La Chine et la sécurité maritime de l'Asie |
Aujourd'hui, la Chine dépend davantage de l'océan et porte davantage l'accent sur la sécurité maritime. Ye Hailin, chercheur de l'Académie des Sciences sociales de Chine Terre natale de Zheng He, grand navigateur et explorateur, la Chine était pourtant attachée à la terre ferme et faisait peu de cas des vastes étendues bleues. Mais plus le pays s'ouvre au monde, plus l'appel du large se fait sentir. Fortement impliquée dans le processus de la mondialisation, la Chine moderne s'apprête à se défaire de ses appréhensions maritimes remontant à des milliers d'années. La Chine passe désormais de son statut de puissance continentale à celui de puissance maritime, tout du moins, celle-ci semble désormais polyvalente tout autant attachée à la terre qu'à la mer. Où résident les intérêts maritimes du pays ? Quelles menaces affronte-t-elle sur la mer ? Quelle est sa stratégie océanique? Ces questions retiennent l'attention du grand public. L'importance de la mer pour la Chine Les études sécuritaires ont pour objectif d'évaluer les menaces réelles et potentielles et de remédier aux problèmes éventuels. Dans cette optique, trois points doivent être clarifiés : les attentes, les menaces et la réponse à ces dernières. Pour la Chine, jeune puissance maritime asiatique émergeant dans le processus de mondialisation, trois aspects se distinguent quant à ces intérêts maritimes : souveraineté des territoires maritimes, exploitation des ressources maritimes et sécurité des communications en mer. Toute tentative de porter atteinte à ces derniers est considérée comme une menace principale à la sécurité maritime chinoise. Ces inquiétudes ne sont pas sans fondement. L'Asie est baignée par l'océan Pacifique et l'océan Indien dont la situation de sécurité est des plus complexes. Ces difficultés sont quelque peu liées à l'émergence de la Chine. Dans une certaine mesure, l'expansion des intérêts maritimes chinois est à l'origine de l'apparition de nouveaux facteurs instables dans ces deux océans. Cela ne signifie pas pour autant que la Chine doive endosser à elle seule la responsabilité pour la lutte contre la piraterie dans le golfe d'Aden. Cependant, elle est néanmoins dans l'obligation de s'opposer à ces criminels qui menacent ses navires commerciaux et pétroliers, nombreux à emprunter cet itinéraire. Néanmoins, les expéditions des navires d'escorte chinois pourraient souvent avoir des effets géopolitiques moins plaisants pour la Chine. Pire encore, il existe encore d'autres facteurs beaucoup plus hostiles que les pirates. La Chine concentre ses activités d'exploitation des ressources maritimes dans les zones de la mer de Chine orientale et de la mer Jaune, d'où le litige territorial et les contentieux sur l'utilisation des ressources qui opposent la Chine au Japon dans leurs ZEE respectives. Malgré le consensus d'opposition au recours à la force et la pénible expérience de coopération, la confiance est loin de régner entre les deux parties quant aux intentions maritimes et l'orientation du développement de chacun. C'est pourquoi le calme sur ces mers reste superficiel et fragile. Des problèmes similaires subsistent en mer de Chine méridionale. Les litiges territoriaux avec les Philippines et le Vietnam concernent une superficie de plus d'un million de km2, et la situation se détériore. Des signes tels que la promulgation d'une loi philippine déclarant l'île de Huangyan comme appartenant à sa juridiction nationale ont trahi la tactique de « fait accompli » appliquée par certains pays. Cette tactique de saucissonnage est à la fois efficace et dangereuse, car tout dépend d'un jugement ponctuel sur l'intention de l'adversaire. Il faut néanmoins reconnaître que les différends en mer de Chine méridionale ne sont pas moins délicats que ceux de la mer de Chine orientale. Une autre péril qui pèse sur cette mer vise les voies maritimes chinoises de communication (SLOC). La magie de l'économie chinoise est due à sa politique d'ouverture. Cette ouverture vers l'extérieur a permis à la Chine de réaliser des excédents commerciaux mensuels de 39 milliards de dollars (30 milliards d'euros) même dans le contexte de la crise financière mondiale. La Chine a mille raisons de garantir la sécurité de ses SLOC, et avant tout, la sécurité du détroit de Malacca, clé qui lie la mer de Chine méridionale, le Pacifique Sud et l'océan Indien. Au large du détroit de Malacca, 50% des bateaux sont en provenance ou à destination d'un des 1400 ports chinois. Cette gorge maritime encombrée et fragile témoigne de la relance de la Chine, mais dévoile en même temps sa faiblesse fatale sur la mer. Le détroit peut être fermé à tout moment à cause de multiples éventualités : blocage par une flotte