Devant le domaine Filoli à San Francisco, des Chinois d’outre-mer saluent l’arrivée du président Xi Jinping, le 15 novembre 2023. 

La participation du président chinois Xi Jinping à la 30e réunion des dirigeants économiques de la Coopération économique Asie-Pacifique (APEC) à San Francisco et sa rencontre en face-à-face avec le président américain Joe Biden ont retenu l’attention du monde entier. Il s’agit de la première visite du président Xi aux États-Unis depuis 2017, à l’invitation du président Biden, et d’une étape positive pour injecter une nouvelle dynamique dans la relation complexe entre les deux pays. Au cours de cette réunion, les deux parties sont parvenues à un large consensus sur de nombreuses questions et ont souligné l’importance du maintien de relations stables pour les deux pays et pour le monde entier.

La rencontre entre MM. Xi et Biden

Le voyage de M. Xi à San Francisco et sa rencontre en face-à-face avec M. Biden revêtent une importance particulière dans un contexte où les relations entre les États-Unis et la Chine, les deux plus grandes économies mondiales, ont connu une période de tensions ces dernières années en raison du sentiment anti-chinois croissant depuis la présidence de M. Trump. Depuis son entrée en fonction en 2021, M. Biden n’avait pas fait grand-chose pour empêcher la dégradation des relations sino-américaines. En fait, l’administration Biden avait poursuivi ses activités anti-Chine et ses sanctions contre les entités chinoises.

Les relations sino-américaines ont cependant récemment connu un développement sain avec des échanges francs et constructifs entre les hauts responsables et d’autres mécanismes de communication fluides, jetant ainsi une base solide pour le succès du sommet des dirigeants au domaine Filoli, au sud de San Francisco, le 15 novembre. La rencontre entre MM. Xi et Biden facilite indubitablement l’instauration d’une relation constructive et productive entre les deux pays. Il s’agissait des premiers entretiens en face-à-face entre les deux dirigeants depuis leur rencontre en marge du sommet du G20 sur l’île indonésienne de Bali le 14 novembre dernier.

De toute évidence, alors que des questions épineuses persistent, notamment dans le domaine de la sécurité bilatérale, des technologies et avec les interdictions ou restrictions commerciales, la deuxième rencontre diplomatique en un an entre les deux dirigeants mondiaux aux approches très différentes est crucial pour fixer le cap des relations sino-américaines dans la nouvelle ère, pour établir un nouveau point de départ afin de faire progresser les relations bilatérales les plus importantes du monde d’une manière saine et stable, et pour promouvoir la paix, la stabilité et la prospérité dans la région Asie-Pacifique et dans le monde en général.

Le sommet s’est tenu à un moment critique pour discuter du conflit russo-ukrainien qui dure depuis 21 mois et du conflit en cours entre Israël et le Hamas. Au cours de la réunion, les deux présidents ont échangé des points de vue sur les relations bilatérales, l’économie, le commerce, le changement climatique, l’IA et les questions régionales majeures concernant la paix et le développement dans le monde. Les deux chefs d’État ont formulé des principes directeurs sur les questions les plus importantes entre les deux parties, telles que le développement d’une bonne compréhension mutuelle, la gestion correcte des différends et le renforcement du dialogue et de la coopération.

Les résultats de cette réunion ont été résumés dans les mots du président Xi : « La Chine reste déterminée à entretenir des relations stables, saines et durables avec les États-Unis. Dans le même temps, la Chine a des intérêts à sauvegarder, des principes à respecter et des lignes rouges à ne pas franchir », exprimant ainsi l’espoir que les deux pays puissent être des partenaires qui se respectent et coexistent en paix. Soulignant la responsabilité conjointe des deux grandes puissances à l’égard des deux peuples, du monde et de l’histoire, M. Xi a déclaré à son homologue que « le monde est suffisamment grand pour accueillir les deux pays, et le succès de l’un est une opportunité pour l’autre ».

Même si ce sommet de plus de quatre heures n’a fait l’objet d’aucun grand titre ni d’accord, les deux présidents ont tenté de guider les relations des deux pays sur une voie de développement stable. Et c’est très important pour ne pas envenimer les tensions sino-américaines.

« J’apprécie la conversation que j’ai eue aujourd’hui avec le président Xi parce que je pense qu’il est primordial que nous nous comprenions clairement, de leader à leader. Il existe des défis mondiaux critiques qui exigent notre leadership commun. Et aujourd’hui, nous avons fait de réels progrès », a déclaré M. Biden sur le site de réseau social X, décrivant la réunion comme « l’une des plus productives ».

Il convient de noter que les deux présidents sont parvenus à un accord sur le renforcement de la coopération en matière d’IA et la reprise des communications de haut niveau entre les deux armées, qui avaient été interrompues après la visite de la présidente de la Chambre des représentants de l’époque, Nancy Pelosi, dans la région chinoise de Taiwan en août 2022. Pour que les relations entre la Chine et les États-Unis prennent de nouveau une voie de développement stable, l’administration de M. Biden doit d’abord cesser de s’ingérer dans les affaires intérieures de la Chine. D’un côté, le gouvernement américain affirme respecter la politique d’une seule Chine concernant Taiwan, tandis que de l’autre, il continue à vendre des armes à Taiwan, et entretient des contacts officiels ouverts et secrets avec les séparatistes prônant l’« indépendance de Taiwan », ce qui a des conséquences négatives sur les perspectives de paix entre les deux rives ainsi que les relations sino-américaines. « La partie américaine doit prendre des mesures concrètes pour honorer son engagement de ne pas soutenir l’“indépendance de Taiwan”, de cesser d’armer Taiwan et de soutenir la réunification pacifique de la Chine. La Chine réalisera la réunification, c’est inéluctable », a dit le dirigeant chinois, rappelant en termes clairs à son homologue américain son obligation d’adhérer au principe d’une seule Chine.

