Charles de Gaulle et la Chine |
Ce fut dans un tel environnement qu'à la fin de l'année 1962, Mao Zedong rédigea un poème intitulé « Nuages d'hiver » dont le titre renvoie à sa perception des périls imminents qui planent au-dessus sur la Chine. Dans cet opus, il s'adressa nettement aux puissances étrangères avec des métaphores : « Tigres et les léopards ne peuvent être jugulés que par les braves / De plus, les ours sauvages jamais ne découragent les braves ». Dans des conditions qui auraient dissuadé des personnages moins confiants, de Gaulle montra l'étendue de sa résolution. Le 31 janvier 1964 à l'occasion d'une conférence de presse au palais de l'Elysée, il expliqua les motifs de sa décision de reconnaître la RPC, événement qui fut couvert par des centaines de journalistes. Son raisonnement s'appuyait sur des socles solides qui sont des traits caractéristiques du gaullisme : une perspective à long terme et les efforts consentis pour prendre en compte, au-delà des évènements éphémères ou des phénomènes à court terme, des réalités plus durables. Le chef d'Etat français débuta sa conférence en citant des faits démographiques et géographiques. « La Chine, un grand peuple », dit-il, « le plus nombreux de la terre » un très vaste pays qui s'étend « depuis l'Asie Mineure et les marches de l'Europe jusqu'à la rive immense du Pacifique, et depuis les glaces sibériennes jusqu'aux régions tropicales des Indes et du Tonkin (Vietnam) ». L'évidence et la raison, expliqua de Gaulle, le poussèrent à coopérer avec les dirigeants chinois. Des solutions à long terme pour quelconque problème important qui survienne en Asie voire dans le monde dépendraient de la participation active et constructive de la Chine. De Gaulle fit ensuite part de la clé de voûte de sa pensée relative au monde chinois : la Chine n'est pas une nation, ni un Etat-nation, il s'agit avant tout d'une civilisation « très particulière et très profonde ». Sans aucun doute, la reconnaissance précoce de la RPC par la France fut une démarche politique motivée par des raisons géopolitiques. Par la reconnaissance du gouvernement de Mao Zedong, de Gaulle envoya un signe à la fois à Washington et à Moscou indiquant qu'il essayait de développer une politique étrangère indépendante. Paris était également pleinement conscient de l'objectif affiché pat la Chine de devenir un protagoniste important sur l'échiquier mondial. Le 16 octobre 1964, la Chine procéda à la première explosion d'une bombe nucléaire sur le site de Lop Nur. Une année auparavant, la France et la Chine refusèrent de signer le Traité d'interdiction partielle sur les essais nucléaires, dont le but était de réguler la course à l'armement. Le fait de réduire la décision de M. de Gaulle à une dimension politique omet une composante importante du gaullisme. |