Le plus intelligent l'emportera |
------ Réflexions sur la bataille du taux de change du RMB Avant la Fête du Printemps, le 14 février 2010, le président américain avait déjà prévenu, de l'autre côté du Pacifique, qu'il se battrait une année entière pour obtenir une réévaluation de la monnaie chinoise. D'après Barack Obama, la revalorisation du RMB favorisera non seulement le rééquilibrage de la balance commerciale entre la Chine et les Etats-Unis, mais contiendra également la surchauffe latente de l'économie chinoise. Si l'on considère l'attitude de Barack Obama comme une expression réservée, la demande récemment lancée par 130 membres du Congrès américain est plus agressive. Dans leur lettre au secrétaire au Trésor américain Timothy Geithner et au ministre du Commerce d'origine chinoise Gary Locke, ils exhortaient la Maison Blanche à mettre la Chine sur la liste des manipulateurs du taux de change, et à imposer des taxes anti-subvention aux produits importés de la Chine vers les Etats-Unis.
Affrontant les pressions successives des Etats-Unis sur le taux de change de RMB, les hauts responsables de la Chine ont fait connaître leur position. Le gouverneur de la Banque centrale de Chine Zhou Xiaochuan a estimé le 22 mars, à l'occasion du séminaire de l'Inter-American Development Bank, que des discussions sur les mesures globales pour résoudre le problème du taux de change étaient acceptées, mais que « trop de bruits » autour de cela était inutile. Un jour plus tôt, le ministre chinois du Commerce Chen Deming avait indiqué que le taux de change était un problème lié à la souveraineté de l'Etat, n'ayant aucune relation avec d'autres pays, et que la Chine ne resterait pas indifférente si les Etats-Unis prenaient des sanctions commerciales contre la Chine. Entre la Chine et les Etats-Unis, les deux plus grandes économies mondiales, même une faible variation du taux de change pourraient avoir d'importantes conséquences dans le domaine de commerce extérieur, des réserves de devises, sur le marché de la main-d'œuvre, et de la sécurité financière de l'Etat. Depuis la réforme du taux de change en 2005, la valeur du RMB contre le dollar a déjà augmenté de 21 %. Cependant, une telle vitesse ne satisfait toujours pas l'appétit des Américains. En profitant largement des produits chinois de bonne qualité mais à bas prix, les Américains ne cessent de réclamer la revalorisation du RMB. Paul Krugman, prix Nobel d'économie 2008, croit que le yuan doit être réévalué de 25 % à 40 %, pour réduire de 100 ou 150 milliards de dollars le déficit commercial des Etats-Unis, et pour augmenter de 0,75 à 1 million le nombre de postes sur le marché de l'emploi américain. En effet, une forte valorisation du RMB contre le dollar engendrera non seulement la réduction massive des réserves chinoises de 2000 milliards de dollars, mais menacera également l'existence des entreprises chinoises dépendantes de l'exportation. Les entreprises de textile, de vêtements et de jouets dans le Delta de la rivière des Perles (Zhujiang) sont très concernées par ce combat sur le taux de change entre la Chine et les Etats-Unis. « Notre activité vers l'international était bonne il y a quelques années, on pouvait donc supporter une valorisation du RMB peu importante. Cependant, la situation est bien différente aujourd'hui : les exportations sont encore en berne depuis l'explosion de la crise financière. Avec la chute des commandes et de la hausse incessante des prix des matières premières et de la main-d'œuvre, la valorisation du RMB, même de 1 %, serait insupportable pour les entreprises », a confessé Cai Minqiang, PDG du Groupe Mingrui du Guangdong, une société d'export de robes de cérémonie. Lors d'un colloque de la Brookings Institution le 18 mars, Barry Bosworth, spécialiste de la politique monétaire et fiscale et ancien conseillé économique à la Maison Blanche, a indiqué que l'augmentation du taux de change du RMB n'aurait pas de grande répercussion sur l'équilibre du commerce américain. Selon lui, les prix des produits chinois exportés dépendent principalement du prix des matières premières et de la main-d'œuvre, et le taux de change ne constitue pas un facteur décisif. En matière de relations commerciales, la concurrence Chine-Etats-Unis n'est pas si importante. L'exportation américaine concerne essentiellement les produits scientifiques et techniques à haute valeur ajoutée, et se trouve donc en concurrence directe avec le Japon et l'Allemagne. Ainsi Barry Bosworth estime qu'une exploitation plus importante du marché chinois est une bonne solution pour résoudre la question de l'équilibre commercial des Etats-Unis. Côté chinois, l'importation des produits de high-tech américains constitue le plus important obstacle au développement équilibré du commerce entre les deux puissances. A l'issue des « deux sessions », le premier ministre Wen Jiabao a déclaré que la Chine était devenue un important marché d'exportation pour le Japon, la Corée du Sud et les pays occidentaux, y compris les Etats-Unis. Alors que le volume total des exportations américaines a connu une forte baisse, ses exportations vers la Chine sont demeurées presque inchangées. Ce qui démontre le niveau d'ouverture du marché chinois. L'essor économique de la Chine et la bataille actuelle sur le taux de change du RMB rappelle le Japon il y a 20 ans. Après la signature de l'Accord de Plaza entre le Japon et les Etats-Unis en 1985, le yen connut une forte valorisation. Les économistes japonais estiment généralement que cette valorisation a aggravé les bulles économiques du Japon, faisant entrer le pays dans une récession économique de 20 ans après l'éclatement des bulles économiques en 1990. Seguchi Kiyoshi, un des responsables du Canon Institute for Global Studies au Japon, partage dans une certaine mesure cette analogie. Toutefois, avec l'élévation de la puissance économique et l'augmentation de la demande intérieure de la Chine, le volume et le niveau de production du pays ne peuvent plus satisfaire le marché intérieur. Ainsi l'exportation doit décliner au profit de la demande intérieure, les importations seront de plus en plus importantes. Dans ce scénario, la balance commerciale chinoise s'équilibrera, et une forte valorisation du RMB ne sera pas nécessaire. L'ancien vice-ministre japonais des Finances Murakami Seiichiro pense également que les Chinois ne tomberont pas dans le piège du taux de change des Etats-Unis. Selon lui, la Chine pourra éviter l'éclatement de bulles économiques et réaliser un développement durable de son économie, à condition que le gouvernement répartisse équitablement les fruits de la croissance dans la population. Au mois de mai prochain, Wang Qishan, vice premier ministre du Conseil des Affaires d'Etat, et Dai Bingguo, conseiller d'Etat, seront présents, comme représentants spéciaux du chef d'Etat de la Chine, au deuxième cycle du Dialogue stratégique et économique sino-américain. Les frictions commerciales et la question du taux de change seront encore les principaux sujets de négociation. Et comme le rappelle Murakami Seiichiro : « La finance est aussi une guerre, et le plus intelligent l'emportera ». Beijing Information |