étrangère, attaque des pirates, accident ou catastrophe naturelle. Il n'est plus question des dangers possibles, mais de quel jour et avec quelle magnitude surviendront les menaces précitées. Dans l'océan Indien relativement lointain, la Chine ne rencontre ni problème territorial, ni querelle sur les ressources. Son seul souci est la sécurité des voies maritimes de navigation. Apparemment, cet océan semble moins important du point de vue du nationalisme ou des intérêts économiques. En réalité, la sécurité des lignes maritimes n'est guère un intérêt secondaire, mais un intérêt stratégique qui décidera de la survie de la Chine dans l'échiquier mondial du XXIe siècle. L'envoi des navires d'escorte contre les pirates dans l'océan Indien a ouvert une nouvelle page dans l'histoire de la marine chinoise. Mais cette page comporte des parts d'ombre car les flottes chinoises ont entraîné l'inquiétude des différentes forces maritimes dans la zone. De plus, dépourvue de base d'intendance, le rôle de protection de ses flottes est relativement limité. Malgré la forte aspiration pour un monde et un environnement maritime harmonieux, la Chine ne peut compter sur les autres pays pour protéger ses SLOC. Imaginons qu'une puissance industrielle fortement tributaire du commerce extérieur confie ses cargos long-courriers à une autre puissance, cela ferait penser à se passer le couteau sous la gorge. Tant que la Chine poursuit son cheminement pour devenir une puissance commerciale et industrielle, l'importance de l'Océan Indien pourrait être surévaluée de quelque manière que ce soit. La voie maritime de navigation dans cet océan est une ligne de vie qui relie la Chine à l'Europe, au Moyen Orient et à l'Afrique. Il faut accorder autant d'importance à l'océan Indien qu'aux autres océans environnants. Une issue aux difficultés actuelles Sur ses zones maritimes, la Chine, confrontée à de graves menaces, possède des intérêts stratégiques importants. Comment faire valoir ses intérêts et protéger la sécurité ? Faut-il établir un nouvel ordre de sécurité par ses flottes ? ou bien réexaminer les relations entre le droit maritime et le droit continental afin de procéder à des mesures plus indirectes, plus efficaces et plus économiques, tout en renforçant ses forces maritimes ? Au sujet du droit maritime, le nom d'Alfred T. Mahan est incontournable. Néanmoins, la doctrine de l'Américain ne représente pas pour autant le contenu intégral du droit maritime, qui, au sens large, est l'ensemble des règles relatives à tous les intérêts maritimes. En réalité, ce droit peut être divisé en quatre niveaux : le contrôle sur les eaux souveraines, la sécurité des SLOC, la libre navigation des flottes et la suprématie maritime. Les deux derniers dépendent d'une marine puissante. La seule différence entre eux est que la libre navigation des flottes d'un pays n'empêche pas celle des autres, tandis que la suprématie maritime exclut l'accès des flottes de toutes les autres nationalités. Actuellement, seule la marine américaine en est capable. Selon la doctrine de Mahan qui prône simplement la suprématie maritime, tous les intérêts nationaux seraient opposés en mer. Supposons que la Chine ne recherche qu' « une suprématie absolue », des conflits seraient inévitables dans les eaux internationales autour d'elle. Mais si elle tournait son regard vers la libre navigation de sa flotte, l'éclatement de crises serait possible mais contrôlable. Si la sécurité de ses SLOC devenait son premier souci, s'offrirait devant elle une grande perspective de coopération internationale. En effet, la relance de la Chine est fondée sur une dépendance croissante de l'extérieur et un environnement international pacifique, on peut en conclure que ni la suprématie maritime ni la libre navigation de sa flotte n'est son premier objectif, compte tenu des raisons techniques et financières et des résultats défavorables au niveau géopolitique. En conclusion, le moyen le plus efficace pour la Chine de s'épargner d'éventuelles complications au détroit de Malacca, est d'entreprendre des coopérations régionales et internationales pour la protection de la sécurité des SLOC, et de combiner les droits continentaux et maritimes. A titre d'exemple, la Chine et le Pakistan s'engagent dans une coopération stratégique tout en reliant le col de Khunjerab et le port de Gwader. Bien sur, le même remède ne s'applique pas à tous les problèmes sur la mer de Chine orientale et la mer de Chine méridionale où existent des différends territoriaux. Pour défendre le droit de souveraineté, l'armée chinoise appelle à la création d'une marine hauturière. Après tout, les bonnes intentions de coopération requièrent la garantie d'une force maritime.
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