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Le 50e anniversaire de la réforme démocratique au Tibet>>> Exclusifs
Publié le 23/03/2009
Ténèbres sous le soleil

Luo Hongbing, Li Yongjing

L'impression la plus profonde que le Tibet laisse aux voyageurs est la vive atmosphère religieuse qui y règne. Au pied du Potala majestueux, à Lhassa, on peut voir des bouddhistes tibétains venus de très loin en effectuant de longues prostrations, des vieillards tenant à la main un moulin à prière, des bonzes au kasaya bourgogne ou ocre. Au Tibet, on voit des bannières religieuses suspendues au-dessus de chaque maison et de nombreux fidèles brûlant de l'encens dans les monastères.

Le bouddhisme, fondé en Inde par Sakyamuni, a fait son entrée en Chine il y a environ 2 000 ans. À cette époque, on ne trouvait que le bön au Tibet, une sorte de « religion naturelle » primitive appelée aussi « fétichisme », parce que le Tibet était isolé des autres régions par de hautes montagnes, bien que voisin de l'Inde. Plus tard, Songtsan Gambo, personnage héroïque d'ethnie tibétaine, a unifié toutes les tribus du Tibet et fondé le royaume de Tubo. Il a épousé la princesse Wencheng de la dynastie des Tang. C'est la princesse Wencheng, elle-même bouddhiste, qui a amené au Tibet la statue de Sakyamuni qui avait été offerte à l'empereur des Tang par l'empereur de l'Inde, en guise de trousseau, ainsi qu'un grand nombre de soutras.

Une fois au Tibet, la princesse Wencheng a fait construire le célèbre monastère de Ramoche à Lhassa et c'est ainsi que le bouddhisme a commencé à se répandre dans le royaume de Tubo. Il faut signaler qu'à cette époque, au Tubo prévalait une société esclavagiste, tandis que la dynastie des Tang était un régime féodal relativement développé. Bien que certains dirigeants du Tubo se soient opposés au bouddhisme, ce dernier a fini par s'implanter.

Basang Wangdu, directeur de l'Institut de recherches sur les nationalités relevant de l'Académie des sciences sociales du Tibet, indique : « Avec la diffusion du bouddhisme, les moines ont obtenu d'importants droits politiques et bénéficié de privilèges économiques. Au début du IXe siècle, des moines ont commencé à assumer des fonctions de ministres et ce fut l'époque embryonnaire de l'union du pouvoir laïque et du pouvoir religieux au Tibet ».

Du Xe au XIIIe siècle, le bouddhisme s'est divisé en plusieurs lignées qui se sont associées avec les forces séparatistes féodales de diverses régions du Tubo. La lignée Sagya, la plus puissante, a aidé les aristocrates mongols, dans le nord de la Chine, à unifier la Chine, y compris le Tibet qui s'est soumis officiellement à la dynastie des Yuan et s'est incorporé au territoire chinois. Ensuite, le bouddhisme au Tibet a connu un développement différent. Pourtant, la lignée la plus puissante acceptait toujours la nomination du gouvernement central des dynasties successives de la Chine et pratiquait la domination caractérisée par l'union des pouvoirs laïque et religieux du Tibet. Au XVIIe siècle, c'est de l'empereur de la dynastie des Qing à Beijing où il s'était présenté que le Ve dalaï-lama a obtenu le titre officiel de dalaï-lama. Puis, en tant que chef politique et religieux du Tibet, il a mis en valeur l'union du pouvoir laïque et du pouvoir religieux dans tous les domaines. Le servage féodal a ainsi atteint son apogée au Tibet et s'est maintenu jusqu'à la libération pacifique. C'est à partir de la fin de 1960 que, sous la direction de la Parti communiste chinois, le Tibet a accompli en deux ans la réforme démocratique ayant but de libérer le million de serfs et de leur offrir des terres.

