60 ans de relations sino-russes |
L'année 2009 marque le 60e anniversaire de l'établissement des relations diplomatiques entre la Chine et la Russie. De l'alliance amicale à la confrontation tendue, du bon voisinage au développement stable, les relations sino-russes évoluent avec l'histoire depuis un demi-siècle. Après l'effondrement de l'Union soviétique, en tirant enseignement de l'histoire, les dirigeants des deux pays se sont engagés à éliminer activement les facteurs négatifs dans les relations bilatérales et ont œuvré à la création d'un partenariat stratégique. Aujourd'hui, les deux pays ont établi un parfait exemple de relations inter-états d'un genre nouveau. Dans ce contexte de crise financière internationale, la Chine et la Russie ont renforcé leur coordination stratégique de haut niveau, et ont apporté respectivement leurs contributions aux intérêts communs des deux pays ainsi qu'à la paix et au développement dans le monde. Du 12 au 14 octobre 2009, le premier ministre russe, Vladimir Poutine, a effectué une visite en Chine dans le cadre de la rencontre régulière entre les premiers ministres chinois et russe, visite destinée à resserrer davantage le partenariat stratégique entre les deux pays. Le 1er octobre 1949, la République populaire de Chine a été fondée. Le lendemain, l'Union soviétique fut le premier pays du monde à reconnaître la Chine nouvelle et à établir des relations diplomatiques avec elle. Le 14 février 1950, les deux pays ont signé le « Traité d'amitié, d'alliance et d'assistance mutuelle », qui marqua le début d'une série de coopérations bilatérales dans les domaines politique, économique, scientifique, technique et culturel. Au cours du premier plan quinquennal chinois, en conformité avec les accords sino-soviétiques de 1953 et de 1954 portant sur la coopération économique, l'Union soviétique a aidé la Chine à établir ou à rétablir 156 grandes entreprises, qui ont joué un rôle important dans le redressement économique chinois des années 1950 et 1960. Il faut reconnaître que la base industrielle de la Chine nouvelle, surtout celle de l'industrie lourde, a été fondée, dans une large mesure, grâce à l'aide des experts soviétiques. Cependant, depuis la seconde moitié des années 1950, les relations sino-soviétiques se sont progressivement détériorées. Les divergences ainsi que les polémiques idéologiques entre les partis communistes chinois et soviétique furent assez graves au point que l'Union soviétique rappela unilatéralement ses experts et annula les projets de coopération scientifique et technique. Cette discorde a débouché, en fin de compte, sur des conflits sanglants le long de la frontière. Les deux pays se sont alors trouvaient dans une période de confrontation tendue. La détérioration des relations bilatérales a infligé de douloureuses leçons aux deux pays qui ont fini par réaliser que l'on était perdant dans la dispute et gagnant dans la paix. En mars 1985, Mikhaïl Gorbatchev est devenu le chef du Kremlin. Adoptant une nouvelle tonalité idéologique, il a œuvré à la normalisation des relations avec la Chine. La politique extérieure qu'il a menée traduisait une nouvelle théorie de la sécurité selon laquelle les questions internationales peuvent trouver une solution par la voie politique. Selon lui, la base de coopération entre l'Union soviétique et la Chine était large. En plus d'intérêts bilatéraux communs, les deux pays partageaient des positions similaires, voire communes, concernant les affaires internationales. Mikhaïl Gorbatchev pensait que la solution à de nombreuses questions internationales dépendait des deux plus grands pays socialistes du monde. En 1986, il a prononcé un discours à Vladivostok, révélant la volonté soviétique de procéder à des négociations de tout niveau et à tout moment avec la Chine, visant à créer un climat de bon voisinage. En mai 1989, Gorbatchev a effectué une « visite de dégel » en Chine, mettant ainsi un terme aux trois obstacles qui avaient entravé les relations bilatérales, à savoir le retrait des troupes soviétiques de la frontière sino-soviétique et d'Afghanistan, le rapatriement des troupes vietnamiennes installées au Cambodge et la normalisation des relations sino-soviétiques. C'est ainsi que prirent fin 30 ans de confrontation. Dès lors, les relations bilatérales n'ont cessé de s'améliorer.
