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Publié le 15/05/2009
Une délégation politique du Burundi en voyage d'études en Chine

Liu Wei et Gui Gui

Le 11 mai 2009, sur l'invitation de He Yong, membre du secrétariat du Comité central du Parti communiste chinois (PCC) et secrétaire adjoint de la Commission centrale de Contrôle de la Discipline du PCC, le président du Parti des Forces pour la Défense de la Démocratie au Burundi, Jérémie Ngendakumana, est arrivé à Beijing en compagnie de quatre hauts cadres de son Parti, pour effectuer une visite en Chine. Pendant plus d'une semaine, le président Ngendakumana et sa délégation ont échangé avec des responsables du PCC sur plusieurs sujets notamment l'édification de leurs partis respectifs. Le 12 mai, M. Ngendakumana a accepté d'accorder une interview exclusive à CHINAFRIQUE.

Ce voyage constitue votre deuxième visite en Chine. Pourriez-vous nous donner quelques détails sur le programme chargé qui est le vôtre lors de ce déplacement ? Quelles sont vos premières impressions ?

Je suis ici sur invitation du Parti communiste chinois, une invitation que j'ai reçue l'année dernière lorsqu'une délégation du PCC dirigée par M. He Yong s'est rendue au Burundi. J'ai d'ores et déjà rencontré les responsables du PCC. Nous avons parlé de beaucoup de choses, notamment de la façon dont le PCC est édifié, de sa structure, de son histoire, etc. Nous avons échangé nos expériences et nous avons alors compris tout ce que nous étions susceptibles d'apprendre du PCC. Jeudi je me rendrai en province, notamment à Shanghai, pour observer le fonctionnement du Parti ainsi que l'évolution du pays. Notre pays, le Burundi, a de très bonnes relations avec la Chine. Ce sont des relations traditionnelles qui datent des années 60. Lorsque deux pays ont de très bonnes relations, il doit en être de même des partis politiques qui les dirigent. J'ai beaucoup apprécié l'organisation du PCC et surtout la façon dont ses membres sont organisés. J'ai cru comprendre que le PCC compte dans ses rangs les meilleurs cadres du pays, se distinguant particulièrement par leur intégrité. Cela est dû au fait que le Parti éduque ses membres. L'important travail réalisé au niveau de la formation idéologique permet à ces hommes d'œuvrer dans l'intérêt général. C'est un point très important que j'ai pu apprécier et que je tenterai d'enseigner à mes militants dès mon retour. Je me suis par ailleurs rendu compte de la nécessité d'être vigilant. Avec le temps, certains sont en effet enclins à oublier l'objectif principal. Il faut donc à tout moment être conscient que le parti politique se doit de poursuivre le bonheur et la prospérité du peuple. C'est également primordial si l'on veut que le peuple soutienne efficacement les objectifs fixés. J'ai en outre pu apprécier le développement spectaculaire enregistré par la Chine depuis 1978 grâce à la réforme économique. La Chine a connu un développement exponentiel, que nous appelons couramment le miracle chinois.

Vous aviez effectué une première visite en Chine en 2007, avez-vous d'ores et déjà constaté des changements dans le pays ?

Lorsque je suis venu en 2007, je ne connaissais pas la Chine hormis à travers les livres d'histoire.

À cette époque, j'ai eu l'occasion de faire quelques visites culturelles […] et de faire des découvertes. J'ai appris quelques éléments de l'histoire de la Chine et j'ai compris qu'il s'agissait d'une des grandes civilisations de ce monde, une civilisation vieille de 5 000 ans, qui confère au peuple des bases solides, notamment culturelles et sociales, pour édifier l'économie du pays. En ce qui concerne cette visite, le sentiment est différent. Il s'agit d'apprendre avec le PCC comment s'organise un parti politique, comment s'effectue la formation idéologique, comment on prépare les cadres, etc. Aujourd'hui, il s'agit davantage d'apprendre que de faire des découvertes. Je suis venu avec un membre de la Ligue des femmes, un membre de la Ligue des jeunes, ainsi qu'avec un membre de notre Parti, et chacun devra tirer les leçons de notre visite. Nous sommes dans le cadre d'un voyage d'études. À notre retour, chacun devra faire un exposé de ce qu'il a appris. C'est donc pour nous une visite très importante.

