Chine et Etats-Unis s’engagent malgré leurs différends |
Yan Wei
« Toutes les voies convergent ». C'est l'ancien proverbe chinois qu'Hillary Clinton a cité, alors qu'accompagnée de nombreux officiels américains, la Secrétaire d'Etat américaine a traversé le Pacifique en vue d'intenses discussions avec ses homologues chinois à Beijing. La réunion a été co-présidée par le vice-premier ministre Wang Qishan et le conseiller d'Etat Dai Bingguo côté chinois, la secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton et le secrétaire au Trésor américain Tim Geithner pour les Etats-Unis. Bien que le deux parties aient échoué à trouver un consensus sur les questions majeures, les discussions sont demeurées favorables au développement continu d'un « partenariat positif, coopératif et complet » entre Chine et Etats-Unis, comme l'a exprimé Dai à l'issue de la rencontre. Les différences politiques, économiques et culturelles ont fait naître de profonds désaccords ces dernières années. Mais selon les analystes, la ferme volonté des deux puissances à parler ouvertement des grandes questions représente un progrès de taille. Contacts Bien que symbolique, l'une des avancées majeures de ces discussions n'est pourtant pas des moindres. Elle concerne le haut degré de transparence, malgré l'incapacité des deux parties à parvenir à un accord, explique Jin Canrong, vice-doyen de l'Ecole d'études internationales à l'Université du Peuple. Dépassant leurs problèmes, les délégués chinois et américains sont parvenus à mieux comprendre les options futures prises par les deux Etats. Ceci leur permettra de maintenir des relations bilatérales solides, ajoute-t-il. Lors de la première rencontre à Londres en avril 2009, les présidents chinois et américains avaient souhaité faire de ce Dialogue économique et stratégique le principal outil de résolution des questions stratégiques entre les deux pays. Le premier Dialogue s'était alors tenu trois mois plus tard à Washington. Depuis le début de l'année, toutefois, les relations sino-américaines ont connu une période difficile, notamment en raison des ventes d'armes américaines à Taiwan, et de la rencontre entre Barack Obama et le Dalai Lama. Dans ce contexte, Hu Jintao et Obama se sont rencontrés en avril à Washington, en marge du Sommet sur la sécurité nucléaire, et ont réaffirmé leur attachement à de solides relations sino-américaines. Dans le courant du mois de mai, les deux parties ont organisé un dialogue sur les droits de l'Homme, toujours dans la capitale américaine. Le deuxième round du Dialogue économique et stratégique sino-américain a ouvert de nouvelles perspectives. Lors de l'ouverture du dialogue, le président chinois a souligné l'importance de l'interaction, en affirmant que « même les technologies de télécommunication les plus sophistiquées ne sauraient remplacer les vraies rencontres ». Revenant sur les ventes d'armes à Taiwan et d'autres problèmes, Hu Jintao a rappelé que Beijing et Washington devaient respecter les intérêts fondamentaux mutuels, souveraineté nationale et intégrité territoriale. Le président chinois a par ailleurs préconisé le respect des différents modèles et voies de développement, comme « les traditions culturelles, les systèmes sociaux, les valeurs et les concepts de développement », tout en rappelant la nécessité d'encourager les différents modèles de développement.
Engagements Le deuxième round du Dialogue économique et stratégique sino-américain a permis la prise de 26 engagements, notamment dans les domaines de l'énergie, l'environnement, les sciences et les technologies, les droits de douane et la santé, a dit le ministre chinois des affaires étrangères, Yang Jiechi. La Chine et les Etats-Unis ont, par exemple, signé un protocole d'accord sur la sécurité du réacteur nucléaire AP1000 de Westinghouse. Ce réacteur de fabrication américaine sera utilisé dans des centrales chinoises. Les délégués de deux pays ont ratifié un projet de recherche sur les schistes bitumineux, une des principales sources de gaz naturel, ainsi qu'un document sur la mise en place de partenariats écologiques entre des villes chinoises et américaines, ainsi qu'avec des entreprises œuvrant pour la protection de l'environnement. Les délégués ont publié un communiqué commun sur la coopération dans la sécurité énergétique, avec la volonté de coopérer dans la stabilisation du marché international de l'énergie, de diversifier l'approvisionnement mondial en énergie, et de développer la maîtrise de l'énergie. Chine et Etats-Unis ont également promis de collaborer plus étroitement dans la lutte contre le trafic illégal de matériaux nucléaires. Durant ce second round, les officiels des deux pays ont également reconnu que les Etats-Unis devraient s'orienter vers un modèle de développement économique plus équilibré en augmentant le taux d'épargne. De son côté, la Chine a promis de faire de la consommation un des moteurs importants de la croissance, en améliorant le système de sécurité sociale. Les deux pays souhaitent par ailleurs un système commercial et d'investissement plus ouvert, et s'opposent au protectionnisme commercial. Les discussions ont également souligné que la Chine continuerait à