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De survivant de guerre à témoin de paix |
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ALOBAIDI AMEEN* · 2025-08-28 · Source: La Chine au présent | |
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De l’ombre des bombes à la lumière de l’espoir : le parcours d’un Irakien qui trouve en Chine plus qu’un refuge.
Alobaidi Ameen et des écoliers irakiens en avril 2024
Chaque fois que l’on m’interroge sur mon enfance, ce ne sont ni les jouets ni les rires d’une vie ordinaire qui me viennent à l’esprit, mais un souhait presque luxueux : celui de voir le soleil du lendemain.
Ce désir trouve son origine à Bagdad, en 2003. La guerre planait alors comme une nuée menaçante au-dessus de ma ville natale. À quatre ans, je ne comprenais pas encore sa cruauté, mais la percevais déjà par tous mes sens : sifflements stridents, obscurités soudaines et coupures d’eau et d’électricité. La vie avait été brutalement mise en pause. Dans les yeux effrayés de mes parents, j’ai saisi une vérité terrible : nous ne vivions plus, nous survivions.
Pour nous sauver, mon père a emmené toute la famille en Syrie voisine. Nous espérions y trouver la paix, mais la guerre civile, dès 2010, a une nouvelle fois brisé nos rêves. Cette fois, à dix ans, je pouvais distinguer clairement les tirs des armes et comprendre plus profondément ce qu’était la guerre : un exil sans fin. Dans un ultime élan de désespoir, mon père a pris une décision qui allait changer mon destin : partir pour la Chine.
Première expérience de paix
Dès mon arrivée en Chine, l’anxiété a rapidement cédé la place à une sensation inédite : un sentiment profond de « sécurité ». Pour ceux qui ont toujours grandi dans un pays en paix, cela peut sembler aussi naturel que respirer, pour moi, c’était une révélation bouleversante. Pour la première fois, je pouvais me promener sans crainte dans les rues la nuit, et contempler les lumières de la ville sans interruption. En Chine, j’ai compris que la paix n’était pas une idée abstraite, mais une réalité tangible : un petit-déjeuner fumant au coin de la rue, un bus qui arrive à l’heure, des airs de musique s’échappant des parcs... autant de moments du quotidien, simples et pourtant infiniment précieux.
De 2011 à 2022, j’ai fait mes études sur les campus chinois. Avec l’encouragement de mes amis chinois, j’ai surmonté les barrières linguistiques. Ces années m’ont non seulement permis de maîtriser couramment la langue, mais aussi de comprendre que si la Chine chérit autant la paix, c’est parce qu’elle a traversé un siècle de souffrances. J’ai progressivement réalisé que ce sentiment de « sécurité » reposait sur une gouvernance nationale puissante, un fonctionnement social efficace et un consensus culturel tourné vers l’harmonie.
Alobaidi Ameen découvre le développement du Yunnan. (PHOTOS FOURNIES PAR ALOBAIDI AMEEN)
La signature de la Déclaration de Beijing
Mes années en Chine m’ont amené à trouver ma voie professionnelle. Diplôme en poche, j’ai rejoint la China Arab TV comme journaliste, avec l’envie de raconter une Chine authentique au monde arabophone.
En juillet 2024, une mission exceptionnelle m’a été confiée : couvrir la réunion à Beijing de quatorze factions politiques palestiniennes pour un dialogue de réconciliation interne. En tant que seul journaliste arabophone présent, j’ai eu la chance d’assister à la signature de la Déclaration de Beijing sur la fin de la division et le renforcement de l’unité nationale palestinienne (ci-après la Déclaration de Beijing).
L’atmosphère, à la fois tendue et solennelle, était chargée d’espoir. Derrière ces représentants se cachaient des terres déchirées et des années de conflits. Pourtant, dans cette salle de conférence pékinoise, j’ai vu de la retenue, de l’écoute et des efforts pour trouver un terrain d’entente. Le rôle de la Chine en tant que médiateur m’a profondément marqué. Les représentants chinois ont fait preuve d’un calme remarquable, d’une patience inébranlable et d’une impartialité absolue, créant avec finesse les conditions d’une communication apaisée. J’y ai reconnu une forme de sagesse orientale, distincte de la politique de puissance : tendre un rameau d’olivier plutôt que de brandir un bâton, promouvoir la réconciliation plutôt que des gains personnels.
Lorsque la Déclaration de Beijing a été signée et que les représentants se sont serré la main, mon objectif a capté bien plus qu’une scène diplomatique historique : il a saisi l’essence fragile mais résiliente de la paix. J’ai compris, viscéralement, que la paix n’a jamais été acquise d’elle-même ; elle exige un courage politique immense, des négociations acharnées et le dévouement absolu des médiateurs.
Ma vision chinoise de la paix
Récemment, j’ai vu le film Le studio photo de Nanjing. Lorsque les visages horrifiés des survivants du massacre de Nanjing sont apparus à l’écran, j’ai cru y voir le regard brisé de mes compatriotes, meurtris par la guerre dans les rues de Bagdad. Ces tragédies historiques, sur des terres différentes, racontent dans des langues différentes les mêmes affres humaines. À cet instant, plus que jamais, j’ai compris que la paix est difficile à obtenir : elle est une leçon écrite avec le sang et les larmes d’innombrables familles déchirées et vies sacrifiées.
Cette résonance qui traverse le temps et l’espace est au cœur de mon engagement journalistique. Depuis trois ans, en présentant la modernisation à la chinoise au monde arabophone, je ne me contente pas de relater des faits, mais j’essaie d’expliquer comment un peuple ayant tant souffert a intégré la sacralisation de la paix dans sa trajectoire de développement.
Je me dis souvent : « Nous avons la chance de vivre dans un pays en paix, mais pas dans un monde en paix. » Ma responsabilité est de transmettre la paix chinoise dont j’ai été le témoin, ainsi que la sagesse et la bienveillance qui l’ont façonnée. L’enfant de Bagdad qui ne rêvait que de voir le soleil du lendemain œuvre aujourd’hui, sans relâche, pour que davantage d’enfants dans le monde n’aient plus jamais à formuler un vœu aussi tragiquement modeste.
*ALOBAIDI AMEEN est journaliste irakien de China Arab TV.
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24 Baiwanzhuang, 100037 Beijing République populaire de Chine
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