Nous avons assisté ces dernières années à une multiplication des visites de haut niveau entre la Chine et le Burundi, ainsi qu'à un développement favorable de la coopération entre les deux pays. On pense notamment à la visite, au mois d'août dernier, du Président de la République du Burundi, Pierre Nkurunziza, venu en Chine à l'occasion de la cérémonie d'ouverture des Jeux Olympiques de Beijing. Quelle est votre appréciation des relations bilatérales depuis l'établissement des relations diplomatiques entre la Chine et le Burundi ? 

Les relations diplomatiques entre la Chine et le Burundi sont d'anciennes relations datant des années 60. À présent, l'objectif est de les renforcer. C'est pour cela que je suis venu en 2007, et que Son Excellence le Président de la République est venu en 2008 pour les Jeux Olympiques, et que je reviens en cette année 2009. La Chine est un pays qui a une relation traditionnelle avec le Burundi et avec qui nous avons une coopération dans le respect de la dignité mutuelle, contrairement avec certains autres pays. Ce sont des relations que nous apprécions beaucoup. La Chine a fait beaucoup pour notre pays. C'est donc pour cimenter ces relations que nous venons régulièrement.

L'Afrique est un acteur important de l'échiquier politique multipolaire mondial. Quel est votre point de vue sur l'évolution du développement du continent africain ?

Le développement du continent africain doit être réalisé par les Africains eux-mêmes. Nous devons faire des efforts, garder à l'esprit l'objectif qui est le nôtre et comprendre que nous sommes les responsables de notre propre développement. Nous devons beaucoup travailler et mettre à contribution les richesses que nous avons, mais nous devons également choisir nos partenaires. Le plus important est de choisir de bons partenaires qui nous aideront à nous développer. L'Afrique essaie d'évoluer. Bien évidemment, pour se développer, il est d'abord nécessaire d'avoir une stabilité politique et sécuritaire. Nous faisons des efforts dans ce sens et nous pensons que le développement suivra. Dans le cas du Burundi, nous avons connu plus de 15 ans de guerre à laquelle nous venons de mettre fin avec l'intégration du dernier mouvement rebelle, à savoir le FNL. Notre objectif est maintenant de nous attaquer aux grandes questions que sont les questions de développement, les questions de sécurité pour tous, les questions de démocratie et d'État de droit, afin de permettre au Burundi de prendre le chemin du développement. Nous souhaitons que tous les Burundais puissent manger à leur faim. Notre ambition est que tous les enfants burundais puissent aller à l'école et que tous les Burundais aient accès aux soins de santé, afin d'assurer le bonheur et la prospérité de notre population.

Quelles sont les mesures prises par le gouvernement pour faire face à la crise financière actuelle ?

Nous sommes devant une crise financière internationale. Pour nous, il s'agit d'être conséquent, et d'abord de beaucoup travailler. Pour cela, nous allons fixer les priorités, mettre à contribution la force de la population et gérer de façon rationnelle les quelques richesses que nous possédons.

En 2005, après avoir remporté les élections locales, législatives et sénatoriales, le parti des Forces pour la Défense de la Démocratie au Burundi a pris les rênes du pays. Pourriez-vous nous présenter les grandes lignes de la politique de votre parti ?

