Le traitement du SIDA en Chine doit prendre de nouvelles formes |
Frédéric Lepape Au lendemain de la clôture de la Journée mondiale de lutte contre le sida et malgré les nombreuses campagnes d'information des autorités sanitaires chinoise, le nombre de séropositifs en Chine a légèrement augmenté cette année, 22 857 nouveaux séropositifs ayant été enregistrés au premier semestre.
Malgré ce bilan qui pourrait sembler plutôt maussade, il convient néanmoins de rappeler les progrès effectués en raison de la récente prise de conscience des pouvoirs publics de la gravité de la situation. La nomination de Margaret Chan à la tête de l'OMS a également certainement dû permettre d'améliorer la concertation des politiques de lutte contre le sida des autorités chinoises avec l'organisation des Nations Unies dédiée à la santé. Ce combat récent qui visait traditionnellement les populations à risque (migrants, prostituées, population homosexuelle, utilisateurs de drogues par intraveineuse) s'est désormais étendu à l'ensemble de la population, avec une attention particulière portée pour les mères séropositives et leurs enfants. C'est à grand renfort d'affiches de prévention dans les rues des grandes métropoles et de spots télévisés, ou par le biais de la participation de vedettes de sport nationales telles que Yao Ming (à une campagne concertée de sensibilisation au SIDA avec la ligue américaine professionnelle de basket-ball), que la population a pu prendre conscience au fil des années de l'importance et du risque de cette maladie, nouveau fléau du millénaire, qui n'épargne aucune couche de la population et représente un socio-politique majeur pour l'ensemble de l'humanité. Alors que l'accès aux moyens de contraception est très développé en raison de la politique de l'enfant unique et que la sensibilisation à l'utilisation des préservatifs a obtenu de francs succès, un nouvel obstacle pourrait apparaître dans la lutte contre le syndrome d'immuno déficience acquise. Les chercheurs et spécialistes du domaine ont commencé à alerter les autorités quant aux défaillances de la prise en charge des personnes séropositives, et plus particulièrement quant à l'augmentation de la résistance aux antirétroviraux.
Une étude générale a été effectuée dans les provinces du centre de la Chine dont les résultats ont été communiqués le 22 novembre dernier. Menée par le docteur Chen Zhiwei, directeur de l'Institut d'étude du SIDA de l'Université de Hongkong, celle-ci a permis de mettre à jour qu'un grand nombre de patients séropositifs bénéficiant d'un traitement gratuit à base d'antirétroviraux ont développé une résistance à cette thérapie. Ce traitement qui permet de réduire la réplication du virus dans l'organisme représente jusqu'à présent la seule manière de combattre l'extension du virus chez les personnes séropositives. L'étude menée par l'institut sur une période de deux ans, qui devra de nouveau être soumise à une procédure de validation, révèle que près de 300 patients des hôpitaux ont pu développer une résistance à la médication qui leur avait été prescrite. Cette enquête a également permis de faire apparaître que des souches spécifiques de résistance ont été transmises. Cette évaluation a été corroborée par la récente publication du Centre chinois de contrôle et prévention des maladies qui abonde dans le sens du docteur Chen Zhiwei. C'est ainsi que le Journal chinois de santé publique, dans son édition de juillet, a mis en relief que 48,2 % des patients séropositifs du Henan suivant un traitement à base d'anti-rétroviraux ont développé une résistance à la Zidovudine, la Didanosine et à la Nevirapine. La Chine ne propose ce type de traitement aux personnes atteintes du SIDA que depuis trois ans à près de 30 000 séropositifs et certaines lacunes restent à combler quant à l'utilisation et à la posologie de ces médicaments. Il convient néanmoins de rappeler que cette utilisation reste limitée en raison des restrictions des droits de propriété intellectuelle utilisés par les plus grandes firmes pharmaceutiques. L'efficacité de ce traitement peut être également influencée par de nombreux facteurs : l'éloignement des patients par rapport à leur centre de soins, garant de l'accès à ces thérapies, la gravité des effets secondaires (neuropathies, anémie, insuffisance rénale, vertiges, hépatites, problèmes de fonctionnement du pancréas) peuvent inciter les malades à délaisser ou réduire leur posologie. Il semble désormais impératif d'encourager une politique de production d'anti rétroviraux à des coûts accessibles, telles qu'elle a été lancée au Brésil, au grand dam des grands laboratoires ayant perdu le bras de fer pour la production de ces médicaments génériques. Un autre point fondamental est la formation des médecins à l'utilisation de ces médicaments et la sensibilisation des patients aux risques encourus en cas de mauvaise utilisation de cette thérapie, comme la généralisation de la maladie dans leur organisme. L'ouverture la semaine dernière du Centre d'études du SIDA de l'Université de Tsinghua indique que de grands pas sont effectués dans ce sens, à l'image de la déclaration de son directeur, Zhang Linqi, qui a rappelé lors d'une conférence de presse qu'en l'absence de possibilités d'utilisation d'anti-rétroviraux génériques, l'accent devrait être mis sur la formation des acteurs de santé et des citoyens.
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