Basang Wangdu, aussi tibétologue versé dans l'histoire de sa propre ethnie, fait savoir que, à l'ère des ténèbres, le servage féodal ne le cédait en rien à l'Europe du Moyen-Âge sous la domination du catholicisme de Rome. Sous le servage féodal, il y avait au Tibet deux classes opposées : les propriétaires de serfs, classe composée des dignitaires du gouvernement local, des aristocrates et des chefs de monastères ; ils représentaient moins de 5 % de la population mais possédaient toutes les terres du Tibet et la plupart des moyens de production comme bétail et pâturages et avaient même les paysans et pasteurs comme propriété privée ; l'autre classe était composée des serfs, 95 % de la population du Tibet, sans liberté individuelle, qui ne possédaient ni terre ni bétail, devaient assumer des travaux durs et de lourdes corvées et se débattaient au seuil de la pauvreté, de la faim et de la mort.

Dans son livre intitulé The Demise of the Lamaist State, Melvyn C. Goldstein, anthropologue étatsunien, a ainsi décrit les manoirs et serfs du Tibet de 1913 à 1951: « Les manoirs sont des fiefs héréditaires qui, comme les manoirs féodaux de l'Europe du Moyen-Âge, sont composés de terres arables et de serfs, une sorte de main-d'œuvre ‘entravée' ayant l'obligation de cultiver les champs. Le devoir essentiel des serfs consiste à effectuer tous les travaux agricoles pendant le temps désigné par les seigneurs et sans rémunération. Généralement, ils ne peuvent même pas prendre de repas pendant leur travail au bénéfice des seigneurs. Certains serfs, dès leur enfance, sont voués à des corvées gratuites et au service militaire, ou désignés pour devenir bonzes ou bonzesses, ou esclaves familiaux de seigneurs, pendant toute leur vie. »

Tao Changsong, directeur adjoint de l'Institut de recherche sur le Tibet moderne relevant de l'Académie des sciences sociales du Tibet, a longtemps étudié le système légal de l'ancien Tibet. Il indique : « De nombreuses lois dans l'histoire du Tibet séparaient les Tibétains en trois catégories et neuf niveaux. Si on tue une personne de classe supérieure, l'indemnité est l'équivalent en or du poids du cadavre ; si la victime est une personne de classe inférieure, l'indemnité est un brin d'herbe. Les prisons sont innombrables, et même les manoirs et monastères ont le droit d'emprisonner des gens. »

Le Potala de Lhassa est un témoin. A son pied, il y avait une prison appelée « grotte des scorpions ». Par son unique orifice, les inculpés du Potala étaient jetés aux scorpions ; au dessus de cette prison, au Potala, les lampes au beurre de yack ne s'éteignaient jamais et on déposait des offrandes devant les stoupas des Ve au XIIIe dalaï-lamas. Rien que pour le stoupa du Ve dalaï-lama, on a consommé 3 700 kg d'or et 10 000 pierres précieuses et pièces de jade.

Selon l'analyse de Tao Changsong, dans le passé, ce que les gouvernements des dynasties successives apportaient comme soutien au servage féodal du Tibet caractérisé par l'union des pouvoirs laïque et religieux avait pour seul but de profiter du bouddhisme tibétain pour que les gens se contentent de ce qu'ils avaient et cherchent le bonheur de la vie future, et pour mener une administration efficace au Tibet. Il y a un demi-siècle, le gouvernement du Kuomintang d'alors avait l'intention de mener une réforme économique et religieuse au Tibet, mais il n'a fait rien à cause des guerres de seigneurs et de l'invasion étrangère.

Après la fondation de la République populaire de Chine en octobre 1949, le représentant plénipotentiaire du gouvernement local du Tibet, envoyé par le XIVe dalaÏ-lama, et celui du gouvernement central ont signé le 23 mai 1951 à Beijing l'Accord en 17 articles concernant la libération pacifique du Tibet. En septembre de la même année, des troupes de l'Armée populaire de Chine sous la direction du Parti communiste chinois sont entrés à Lhassa. Selon l'Accord en 17 articles, le gouvernement de la Chine nouvelle n'a pas entrepris tout de suite les diverses réformes sociales au Tibet et a maintenu un certain temps le système politique de l'ancien Tibet, soit le servage féodal.

 

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