Le FDD a effectivement remporté toutes les élections en 2005. Nous avions un programme que la population a accepté et apprécié. Cela fait maintenant trois ans que nous appliquons ce programme et la population semble être satisfaite de notre action. Notre première mesure a été de décréter la gratuité de l'enseignement. Les enfants du primaire n'ont donc plus à payer les frais de scolarisation et nous allons même jusqu'à fournir le matériel scolaire. La population des écoles primaires a de ce fait plus que doublé. En 2005, nous comptions 250 000 élèves supplémentaires en première année. Il y en a eu ensuite 550 000. Toute une frange de la population ne pouvait pas envoyer ses enfants à l'école en raison des frais de scolarisation. C'est une mesure qui a été très appréciée de la population, mais qui a nécessité un accompagnement important. Il a fallu construire beaucoup d'écoles. Nous avons pour cela mis à contribution la population, qui a apporté sa force de travail et construit elle-même un grand nombre d'écoles, tandis que le gouvernement a fourni les matériaux de construction. Cette politique est devenue un exemple puisqu'il n'y a pas longtemps, il a été demandé au Président de la République du Burundi de se rendre aux Nations unies pour expliquer comment il était parvenu à construire autant d'écoles en seulement deux ans. Ce succès pourrait conduire les Nations unies à demander à tous les pays d'Afrique d'appliquer cette politique. Les résultats atteints sont en effet de loin supérieurs aux prévisions de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international. La deuxième mesure que nous avons prise est la gratuité des soins de santé. En 2005, Son Excellence le Président de la République a décrété la gratuité des soins de santé pour les mères qui accouchent et pour les enfants de moins de 5 ans. Ce sont des mesures sociales très populaires qui ont également demandé un accompagnement. Il faut bien sûr construire beaucoup de centres de santé, engager beaucoup d'infirmiers et de docteurs. Enfin dernièrement, nous avons également pris l'engagement de planter beaucoup d'arbres fruitiers dans le pays afin de faire du Burundi le pays le plus avancé en matière de cultures fruitières. La politique que nous appliquons est une politique en faveur de la population. Ce programme permet à la population d'avoir confiance en son pouvoir, car celui-ci répond à ses besoins. Notre ligne c'est la réconciliation nationale. Le pays a connu des conflits ethniques, notre objectif est de résoudre ce problème définitivement.

[L'ensemble de ces mesures] va nous permettre de nous attaquer aux grandes questions que j'évoquais tout à l'heure, les questions d'État de droit, de démocratie, etc.

Quelles sont les mesures que vous envisagez pour accroître les échanges culturels avec la Chine ?

La Chine a des particularités culturelles qui peuvent nous être utiles et réciproquement. Nous pourrions effectivement organiser des échanges culturels, mettre au point un programme, mais nous ne sommes pour l'instant pas très avancés sur ce sujet. 

Nous avons pu nous rendre compte de la richesse et de la variété de votre expérience professionnelle. Parmi toutes les fonctions que vous avez exercées, quelle est celle qui vous est la plus chère ?

J'ai en effet exercé beaucoup de fonctions. Chaque métier a ses points forts et ses points faibles [...]. Mais la politique est plus compliquée. Il faut être responsable et poursuivre un objectif. Lorsqu'on agit, que l'on prend une décision, il faut se demander si c'est conforme à l'objectif. L'objectif c'est le bonheur et la prospérité du peuple. C'est très important et difficile. En tant qu'homme on n'est pas toujours sûr que toutes les décisions que l'on prend sont conformes à l'objectif. Il faut méditer avant d'agir.

Avez-vous des projets de visite en Chine pour le futur ?

Oui absolument. Nous allons venir régulièrement en Chine. Je disais justement à Son Excellence le vice-Premier ministre que nous avons beaucoup à apprendre de la Chine et que la Chine a beaucoup d'expérience à nous faire partager […]. Nous allons également inviter les responsables du PCC régulièrement au Burundi pour profiter de leur expérience. Le Parti communiste fête son 88ème anniversaire, tandis que nous avons un parti très jeune. Nous avons donc beaucoup à apprendre et nous n'apprendrons qu'en venant régulièrement.

 

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