encourager les investissements étrangers dans ses activités de fabrication haut de gamme, les hautes technologies, les services modernes, les énergies nouvelles, la maîtrise de l'énergie et les industries environnementales. De leur côté, les Etats-Unis continueront à accueillir les investisseurs chinois, en leur accordant un traitement similaire à tous les investisseurs étrangers. Les deux pays désirent améliorer la coopération sur la réforme du système financier international, en faisant tout leur possible pour que les prochains sommets du G20, à Toronto en juin et Séoul en novembre, soient couronnés de succès. En ce qui concerne les affaires de Défense, Ma Xiaotian, chef d'Etat-major général adjoint de l'Armée populaire de Libération de Chine, a rencontré le chef des forces américaines en Asie-Pacifique, Robert Willard, ainsi que Wallace Gregson, secrétaire adjoint américain à la Défense pour l'Asie-Pacifique, en marge du Dialogue à Beijing. Il s'agissait de la première rencontre de hauts officiels militaires depuis janvier, et la rupture partielle des relations bilatérales suite aux ventes d'armes à Taiwan. Le conseiller d'Etat Liu Yandong s'est par ailleurs entretenu avec Hillary Clinton à propos des « échanges de personnes ». Liu a dit que la Chine aiderait le gouvernement américain dans son projet d'envoyer 100 000 étudiants en Chine dans les quatre ans, comme annoncé par le président Obama lors de sa visite d'Etat en novembre dernier. Le gouvernement chinois a annoncé son intention d'offrir des bourses à 10 000 étudiants chinois sur quatre ans, pour se rendre aux Etats-Unis faire leur doctorat. Au total, 100 000 chinois étudient aux Etats-Unis, et 20 000 américains poursuivent des études en Chine. Jin, de l'Université du Peuple, a expliqué que ces échanges éducatifs constituaient un des succès de cette phase du Dialogue, qui n'était auparavant concentré que sur les questions militaires, politiques et économiques.
Problèmes Malgré tous ces progrès, une des nombreuses déconvenues est le refus des Etats-Unis de reconnaître à la Chine le statut d'économie de marché, comme le souligne Wang Yizhou, vice-doyen de l'Ecole d'études internationales de l'Université de Pékin. Cette politique impose des barrières à la Chine dans ses relations commerciales avec les Etats-Unis. Malgré toutes les promesses américaines, l'expert des questions internationales ne s'attend pas à ce que cette question soit résolue dans un futur proche. L'un des principaux critères d'une économie de marché est la capacité du marché à distribuer les ressources, explique le ministre chinois du commerce Chen Deming, ajoutant qu'une économie de marché pouvait cependant prendre des formes diverses. Plusieurs économies de marché occidentales ont par exemple nationalisé lors de la crise financière internationale, étendant notamment les garanties gouvernementales des prêts bancaires. Pour Chen, cela montre les évolutions actuelles des économies de marché. Lorsque la Chine est entrée à l'OMC en 2001, tous les membres sont tombés d'accord pour lui accorder le statut d'économie de marché en 2016, rappelle Chen. A ce jour, près de 2/3 des 153 membres l'ont fait. La politique d'investissement américain constitue également une préoccupation chinoise. Le Foreign Investment and National Security Act définissant la notion de "foreign government-controlled transactions" dans des termes vagues, les autorités américaines peuvent accuser des entreprises ou des investisseurs chinois d'être contrôlés par l'Etat, et leur faire subir des examens de sécurité, explique Chen. La Chine a créé un climat favorable pour les investisseurs étrangers en renforçant la protection de la propriété intellectuelle, rappelle le ministre du commerce. L'an passé, alors que les investissements directs étrangers ont chuté de plus de 30%, rappelle-t-il, ceux vers la Chine n'ont perdu que 2,6%. Depuis le début de l'année, ce chiffre est remonté de 11% par rapport à la même période l'an dernier. La stratégie chinoise d'innovation vise à promouvoir la recherche technologique et le développement, et n'est pas liée à la politique commerciale chinoise, explique Chen, répondant aux inquiétudes concernant la préférence qu'elle pourrait accorder aux entreprises utilisant les technologies développées en Chine. En encourageant les entreprises, chinoises et à capitaux étrangers, à innover, le gouvernement chinois traite tout le monde sur le même pied d'égalité en ce qui concerne les marchés publics, ajoute Chen. Pour Wang, de l'Université de Pékin, les craintes américaines sur l'innovation chinoises sont exagérées, car la Chine est encore loin derrière les Etats-Unis dans ce domaine. Dans un futur proche, la Chine ne pourra pas connaître une élévation sensible de sa capacité d'innovation dans le secteur des hautes technologies comme le nucléaire. En outre, les Etats-Unis ne cesseront pas d'importer des produits de consommation chinois. En conclusion, le chercheur explique que les structures commerciales des deux pays, Chine épargnante et Etats-Unis consommateurs, feront du déficit commercial un problème qui ne sera pas réglé de si tôt. Beijing Information
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