« Je n'ai pas rejoint le camp d'Hollywood », a déclaré Wong |
La scène a été coupée lors du montage final. L'an dernier, lorsqu'un autre projet de Wong (Woman from Shanghai, avec Nicole Kidman) a été remis à plus tard, il a décidé de faire un film court dans l'intervalle. La trame de Blueberry Nights lui est venue et il en a fait un film itinérant en partie car tourner ce film intégralement à New-York aurait été trop cher. Par conséquent, Jones, chanteuse auréolée d'un Grammy, s'est embarquée dans un voyage romantique mais mélancolique. « Où qu'elle aille, son cœur persiste à New York », a ainsi expliqué Wong quant à la nature de son personnage. « Elle a besoin de prendre un certain recul pour découvrir si elle a envie d'y retourner. » Ce voyage, a précisé Wong, est celui de la découverte de soi. Il a cité en exemple l'histoire du cinéaste australien Christopher Doyle. « Quand il était petit garçon, il se demandait toujours de quoi le monde aurait l'air vu de la mer. C'est pourquoi, il est devenu marin. Quand il est revenu des années plus tard, il a expliqué qu'il se sentait comme un invité et qu'il se sentait chez lui n'importe où », a dit Wong. « Comme vous pouvez le comprendre, ce que j'espère que les spectateurs retiendront, c'est une idée de leur véritable ‘moi'. » L'expérience de travailler avec une équipe anglophone relevait plus du divertissement que du défi, a dit Wong. « La différence culturelle est inévitable mais je ne crois pas que ce soit un problème. Les sentiments humains sont universels ; aussi, quand nous divergions d'opinion, j'invitais chacun à exprimer son idée. » La scène du baiser qui a fait grand bruit en est une preuve. Le café-restaurant est sur le point de fermer, et Jones, la dernière cliente, est effondrée sur le comptoir, les yeux fermés. Law aperçoit de la crème sur les commissures de ses lèvres. Il songe à la manière de l'essuyer, à l'aide de sa main ou de ses lèvres. Dans le segment qu'on a coupé de In the Mood for Love, Tony Leung caressait la figure de Maggie Cheung du doigt avant d'y joindre ses lèvres. Wong savait très bien ce qu'un garçon asiatique ferait mais il a cherché l'avis de tierces personnes, par rapport à ce qu'un Occidental ferait. Les membres de son équipe ont voté pour un baiser en toute simplicité, mais la femme voulait qu'il l'étreigne tout d'abord de la main. Finalement il a été convenu que le personnage de Jude Law contemplerait Jones d'abord, avant de lui voler un baiser. Lors du tournage, William Chang, collaborateur de longue date de Wong et cette fois directeur artistique du film, s'agitait sans cesse autour de Jones, réarrangeant ses cheveux et lui rappliquant de la crème sur les lèvres. La scène, qui dure moins d'une minute, a été tournée à différentes vitesses de prises et sous divers angles: grand angle, son point de vue à lui, puis à elle, à travers la fenêtre, avec des objets en arrière-plan. Wong ainsi que son directeur de la photographie Darius Khondji, qui remplaçait Doyle dans ce projet, l'ont conçue en quinze prises. « Je n'ai jamais travaillé avec quelqu'un qui insiste autant sur un seul moment », a confié Law au New York Times. « Sa capacité à immortaliser un moment, le repasser pour enfin le découper est tout bonnement extraordinaire. » |