Autoroute Beijing-Tibet: gigantesque embouteillage! |
Jin Duoyou et Lü Ling L'après-midi du 8 septembre, sur l'aire de repos de Donghuayuan, sur l'autoroute Beijing-Tibet, M.Cao, conducteur de camion, bavarde avec ses amis chauffeurs à l'ombre des arbres. Travaillant depuis dix ans dans cette branche, il ne compte plus le nombre de fois où il a fait la route Hohhot-Beijing. A une centaine de mètres de l'aire de repos, les camions circulent à toute allure sur l'autoroute Beijing-Tibet. Mais en réalité, la situation s'avère bien compliquée. « Après de nombreuses dérivations des camions dans divers quartiers, la plupart sont restés bloqués dans le Hebei et en Mongolie intérieure ». Cao a mis une semaine à parcourir les 400 km qui séparent Hohhot de Beijing, bloqué dans les bouchons. Pendant cette semaine, il n'a pas eu d'autre choix que de dormir et manger sur l'autoroute. Et sur l'aire de repos de Donghuayuan, M. Cao n'est pas une exception. Tous les chauffeurs présents ont vécu cet embouteillage historique de l'intérieur. Depuis mars 2010, les bouchons se font de plus en plus fréquents sur cette autoroute. Mais le 14 août, la situation est devenue exceptionnelle : un embouteillage de plus d'une vingtaine de jours, créant une file de camions d'une centaine de kilomètres de long.
Cette autoroute Beijing-Tibet serait restée inconnue de la plupart des Pékinois sans cette situation exceptionnelle. « Cette route est-elle vraiment liée au Tibet ? » En avril 2010, l'autoroute Badaling est rebaptisée autoroute Beijing-Tibet, reliant Beijing à Lhasa, capitale du Tibet, et traversant les provinces ou régions autonomes du Hebei, de la Mongolie intérieure, du Ningxia, du Gansu, et du Qinghai, soit une distance totale de 3710 km. En 2007, la nouvelle artère de la route nationale N°110 est mise en service. Elle est dédiée au transport de marchandises du Nord-Ouest du pays à Beijing. Mais la convergence des camions issus de l'autoroute Badaling et de l'ancienne ligne de la route nationale N°110 rend le trafic plus dense. En trois ans, cette route dont la surface a été gravement abîmée doit être restaurée à partir d'août 2010. Ce sera la cause principale de ce gigantesque embouteillage. Par ailleurs, les problèmes révélés par ce fait divers, comme le changement de la structure économique, les infrastructures de transport sous-développées et les carences administratives des départements concernés, suscite une vigoureuse polémique au sein de la société. Les changements dans l'approvisionnement en houille « La plupart des véhicules bloqués sont des camions. » Le 5 septembre, Wang Feng, chauffeur de poids-lourd, qui a également passé une semaine sur l'autoroute Beijing-Tibet, a pu constater le phénomène. « Presque tous les camions transportant de la houille viennent de Mongolie intérieure », assure Wang Feng. La houille est généralement acheminée jusqu'aux ports de Jinzhou et de Tianjin, pour ensuite être expédiée aux quatre coins du pays. Les camions empruntent donc inévitablement l'autoroute Beijing-Tibet ou la route nationale N°110. Mais en raison des travaux sur cette dernière, ils se sont tous rabattus sur l'autoroute. « Le tronçon de la Mongolie intérieure de l'autoroute Beijing-Tibet relie Ordos, principale région productrice de houille, à cette artère incontournable », a révélé Gao Tuanshan, vice-directeur de l'Entreprise de développement et de la construction de l'autoroute de Mongolie intérieure. Les changements dans la structure de l'approvisionnement en houille sont également à prendre en compte. Avec la reconstitution des mines de charbon de la province du Shanxi, ancienne plus grande région productrice en houille de Chine, la Mongolie intérieure est en passe de prendre la première place. Selon les sources officielles de cette région autonome, au premier semestre 2010, son volume de production de charbon a atteint 337 millions de tonnes, soit l'équivalent de celui du Shanxi (338 millions de tonnes). Et cette province exporte 218 millions de tonnes, un chiffre comparable à celui du Shanxi (220 millions de tonnes). « Que ce soit en termes de réserves ou de conditions d'exploitation, la Mongolie intérieure est la meilleure région du pays », a précisé Zhao Yunping, directeur du département de l'industrie du Centre d'informations économiques de Mongolie intérieure. « Cet embouteillage montre qu'avant de dépasser le Shanxi, la Mongolie intérieure devra régler ses problèmes de capacité de transport », ajoute-t-il. Actuellement, le trafic réel entre Hohhot et la jonction entre la Mongolie intérieure et le Hebei est trois fois supérieur à sa capacité de circulation la plus optimiste, soit 70 000 véhicules par jour. D'après Guan Changyu, vice-directeur de l'Institut du plan du Ministère des Transports et des Communications, il faut réformer le mode actuel de transport de charbon (le transport routier), et construire des centres