Opportunités et défis dans l'enseignement supérieur |
Quelles que soient les évolutions de la société, les universités doivent conserver leurs objectifs essentiels : transmettre la culture et la sagesse, découvrir l'inconnu et former les futurs citoyens et les futurs leaders de la société, entre autres. Un entretien entre LIU Sen, Journaliste du Quotidien de la Libération, et Xiong Qingnian, chercheur et Président de l'Institut de l'enseignement supérieur de l'université Fudan LIU Sen : Chaque été, l'enseignement supérieur attire l'attention de toute la société. Ces dernières années, on a remarqué trois phénomènes : 650 000 inscrits en moins au gaokao (baccalauréat chinois) par rapport à l'année dernière ; 840 000 lycéens ont renoncé à passer l'examen l'année dernière, et cette année, les « déserteurs » seront peut-être plus nombreux; le combat pour le recrutement des étudiants entre les universités est rude après le gaokao, et les armes se multiplient. Qu'est-ce que vous en pensez? XIONG Qingnian : C'est peut-être une tendance inévitable. Plusieurs aspects peuvent conduire à la baisse du nombre de candidats au gaokao. Par exemple, les candidats ont plus de choix pour leur futur, ils peuvent aller étudier à l'étranger, ou ils peuvent travailler avant de faire leurs études supérieures, notamment grâce au développement de la formation continue. Par ailleurs, la diminution de la population de cette tranche d'âge va se poursuivre dans les prochaines années.
Nous n'avons ni besoin de nous en inquiéter trop, ni besoin de l'exagérer. Pourtant, l'enseignement supérieur lui-même doit bien sûr en avoir conscience, et savoir prendre des précautions tout en renforçant sa compétitivité. Mais d'après moi, le plus important, c'est que certaines universités continuent à vouloir s'étendre, bien que la tendance à l'élargissement se soit déjà atténuée ; c'est en réalité un « effet économique ». A la différence des universités étrangères qui attirent les candidats par la qualité de leur formation et de leur offre, beaucoup d'universités chinoises ont une préférence pour l'effet publicitaire, en proposant des bourses d'un montant record aux élèves les mieux classés à l'examen. Personnellement, j'ai des réserves sur ce phénomène hautement médiatisé. La concurrence désordonnée entre les universités traduit en quelque sorte une situation chaotique qui caractérise l'évolution de l'enseignement supérieur chinois. L'étudiant est certainement un fondement du développement d'une école ou d'une université, mais pas le seul. Mettre en avant l'élite attire l'attention, mais nuit à la formation d'une bonne opinion publique. Si la baisse des effectifs et la diversification des parcours est une tendance inévitable, qu'est-ce que cela signifie pour l'avenir de l'enseignement supérieur ? Les opportunités et les menaces coexistent. Ce qui est plus important qu'être conscient de l'éventualité d'une crise, c'est d'avoir une vision plus générale et plus claire qui nous aide à répondre à ces questions : « Qui éduquons-nous ? Comment le faisons-nous ? ». A l'heure actuelle, l'enseignement supérieur chinois est au pied du mur, et une transformation radicale est nécessaire. D'un point de vue international, nous sommes dans une époque d' « économie de la connaissance », qui se transforme et se renouvelle sans cesse. Le savoir devient le premier élément de la production, le personnel la première ressource. La mondialisation économique engendre une internationalisation des ressources humaines ; la concurrence pour les cerveaux s'intensifie chaque jour davantage. A l'échelle nationale, une évolution globale de l'économie, de la culture et de la société exige la formation d'individus qualifiés. A cela s'ajoutent des problèmes comme le changement structurel de la population et les phénomènes liés à la transformation sociale : accentuation de la disparité des richesses et de l'écart entre les différentes régions, accélération de la migration, etc. On peut constater que les problèmes rencontrés auparavant par les autres pays et résolus pendant leurs centaines d'années d'évolution universitaire, s'abattent d'un seul coup sur la Chine au cours de la démocratisation de son enseignement supérieur. Le passage de l'enseignement élitiste à l'enseignement de masse requiert une transformation des objectifs et des moyens de l'enseignement supérieur. La nécessité de démocratiser l'enseignement supérieur, formation continue y compris, dans des délais très courts, exige encore davantage de contenu dans la réforme de l'enseignement supérieur. En fait, pendant les 30 années de réforme et d'ouverture, l'enseignement supérieur a accusé un certain retard à cause du spectre de l'économie planifiée qui va à l'encontre de la réforme. Pour l'instant, plutôt que de prendre des précautions, il faut reconstruire notre système. Cette « reconstruction du système » n'a-t-elle pour unique objectif que de s'adapter à « l'économie de connaissance » et à la « démocratisation de l'enseignement supérieur » ? Oui, mais le principal, c'est vraiment la « démocratisation de l'enseignement supérieur ». Le système doit répondre à cette exigence de rendre l'enseignement supérieur accessible aux citoyens moyens. Pour ce faire, des réajustements doivent être effectués dans les principes et les moyens de formation, dans la catégorisation et la hiérarchisation des disciplines en fonction des besoins de la société, et dans la distinction entre les institutions de l'enseignement académique et celles de l'enseignement pratique. D'un certain point de vue, les difficultés rencontrées par des étudiants lors de leur recherche d'emploi trouvent leur racine dans les problèmes institutionnels. Il faut bien sûr s'adapter à la demande de la société, mais comment les universités ne vont-elles pas devenir de simples « centres de formation professionnelle » pendant cette adaptation ? Quelles que soient les évolutions de la société, les universités doivent conserver leurs objectifs essentiels : transmettre la culture et la sagesse, découvrir l'inconnu et former les futurs citoyens et les futurs leaders de la société, entre autres. En restant fidèle à ces idées, nous estimons que nous prenons nos responsabilités vis-à-vis des générations futures, et du développement durable de notre civilisation. Nous devons observer et traiter le développement et la réforme de l'organisation des universités dans une optique historique. Nous devons d'autant plus nous accrocher à notre objectif et notre mission que nous sommes dans une époque pleine de changement. Dans ces domaines, nous devons absolument résister à l'utilitarisme et au pragmatisme. Bien sûr, quelle que soit la férocité de la concurrence mondiale dans le domaine de l'enseignement supérieur, nous devons développer une concurrence saine et différenciée. Chaque établissement doit suivre son propre chemin, et aider ses étudiants à trouver leur place dans la société. Si les universités se ruent aveuglément vers les mêmes objectifs, ou entrent dans un cercle vicieux du type « désordre d'abord, règlement après », les conséquences seront lourdes. Dans le processus de reconstruction du système, il est très important de créer un environnement favorable au développement sain de l'éducation. Beijing Information
|