Dans l’ensemble, le sommet Xi-Biden est un succès car les deux parties ont créé une atmosphère constructive pour un plus grand développement des relations bilatérales au cours des prochaines années. Le ministre chinois des Affaires étrangères Wang Yi a noté que le sommet Xi-Biden s’était « bien » déroulé et dans une atmosphère de « respect mutuel ».

Les affaires internationales doivent être harmonieuses tout en reconnaissant la diversité. Il ne fait aucun doute qu’un conflit entre les deux plus grandes puissances militaires du monde, sur fond d’intenses turbulences mondiales, serait désastreux non seulement pour la Chine et les États-Unis, mais aussi pour le monde entier. « Pour la Chine et les États-Unis, se tourner le dos n’est pas une option. Il n’est pas réaliste qu’un côté puisse remodeler l’autre. Et les conflits et les affrontements ont des conséquences intolérables pour les deux parties », a dit le président Xi lors du sommet. Au lieu de considérer la Chine comme un concurrent ou un rival systémique, l’administration de M. Biden doit établir des liens amicaux solides avec la Chine, ce que le dirigeant chinois a qualifié de « respect mutuel, de coexistence pacifique et de coopération gagnant-gagnant ». Il est certain que le développement des relations sino-américaines revêt une grande importance pour la région Asie-Pacifique et pour le monde dans son ensemble. Les relations sino-américaines ne peuvent être qu’amicales.

La solidarité pour une communauté de destin Asie-Pacifique

Sous le thème « Créer un avenir résilient et durable pour tous », la réunion de l’APEC de cette année a vu 21 dirigeants des économies de l’APEC représentant plus de 60 % du PIB mondial se réunir du 11 au 17 novembre pour défendre la mondialisation et le multilatéralisme tout en s’engageant dans des négociations pour trouver des solutions aux défis mondiaux.

En tant qu’hôte du sommet de l’APEC de cette année, les États-Unis se sont concentrés sur trois priorités politiques pour garantir une région Asie-Pacifique « interconnectée, innovante et inclusive ». Il convient de noter que le 11 février de l’année dernière, le président Biden avait annoncé une nouvelle stratégie Indo-Pacifique dans le contexte des conflits géopolitiques dans cette région. L’objectif principal de cette stratégie est de freiner l’influence économique et militaire de la Chine dans la région, révélant l’hostilité de son administration à l’égard de la Chine ces dernières années. En marge des réunions de l’APEC, M. Biden a également tenu une réunion sur le Cadre économique Indo-Pacifique (IPEF), lancé en mai de l’année dernière pour proposer des alternatives économiques à l’empreinte géostratégique de la Chine dans cette région. Mais l’administration de M. Biden ne doit pas oublier que les efforts visant à freiner la montée en puissance de la Chine finiront par se retourner contre eux.

Lors de la réunion des dirigeants économiques de l’APEC de cette année, le président Xi a réitéré l’engagement de la Chine à promouvoir l’ouverture, l’inclusion et la prospérité commune dans la région Asie-Pacifique et dans le monde. « J’ai dit à plusieurs reprises que le véritable développement est le développement pour tous. Nous devons mettre pleinement en œuvre le Programme de développement durable à l’horizon 2030 des Nations unies et remettre le développement à l’ordre du jour international en tant que priorité centrale. Nous devons développer une plus grande synergie dans nos stratégies de développement et travailler ensemble pour résoudre le déficit de développement mondial », a déclaré M. Xi. « La Chine continuera à soutenir l’APEC dans sa coopération économique et technique, et à travailler avec les autres économies membres pour faire grossir le “gâteau” du développement de l’Asie-Pacifique. »

Au cours des 32 dernières années, depuis son adhésion à l’APEC en 1991, la Chine a contribué de manière active, responsable et efficace à tous les domaines de coopération au sein de l’APEC. La Chine a été parmi les membres les plus actifs de l’APEC dans la promotion d’initiatives et de projets de collaboration, comme en témoignent le chemin de fer à grande vitesse Jakarta-Bandung, le chemin de fer Chine-Laos et le barrage Sirindhorn en Thaïlande dans le cadre de l’initiative « la Ceinture et la Route ». En 2022, le volume des échanges commerciaux de la Chine avec les autres membres de l’APEC avait atteint 3 740 milliards de dollars, ce qui représentait 59,7 % du commerce extérieur total de la Chine. On peut s’attendre à ce que la Chine et les États-Unis, en tant que poids lourds de l’économie mondiale, renforcent le mécanisme de l’APEC en mettant de côté leurs intérêts géopolitiques.  

RABI SANKAR BOSU est un analyste et commentateur indien.