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Publié le 05/12/2008
Rencontrer le dalaï-lama sert-il de monnaie d'échange ?

Quelques jours avant la tenue du 11e Sommet Chine-UE, prévu pour le début du mois décembre en France, le président français Nicolas Sarkozy, qui assume actuellement la présidence tournante de l'UE, a déclaré qu'il allait rencontrer le dalaï-lama après le sommet. En réponse, la Chine a annoncé qu'elle reporte le Sommet Chine-UE. Cette position intransigeante de la Chine a attiré une forte attention des médias internationaux. Pourquoi la Chine exprime-t-elle son mécontentement avec une méthode inhabituelle ? Est-ce parce que le gouvernement français a porté atteinte au facteur décisif de ses intérêts nationaux ? A propos de ces questions, Yan Xuetong, directeur de l'Institut d'études internationales de l'Université de Tsinghua, a accordé une interview au journaliste Yan Wei de Beijing Information.

Beijing Information : En raison de l'annonce du président français Nicolas Sarkozy de rencontrer le dalaï-lama, le gouvernement chinois a décidé de reporter le 11e Sommet Chine-UE. Sur quelles considérations estimez-vous que la Chine a pris une telle décision ?

Yan Xuetong : La question du Tibet concerne la souveraineté et l'intégrité territoriale de la Chine et pèsent sur le cœur des intérêts nationaux. Depuis l'entrée en fonction de Ma Ying-jeou à Taiwan en mai, les relations entre les deux rives du détroit de Taiwan se sont améliorées. La question de Taiwan a été marginalisée et n'est plus un outil efficace pour les pays occidentaux pour contenir la Chine. Dans ce contexte, certains pays occidentaux ont eu recours à la question du Tibet. Rencontrer le dalaï-lama devient donc le moyen le plus direct à utiliser pour contenir la Chine sous prétexte de la question du Tibet. La France n'est pas seule. La chancelière d'Allemagne Angela Merkel a également fait de même. Je pense que certains autres dirigeants occidentaux suivront leur exemple.

La décision de la Chine a eu des répercussions fortes en Europe, pourquoi ?

En fait, il y a deux réactions différentes en Europe. La réaction de l'UE diffère de celle de la France. L'UE a exprimé son « regret » pour le report du Sommet Chine-UE. Cependant, la France, quant à elle, a dit que le président ne reviendrait pas sur sa décision. La réponse de l'UE représente l'ensemble de ses Etats membres. Elle est plutôt modérée, car d'autres pays européens ne partagent pas la même position que la France.

Plusieurs raisons expliquent la vive réaction de la France. Tout d'abord, la couverture sur les émeutes du 14 mars dernier à Lhassa faite par des médias français donne une impression à l'opinion publique française que le dalaï-lama poursuit une cause juste. En France, cette perception est plus forte que dans d'autres pays européens. Deuxièmement, la Chine a décidé de reporter le Sommet Chine-UE. Il s'agit de représailles contre la France, et non pas envers l'Union européenne. La Chine ne refuse pas de s'associer avec les dirigeants de l'UE. De plus, pour M. Sarkozy, la présidence tournante de l'UE se termine le 31 décembre.

Troisièmement, un point de vue généralement répandu dans la société française est qu'en dépit du soutien politique de la Chine par la France, celle-ci n'a bénéficié d'aucune faveur de la Chine en termes de coopération commerciale. Au cours de la visite de Sarkozy en Chine en novembre 2007, les deux pays ont signé des accords économiques et commerciaux pour un montant total de 20 milliards d'euros. Or, les Français estiment que de nombreux autres pays européens sont également bénéficiaires de ces contrats. Par exemple, selon eux, les avions Airbus sont le fruit de la coopération entre la France et d'autres pays européens. A leurs yeux, d'autres pays ont tiré parti des efforts français. Les Français accordent davantage de valeur au commerce bilatéral entre la Chine et la France. A l'heure actuelle, le volume des échanges bilatéraux entre la Chine et la France est moins important que celui entre la Chine et l'Allemagne. Les Français se sentent donc mal à l'aise, estimant que la Chine ne leur a pas accordé de traitement équitable.

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