La Chine s'efforce de préserver la stabilité de l'emploi pour contrebalancer l'impact de la crise financière mondiale.

Lan Xinzhen

La lame de fond de la crise financière mondiale, déclenchée par la crise des crédits hypothécaires américains subprime, a fait des ravages sur les emplois des salariés des plus grandes entreprises internationales, expressément les employés des sociétés financières qui se sont heurtés à des licenciements massifs.

Dans quelle mesure la crise financière mondiale a-t-elle eu des répercussions sur l'emploi en Chine ? Quelles en seront les retombées dans le pays dans les mois qui vont suivre ? Yin Chengji, porte-parole du Ministère des Ressources humaines et de la sécurité sociale a jugé lors d'une conférence de presse qu'il n'y avait pas de preuve à l'heure actuelle que le marasme de l'économie américaine ait une incidence sur le marché chinois de l'emploi.

Ce haut fonctionnaire releva que l'objectif du gouvernement pour les nouveaux emplois dans les zones urbaines s'élevait à 10 millions. A la fin du mois de septembre, près de 9,36 millions de personnes furent engagées dans les zones urbaines, soit une mission accomplie à 94 %. Pendant ce temps, environ 8,3 millions de personnes s'étaient enregistrées en tant que chômeurs dans les zones urbaines, soit 50 000 inactifs de moins que l'année dernière à la même période, tandis que le taux de chômage national atteignait 4 %.

Faisant front à la très forte pression du chômage dans les régions sinistrées de la province du Sichuan, le gouvernement a examiné les possibilités d'emploi des citoyens par le biais des aides à l'emploi inter provinciales. Au terme du mois de septembre, plus de 219 000 personnes dans les zones touchées par le tremblement de terre ont été engagées dans d'autres provinces, tandis que près de 865 000 personnes ont retrouvé un emploi dans la province.

D'après le porte-parole du Ministère, ces chiffres révèlent la relative stabilité du marché de l'emploi chinois à l'heure actuelle. Le développement économique rapide, les politiques actives d'emploi et la structure industrielle optimisée ont tous contribué à la stabilité de l'emploi.

Possibles retombées à l'avenir

Bien que la crise financière mondiale n'ait pas encore eu d'incidence sur le marché chinois de l'emploi, des retombées négatives pourraient survenir à l'avenir, a estimé M.Yin. Au regard de la situation actuelle, certaines entreprises à vocation exportatrice ont essuyé des difficultés financières et ont procédé à des licenciements. M.Yin a renchéri que la crise financière pourrait en outre entraîner une récession économique mondiale, ce qui pourrait exposer le marché de l'emploi chinois à de redoutables défis .

Interrogé par notre rédaction, Yin Zhongli, chercheur de l'Académie chinoise des Sciences sociales, a déclaré que la dépréciation des exportations chinoises et le ralentissement de la demande nationale pourraient amener à une baisse de la demande des consommateurs et à réduire le recours à la main d'œuvre.

« Il semble que nous ne devions pas nous attendre à des lendemains radieux pour l'emploi dans notre pays, c'est pourquoi la promotion de la création des emplois doit devenir l'une des principales priorités du gouvernement », a précisé le chercheur.

D'autres énigmes à résoudre en matière d'emploi

Mis à part l'influence de la crise américaine, les problèmes de l'emploi au niveau national restent d'une importance capitale. Hu Angang, professeur d'économie à l'Université de Tsinghua, a exprimé que la Chine est le seul pays au monde à devoir fournir 700 millions d'emploi. D'après lui, cela contraint la Chine à affronter le plus grand mauvais pas au monde en matière d'emploi.

Selon la même source, la Chine fournit 26 % des emplois mondiaux en bénéficiant de 9,6 % des ressources naturelles, 9,4 % des ressources de capitaux, 1,85 % des ressources technologiques et intellectuelles et 1,83 % des ressources internationales. Il est évident qu'un tel nombre d'emplois rend la tâche du gouvernement d'autant plus difficile, a-t-il surenchéri.

De surcroît, le surplus de main d'œuvre disponible constitue l'une des plus grandes difficultés pour la situation actuelle et future du marché de l'emploi chinois. Au cours des cinq prochaines années, environ 50 millions de nouveaux demandeurs d'emploi se présenteront sur le marché de l'emploi, tandis que le nombre de nouveaux emplois vacants stagnera aux alentours de 40 millions, laissant de côté près de 10 millions de personnes.

L'universitaire mit également en évidence les nombreux conflits inhérents au marché du travail chinois. Si de très nombreuses personnes s'apprêtent prochainement à être licenciées des industries traditionnelles, la demande relative aux professionnels les plus qualifiés pour les industries émergentes et les secteurs de haute technologie devrait fortement s'accroître.

« Il n'y a pas de pénurie de main d'œuvre en Chine, mais une très forte carence de matière grise. » a jugé M.Hu, appelant par la même occasion le gouvernement à investir davantage dans la formation de travailleurs et professionnels qualifiés.

Il existe à l'heure actuelle des problèmes structurels inhérents aux modes de formation professionnelle en Chine, a fait remarquer le professeur. Une multitude d'écoles et de lycées d'enseignement professionnel se chargent principalement de former des travailleurs à des travaux peu qualifiés tels que l'intervention sur les chaînes de montage, sans s'attacher à former de nouveaux talents. De plus, certaines universités ont commencé à dispenser des cours de MBA aux gestionnaires d'entreprises afin de les préparer à des postes supérieurs de gestion.

Bon nombre de centres privés de formation démarchent les entreprises afin que leurs gestionnaires puissent bénéficier de services de formation. Cependant, la plupart des sociétés leur accordent des préparations insuffisantes et celles-ci avides de profits, a reconnu M.Hu.

La création d'un environnement d'emploi équitable pour les citoyens urbains et les travailleurs migrants issus des régions rurales constitue un énorme défi pour le gouvernement, a déclaré Li Zhuobin, membre du Comité permanent de la Conférence consultative et politique du peuple chinois, lors d'un débat à l'occasion d'une réunion, le 2 septembre.

Les mesures qui restreignent l'accès des agriculteurs à l'emploi dans les zones urbaines ont également des répercussions sur le marché de l'emploi, a estimé M.Li. Par exemple, certaines entreprises rechignent à engager des candidats disposant d'un hukou (document d'enregistrement des ménages) rural. Pour couronner le tout, les travailleurs migrants bénéficient d'un salaire inférieur aux travailleurs détenteurs d'un hukou urbain pour un poste similaire ou équivalent. Cet état de fait est encore plus fréquent dans l'industrie du bâtiment où les travailleurs migrants reçoivent une rémunération inférieure et des bénéficies qui correspondent seulement aux deux tiers voire à la moitié de ce qui est accordé aux travailleurs urbains.

Dernier souci de taille, la plupart des travailleurs migrants sont généralement victimes de retard de paiements.