Après l'effondrement de l'Union soviétique, ces relations ont connu un développement sain qui se divise en quatre étapes : 1. Transition calme et développement stable. Le 25 décembre 1991, l'Union soviétique s'est effondrée. La Russie est devenue son héritière et les relations sino-soviétiques ont fait place aux relations sino-russes. La Chine a été le premier pays à reconnaître la jeune Fédération de Russie et son siège au Conseil de sécurité de l'ONU. Le gouvernement chinois a envoyé en Russie une délégation dirigée par Li Lanqing, ministre de l'Économie et du Commerce, pour signer avec elle les « Procès-verbaux entre la Chine et la Russie ». À la fin du mois de janvier 1992, le premier ministre chinois, Li Peng, et le président russe, Boris Eltsine, ont effectué leur première rencontre à l'occasion d'une réunion de l'ONU. Les deux dirigeants ont affirmé que les deux pays continueraient à renforcer les relations d'amitié sur la base des deux communiqués conjoints signés en 1989 et en 1991. 2. Bon voisinage et coopération à bénéfice réciproque. Lors de la visite en Chine du président russe, Boris Eltsine, à la fin de l'année 1992, les deux voisins ont publié la « Déclaration commune sur les nouvelles bases du dialogue sino-russe », créant un nouvel exemple de relations inter-états caractérisées par la non-confrontation, la non-alliance, le bon voisinage ainsi que la coopération à bénéfice réciproque, et surtout tournées vers l'avenir. 3. Partenariat constructif. En septembre 1994, le président chinois, Jiang Zemin, a effectué une visite officielle en Russie. Les deux parties ont signé un accord stipulant qu'elles ne devaient pas avoir recours l'une contre l'autre aux armes nucléaires, et ont publié la « Déclaration commune sino-russe » établissant un partenariat constructif. Dès lors, les relations entre les deux pays se développent de manière plus mature. 4. Partenariat de coordination stratégique. En avril 1996, le président Eltsine a effectué sa deuxième visite en Chine. Dans une déclaration conjointe publiée lors de cette visite, les deux chefs d'Etat se sont engagés à entreprendre la coopération et la coordination dans les affaires internationales majeures, et de nouer un partenariat de coordination stratégique vers le XXIe siècle, sur le principe d'égalité et de confiance mutuelle. Les opinions internationales ont hautement apprécié cette rencontre qui a symbolisé un nouvel apogée des relations sino-russes depuis 50 ans.
Au XXIe siècle, les nouvelles générations de dirigeants des deux pays ont déterminé l'orientation des relations bilatérales qui seront de plus en plus approfondies et pragmatiques. Premièrement, les relations politiques n'ont cessé de se resserrer. Pendant les huit années de pouvoir de Vladimir Poutine, elles sont devenues beaucoup plus concrètes. En juillet 2001, les deux pays ont signé le « Traité de bon voisinage, d'amitié et de coopération » valable pour 20 ans. Ce document, jalonnant les relations bilatérales, a jeté une base juridique solide à l'amitié sino-russe à long terme, et a valorisé la volonté de garantir la sécurité à travers la confiance mutuelle et d'entreprendre la coopération sur le principe du bénéfice réciproque. En effet, la confiance politique entre les dirigeants des deux pays n'a cessé de se renforcer grâce à ce traité. En 2005, le président, Hu Jintao, et son homologue russe, Vladimir Poutine, ont signé à Moscou une déclaration commune portant sur l'ordre mondial du XXIe siècle, réitérant l'établissement d'un nouvel ordre mondial rationnel et juste, sur la base de la loi internationale, du multilatéralisme, de l'égalité, du respect réciproque et du renforcement du rôle de l'ONU dans la politique internationale. Au niveau international, la Chine et la Russie ont resserré leur coopération et élargi leur échange d'opinions. Les années croisées Chine-Russie, qui ont respectivement eu lieu en 2006 et 2007, ont été couronnées d'un plein succès. Les deux voisins ont également décidé d'organiser l'année de la langue russe en Chine en 2009 et l'année de la langue chinoise en Russie en 2010. Ces activités sont favorables à l'approfondissement de l'amitié traditionnelle et la promotion de la coordination stratégique. Deuxièmement, la question concernant la frontière mutuelle entre les deux pays a été résolue. Depuis l'établissement des relations diplomatiques, cette question demeurait l'une des préoccupations majeures des deux gouvernements. Grâce aux efforts communs, les deux parties ont signé, en octobre 2004, l'accord supplémentaire sur la section est de la frontière sino-russe. Selon cet accord, les deux voisins se sont partagé plusieurs îles. Un territoire de 170 m2 a ainsi été placé sous la souveraineté chinoise, et le reste sous la juridiction russe. Le 14 octobre 2008, la cérémonie d'inauguration de la borne de la section est de leur frontière a eu lieu. D'ores et déjà, la Chine et la Russie ont terminé d'établir le tracé de près de 4300 