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Publié le 25/11/2009
Françoise Wang : la tombe de l'empereur Qianlong, un stupa virtuel ?

Quel sens donner à ce vaste ensemble de dharanis ?

Pour Françoise Wang, le tombeau de Qianlong est ornementé à la lumière des trois principes-clés, à savoir le lien avec les rituels funéraires bouddhiques, la sacralisation ou consécration, et l'idée d'un stupa virtuel.

L'utilisation des dharanis dans les rituels bouddhiques funéraires est un fait avéré. Par exemple, sur des cercueils datant de la dynastie des Liao (907-1125), étaient inscrites des écritures Siddham dans un contexte chinois. Et sous la dynastie des Qing, déposer des couvertures funéraires sur les cercueils était une pratique courante.

« Lors de ces rituels funéraires, les Dharanis revêtaient trois rôles majeurs : la protection, la purification et l'obtention d'une bonne renaissance. Les formules inscrites dans les cinq premières chambres funéraires sont justement connues pour remplir ces trois fonctions. Elles correspondent donc exactement à ce que l'on attend d'un rituel funéraire. On trouve également à l'intérieur du tombeau des Dharanis spécifiquement utilisées pour consacrer soit des statues, soit des monuments religieux ».

Les syllabes comme OM A HUM, et les reliques du Dharma kaya sont des Dharanis symbolisant l'enseignement du bouddha. Et déposer ce type de textes a exactement la même valeur que de déposer des reliques matérielles d'un bouddha ou d'un être éveillé à l'intérieur d'une statue, ou d'un stupa.

 
 Sur la photo, chacune de ces syllabes est représentée en rouge. Les reliques symbolisant le Bouddha sont les « Vers de la production interdépendante ».

La présence de ces Dharanis, liée à la sacralisation d'un monument, permette de penser que l'ensemble de la tombe de Qianlong était conçu comme un monument bouddhique. Les sculptures des quatre rois célestes à l'entrée de la première chambre confirment cette idée. « On retrouve très fréquemment ces quatre personnages. A Dunhuang, on voit les quatre rois célestes protéger un stupa. Et le Temple des cinq pagodes à Beijing nous fournit un autre exemple. Peut-être y avait-il une idée du stupa virtuel à l'intérieur de la tombe de Qianlong », a-t-elle expliqué.

Pour la sinologue, qui adopte une attitude scientifique rigoureuse dans sa recherche, les deux stupas représentés à l'intérieur d'une des chambres funéraires ne constituent pas un argument suffisant. De plus, se pose un autre problème : un stupa est une architecture verticale, alors que la disposition du tombeau de Qianlong est horizontale.

Dans la tradition indo-tibétaine, chacun des éléments structurels du stupa exige de se livrer à une interprétation symbolique complexe, l'idée directrice étant que la façon dont ces éléments étaient empilés le long d'un axe central symbolise la progression spirituelle. La symbolique particulière de chaque élément architectural se traduit par le dépôt de textes spécifiques dans ces parties. A Beijing, le stupa blanc tibétain, qui date de la dynastie des Yuan, témoigne justement de ce principe. « Il y a une stèle en chinois qui explique très clairement que l'on avait déposé les textes dans des parties spécifiques du stupa. Après le tremblement de terre de 1976, lorsqu'il y a eu des fissures dans le stupa, les chercheurs ont pu constaté que les textes étaient déposés d'une façon très particulière, suivant les éléments architecturaux ».

« De plus, il existe de nombreux rituels tibétains expliquant le dépôt de Dharanis dans les statues ou les stupas. Parmi ces rituels en existe un très important, composé à Beijing par le deuxième Cancya Hutuktu (1642-1714), Chapelain de l'empereur Kangxi. D'après celui-ci, on peut établir les correspondances entre les types de textes et les parties architecturales. Ce texte, l'un de plus détaillés qui soient, est encore utilisé de nos jours », a poursuivi la spécialiste française.

« En étudiant la dernière chambre funéraire, c'est à dire celle renfermant les cercueils, on aura, à la lumière de ce manuel, l'idée d'un stupa qui se déroule de façon virtuelle. Suivant le sens de la Pradaksina (faire le tour d'un bouddha dans le sens des aiguilles d'une montre), la circumambulation traditionnelle chez les bouddhistes, on arrive au mur le plus sacré, le mur du fond, qui représente en fait la partie haute du stupa. Cette idée vient conforter les travaux de nombreux chercheurs, prouvant ainsi l'intérêt de Qianlong pour le bouddhisme tibétain ».

« Je terminerai sur une note un peu triste, à savoir les problèmes de conservation de ce tombeau. En effet, l'eau qui s'infiltre ne cesse de le dégrader un peu plus chaque jour », a-t-elle conclu.

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