologies informatiques, les restrictions ne sont appliquées que sur l'exportation des matières premières. L'Etat encourage l'exportation des produits transformés de terres rares. Cela révèle qu'en plus des préoccupations environnementales, la Chine ne veut plus être un bradeur de matières premières, mais souhaite développer les technologies de transformation des minerais afin de former une industrie de terres rares saine caractérisée par des ressources abondantes, des hautes technologies et un large marché. Source : Zuojia Wenzhai (Digest des écrivains)
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