de stockage et de distribution du charbon. Les camions qui circulaient auparavant sur une longue distance ne feront plus que la navette entre les petites mines de charbon et les centres de stockage et de distribution les plus proches. Désormais la houille sera acheminée vers le port par le train. De plus, on pourrait construire des centrales électriques aux environs des mines de charbon et transmettre l'électricité via une ligne électrique à haute tension sur une longue distance. Selon M.Guan, cette réforme permettrait de désengorger les routes, et de réduire la pollution engendrée par les centrales électriques du Sud du pays. Surcharge + péages + postes de dérivation = embouteillage Zhang, la vingtaine, fréquente l'autoroute Beijing-Tibet depuis deux ans à bord de son 35 tonnes. D'après lui, l'embouteillage actuel ne vient pas de se créer : il existe depuis le début de sa carrière. « Il y a trop de péages et de stations d'examen. Et dans chaque province, il faut payer et subir un examen, ce qui aggrave forcément les bouchons. Dès que l'autoroute bloque, les chauffeurs s'endorment. Et la police doit venir les réveiller un par an lorsque la route est dégagée », a-t-il indiqué. « L'alternative, c'est de faire un détour par Datong, au Shanxi, mais c'est aussi bouché dans ce coin », a révélé M. Zhang. Sans compter que ce détour coûte, en temps et en essence. Avant, Zhang faisait huit aller-retours par mois entre Beijing et Hohhot, contre quatre ou cinq aujourd'hui. Pour Zhong, un vétéran de la route Beijing-Urumqi, c'est la surcharge qui a créé cet embouteillage. « Les commissions des chauffeurs ne sont pas élevées. A cela s'ajoutent les amendes et des frais sur l'autoroute. Résultat, on est obligé de surcharger nos camions, sinon on ne gagne rien. Lorsque les poids-lourds arrivent aux stations d'examen, il faut peser, et délester, ce qui provoque des bouchons ». Les chauffeurs s'intéressent de près à leurs revenus. Généralement, l'autoroute Beijing-Tibet, dont le coût est le plus bas, constitue le premier choix. Avec l'embouteillage, les départements concernés ont pris des mesures, et essaient de dériver les chauffeurs vers d'autres routes. « Faire un détour ? Toutes les routes ont été bouchées ! » C'est la réponse de M. Zhong. En passant par Datong, il consommerait plus, et il pourrait payer une amende de plusieurs centaines de yuans. Donc, pas question. Zhong préfère attendre sur l'autoroute Beijing-Tibet. Une construction des réseaux routiers à l'ordre du jour L'autoroute Beijing-Tibet ne constitue qu'une des nombreuses autoroutes au départ de la capitale chinoise. Jingtong (Beijing-Tongxian), Jingkai (Beijing-Kaifeng) et Jingshi (Beijing-Shijiazhuang) sont également confrontées aux problèmes d'encombrement. « Comme l'autoroute Beijing-Tibet, celle de Beijing-Kaifeng connaît tous les jours des bouchons impressionnants lors des heures de pointes. Mais la raison est différente : c'est le grand nombre de véhicules qui en est la cause », a expliqué Wang Peng, employé du marché de vente en gros de produits agricoles de Xinfadi. « Bon nombre de Pékinois qui résident en banlieue doivent emprunter cette route afin de se rendre au bureau. De plus, les produits agricoles du Henan, du Shanxi et du Shandong sont acheminés par cette autoroute. » En fait, la raison principale des embouteillages des autoroutes ralliant Beijing tient au déséquilibre entre infrastructure du réseau routier et débit des véhicules. Li Heren, vice-président de l'Association d'administration des entreprises du transport de Chine, estime qu'il faut renforcer la construction des réseaux routiers reliant Beijing et le Nord-Ouest du pays. L'autoroute Beijing–Zhangjiakou est en construction, et sera mise en service en 2012, ce qui permettra de dériver une quantité de véhicules de celle de Beijing-Tibet. Parallèlement, il faut renforcer le réseau ferré, dont le développement est fortement inférieur à celui des autoroutes. Récemment, Li Shenglin, ministre des Transports, a lancé des recherches sur l'embouteillage de l'autoroute Beijing-Tibet. Il a promis de construire de nouveaux passages, comme la ligne latérale de la route nationale N°110 et la route Zhangjiakou-Zhuozhou, afin d'atténuer la pression de l'autoroute Beijing-Tibet. Selon le plan d'autoroutes de Beijing en 2020, le gouvernement a planifié la construction de 31 autoroutes, dont 9 au niveau national, des tronçons d'autoroute sur 7 routes nationales, et 15 au niveau provincial. La longueur totale des autoroutes planifiées est de 1503,3 km. Et la distance actuelle des autoroutes mises en service atteint 883,8 km. Evidemment, il est nécessaire que le gouvernement voie comme une priorité absolue la construction d'un système de transport comprenant autoroute, voie ferrée, voie maritime, voie routière, aviation et tunnels. Beijing Information
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