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Publié le 01/12/2008
Entretien du Premier ministre Wen Jiabao avec le magazine Science (1)

Alberts:

Je tiens à féliciter la Chine pour son rôle de pionnier dans ce domaine. Lorsque j'étais président de l'Académie américaine des sciences, j'avais travaillé avec d'autres académies au sujet de diverses études visant à créer davantage d'émulation de la pensée scientifique dans le domaine de l'agriculture. Comme vous devez certainement le savoir, une levée de boucliers a été déployée en Europe contre les plantations transgéniques, ce qui a également eu des répercussions sur l'usage de cette technologie prépondérante sur l'ensemble du continent africain.

Wen : Ne mélangeons pas la science transgénique et les barrières commerciales. Cela enrayerait le développement de la science.

Alberts: M. le Premier ministre, vous vous êtes rendu célèbre à travers le monde grâce à vos visites sur le site touché par le tremblement de terre consécutivement aux premières secousses ainsi que pour votre intervention importante sur la réponse de la Chine à la catastrophe. Pourriez-vous nous donner plus de détails quant à votre réponse au séisme et quelles sont selon vous les perspectives à l'avenir en ce qui concerne les mesures de lutte anti-sismique en Chine ?

Wen: Lorsque survint le séisme de Wenchuan, le 12 mai vers 14h28, j'étais assis dans mon bureau. Du fait de la forte magnitude et de l'intensité du tremblement de terre, la ville de Beijing ressentit également les secousses. De manière instinctive, je me suis dit qu'il devait s'agir d'un séisme. En tant que Premier ministre, j'ai pris la tête du programme de secours de la catastrophe, en partant avec un amour profond envers le peuple. La science m'a été d'une grande aide. De nombreux chiffres ont jailli dans mon esprit : la magnitude du séisme s'élevait à 8, l'intensité du séisme était de XI, tandis que la densité de population atteignait 300 personnes par km². J'ai tout de suite pris conscience du fait que le désastre allait toucher une large superficie et que les dégâts seraient très importants.

Je décidai de me rendre immédiatement sur les lieux. J'ai parfaitement compris l'importance du secours lors des [premières] 72 heures et plus particulièrement de la nécessité de sauver les vies de la population lors de la première journée. En deux mots, plus vite nous serions sur place, le mieux cela serait pour les opérations de secours.

La population nécessite la confiance, le calme, la résolution et le courage. Tout cela requiert la sagesse et de fortes qualités de direction. C'est pourquoi je décidai d'établir le centre des opérations aux alentours de l'épicentre, au bord de la route. La première de mes instructions fut de sauver la population. Si nous portions secours aux blessés sous les débris à temps, leurs vies pourraient être sauvées. Nous devions envoyer au plus vite des sauveteurs jusqu'à l'épicentre et dans les zones les plus touchées. Pour ce faire, nous avions besoin de réparer les routes et d'expédier des soldats ainsi que des sauveteurs professionnels dans la zone sinistrée. En trois jours, nous mobilisâmes un contingent de plus de 100 000 personnes et sauvâmes 80 000 personnes sous les débris.

La deuxième priorité était de consolider la surveillance des répliques, car, bien souvent le manque d'attention aux répliques peut causer de plus graves dommages que la secousse principale. Cela nous a demandé de mobiliser les résidents à quitter leur maison et à leur trouver un foyer. Parallèlement nous avions besoin d'approvisionner un grand nombre de tentes.

Troisièmement, nous cherchâmes à prévenir les risques de désastres secondaires. En raison de l'énorme magnitude du séisme, plus de 100 lacs formés par le séisme firent leur apparition. L'un des plus vastes, celui de Tangjiashan, renfermait 300 millions de m³ d'eau. Un éventuelle faille dans ces lacs obstrués pouvait menacer de grandes villes telles que Mianyang et mettre en danger la vie de plusieurs millions de personnes du fait des inondations. Je me suis rendu sur plusieurs sites de lacs formés par le séisme et, de concert avec des ingénieurs et des experts, nous recherchâmes des solutions techniques et décidâmes de résoudre ce problème de manière scientifique avec prudence et célérité. Nous sommes parvenus à maîtriser le plus grand lac formé par un séisme au monde—pas une seule personne ne fut blessée, pas un seul mort ne fut à déplorer.

Ce séisme fut provoqué par la subduction de la plaque tectonique indienne vers le nord et de celle de la plaque Qinghai-Tibet vers le sud et l'est. Cette zone touchée par le séisme fut la zone de failles de Longmenshan. L'ouest de la zone de failles se déplaça vers l'est puis glissa vers le nord et l'est. Nos mesures précises nous ont révélé que le déplacement horizontal de l'écorce terrestre près de l'épicentre s'élève à 1,5 mètre. A l'est de la zone de failles, le sol s'enfonça sur 70 centimètres et dans les zones les plus touchées telles que Beichuan, les édifices de trois étages s'effondrèrent complètement et s'enfoncèrent complètement à travers le sol.

La quatrième tâche de notre programme était la prévention des maladies. Etant donné que le nombre de victimes dépasserait les 80 000, l'hygiène et la prévention des maladies étaient fondamentales. Nous nous assurâmes qu'il n'aurait pas d'éruption de maladie à grande échelle après le désastre. Je souhaiterais achever mes propos en répétant que nos opérations de secours ont été menées avec en tête un profond amour pour le peuple ainsi qu'une direction basée sur la science.

Jusqu'à présent, plus de 33 000 répliques se sont produites, dont huit de magnitudes supérieures à 6. Comment devrions-nous procéder à la reconstruction d'une région localisée dans une zone de failles ? Nous devons opérer en prenant comme référence les conditions géologiques et géographiques locales. Nous avons scindé les régions à reconstruire en trois catégories : les zones aptes à la reconstruction, les zones qui permettent de réaliser une reconstruction adéquate, ainsi que des zones de remise en état de l'environnement.

Les séismes sont des désastres naturels inéluctables, fortement destructeurs. Nous devrions accroître nos efforts à la surveillance et à la prévision des séismes et mener les opérations de reconstruction en dehors des zones de failles. La région touchée par le séisme représente une zone de plus de 100 000 km² et abrite une population de plusieurs dizaines de millions de personnes. Nous devons aider à ce que le cours de la vie soit rétabli progressivement, tout comme les fonctions productives et écologiques de la région. C'est une tâche très ardue.

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