km de frontières. « Les négociations sur la frontière entre la Chine et l'Union soviétique ont duré 40 ans sans aboutir à aucun résultat. Aujourd'hui, un accord acceptable pour les deux parties a été conclu », a constaté Poutine. Troisièmement, la coopération économique se développe de façon constante, et les domaines d'échanges ne cessent de s'élargir. Il y a 13 ans au moment de l'établissement du partenariat stratégique entre la Chine et la Russie, le volume du commerce bilatéral était inférieur à 10 milliards de dollars. Trois goulets d'étranglement, à savoir le règlement bancaire, le mécanisme d'arbitrage et l'assurance-crédit Export, demeuraient persistants et entravaient la coopération économique. Après son entrée au Kremlin en 2000, Vladimir Poutine a mis à l'ordre du jour la stratégie du développement économique, tout en promouvant la coopération économique et commerciale avec la Chine et en promulguant des politiques favorables à l'absorption des investissements étrangers. Ainsi, le volume du commerce bilatéral a pu enregistrer une augmentation à deux chiffres pendant huit années consécutives. Il est ainsi passé de 5,7 milliards de dollars à environ 57 milliards de dollars. Malgré la crise financière internationale, le volume de 2008 a atteint 56,83 milliards de dollars, soit une croissance de 18% par rapport à 2007. Actuellement, les investissements entre les deux pays sont dynamiques. Leur coopération s'épanouit dans les domaines de l'énergie, de la télécommunication, de la finance, des technologies militaires, de l'aviation civile et de l'exploitation de l'espace. La Chine est devenue le deuxième partenaire commercial de la Russie, et la Russie, le neuvième partenaire commercial de la Chine.
Dans le futur, le potentiel de développement des relations sino-russes est large. Au début de l'année 2009, les dirigeants des deux pays ont échangé leurs vœux du Nouvel An, en souhaitant enrichir le contenu stratégique des relations bilatérales et promouvoir le progrès sain, stable et durable de leurs relations. Se situant toutes deux dans une période de montée en puissance, la Chine et la Russie ont établi chacune leurs propres objectifs économiques qui constituent le moteur principal et la base stratégique du développement des relations bilatérales. Une large perspective s'est déjà ouverte pour la coopération sino-russe. Les projets d'oléoduc et de chemin de fer traversant la frontière sino-russe ont été mis à l'ordre du jour. En établissant une coopération pour le développement de la nanotechnologie, les deux pays ont élargi davantage l'horizon de leurs coopérations aérospatiales et de l'énergie nucléaire. En même temps, les affaires régionales et internationales constituent un large espace de coordination pour les deux voisins. Dans ce contexte de crise financière, le rapport de forces mondial a changé. L'hégémonie américaine a été affaiblie, l'Occident est en train de perdre sa domination dans le processus de la mondialisation. La position des pays sur l'échiquier international reste à restructurer. La Chine et la Russie renforceront leur coordination dans les affaires multilatérales de manière à relever ensemble les défis provoqués par la crise financière et la mondialisation, et à créer un nouvel ordre politique et économique international. Toutefois, une telle perspective ne peut dissimuler certains problèmes. Tout comme l'a indiqué le président russe, Dimitry Medvedev, les relations sino-russes ne sont pas sans souci bien qu'elles connaissent les meilleurs moments de leur histoire. Davantage d'efforts restent nécessaires pour éliminer tous les préjugés. Deux tendances négatives méritent l'attention des deux parties. Premièrement, il faut surveiller la tentative occidentale d'entraver les relations sino-russes. Depuis la crise économique, la Chine et la Russie, en renforçant leur coordination stratégique, ont réussi à augmenter leur influence dans les affaires régionales et internationales. Face à cette situation, les pays occidentaux, les Etats-Unis en tête, ont créé le nouveau concept de G2 qui placerait, seuls, les Etats-Unis et la Chine au gouvernail des affaires du monde. Apparemment, cela traduit l'intention occidentale d'imposer davantage de responsabilités à la Chine, ce qui risque, au fond, d'isoler la Chine et de susciter des frictions dans les relations sino-russes. Les nouveaux concepts, tels que « Chimerica », ne correspondent guère à la volonté chinoise ni à la tendance de multipolarité. Deuxièmement, il faut prévenir le retour de la théorie de la « menace chinoise ». Face à la croissance rapide de l'économie chinoise et à l'élargissement de la coopération bilatérale dans le domaine énergétique, certains Russes pourraient craindre que leur pays se réduise à un fournisseur de ressources dépendant économiquement de la Chine. De là, pourrait naître de nouveau la théorie de la « menace chinoise ». Beijing Information
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