Charles de Gaulle et la Chine |
Lorsqu'il évoquait la Chine en tant que civilisation, de Gaulle transcendait les habituels calculs géopolitiques et prit en considération des faits plus essentiels. Il souhaita que le gouvernement français travaille de concert avec un autre gouvernement étranger, mais, plus essentiellement que son pays puisse participer à un projet humain permanent, la civilisation chinoise. Plus révélateur, le lien le plus remarquable de M. de Gaulle avec l'Asie, et sans doute l'une de ses sources les plus influentes d'information quant à la Chine n'était pas un diplomate ni un homme d'affaires, mais un écrivain magistral qui s'était placé au service du président français pendant dix ans en tant que ministre de la Culture. André Malraux, l'incarnation de l'écrivain engagé, un commentateur et un protagoniste important dans les principales crises du 20e siècle, associait une érudition encyclopédique à l'expérience du voyageur dans la diversité mondiale. La représentation intellectuelle du monde chinois de M. Malraux et la compréhension de M. de Gaulle des aspects historiques et culturels du pays se complétèrent parfaitement. En 1965, de Gaulle demanda à Malraux de visiter la Chine en tant qu'émissaire du président français. A Beijing, au nom du président français, Malraux s'entretint avec Chen Yi, Zhou Enlai et Mao Zedong. L'écrivain publia le contenu de ses discussions dans son ouvrage Antimémoires. Dans ce récit épique, de solides forces historiques se mettent à l'épreuve et forgent des vies extraordinaires tout comme de puissantes personnalités qui modèleront l'histoire. Malraux perçoit Mao comme l'« empereur de bronze » et annonce en guise d'oracle que « Trois siècles d'ardeur européenne s'estompent tandis que l'ère chinoise commence ». Il attribua également à Mao ces paroles fascinantes : « Je suis seul…. je ne peux compter que sur une poignée d'amis éloignés. Veuillez transmettre mon amitié au général de Gaulle ». Malraux eut non seulement une incidence sur la perception de M. de Gaulle par rapport à la Chine, mais il eut également une influence sur l'approche de Nixon quant à sa visite officielle à Beijing. Avant son départ pour la Chine en février 1972, le président américain invita l'écrivain français de 71 ans à la Maison Blanche. De Gaulle acheva sa conférence de presse avec une autre remarque relative à ce qu'il appelait des « affinités » entre la France et la Chine. Il va sans dire que les intellectuels français et chinois animés par la même curiosité pour comprendre autrui ont été liés depuis des siècles par une attraction réciproque. Cependant l'affinité englobe également l'idée de similitude. Malgré toutes les différences entre la France et la Chine, les deux pays partagent une haute estime pour la culture. Bien que le monde ait considérablement évolué ces 45 dernières années, de Gaulle reste une source d'inspiration. Sa vision et sa résolution ont placé la relation sino-française sur une voie spéciale. Actuellement, cette relation a contribué à une forte synergie sino-européenne, préalable à une gouvernance mondiale plus équilibrée. L'année 2008 s'est malheureusement achevée sur une querelle inutile entre Beijing et Paris, mais cette tension qui tranche singulièrement avec le respect mutuel et l'amitié qui caractérisait leur relation, ne devrait pas se poursuivre. Si, dans un monde menacé par des diverses formes de désordre, les forces constructives françaises et chinoises sont très utiles de manière indépendante — de l'ONU au marchés financiers, des laboratoires aux université — leur efforts conjoints de coopération sont indispensables. Les dirigeants français, européens et chinois doivent de nouveau faire honneur à la décision de M. de Gaulle de reconnaître la RPC. Celle-ci invite à considérer la Chine comme une civilisation vivante et comme l'un des architectes de l'équilibre mondial du 21e siècle. Dans sa plus noble expression, le gaullisme est un effort pour agir en fonction de réalités permanentes. En ce sens, sa pertinence reste d'actualité au beau milieu des changements et malgré tout le tapage des ostentations superficielles.
Beijing Information
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