À l’heure actuelle, la concurrence entre la Chine et les États-Unis est l’un des principaux enjeux stratégiques internationaux, et cette concurrence s’intensifie. Nous pouvons voir que l’opposition de l’administration Trump à l’égard de la Chine est en fait une extension des affaires intérieures américaines, qu’elle a été également soutenue par les démocrates à l’époque, et que la politique climatique, moyen-orientale et européenne des États-Unis n’a pas seulement été dirigée contre la Chine. La politique américaine vis-à-vis de la Chine s’est poursuivie dans une certaine mesure de l’ère Trump à l’ère Biden à deux niveaux.
Premièrement, les États-Unis ne veulent pas renoncer à leur première place mondiale. Nous devons rechercher la vérité dans les faits, car les faits sont la base de tout. En 2001, le PIB de la Chine équivalait à 10 % du PIB américain, et en 2019, le PIB chinois avait atteint 65 % du PIB américain, voire même 70 % depuis l’épidémie de COVID-19. La question n’est pas de savoir si la Chine dépassera les États-Unis, mais quand. Il ne fait aucun doute qu’il s’agit d’un défi important pour les États-Unis, habitués à être la première puissance mondiale depuis 1945.
En raison de certaines raisons historiques et de l’idée que les États-Unis voulaient au début construire une « ville sur la montagne », les Américains croient que les valeurs américaines sont des valeurs universelles et ne peuvent accepter d’être dépassés par la Chine. Ils doivent par conséquent former une alliance contre la Chine et une nouvelle OTAN dans la région de l’ASEAN, par exemple, pour unir leurs forces avec des pays comme l’Inde et le Japon.
Nous avons vu que depuis que l’administration Biden est arrivée au pouvoir, elle doit continuer à réparer les relations avec ses alliés, et l’objectif d’une telle alliance est de cibler la Chine. Les États-Unis considèrent la Russie et la Chine comme des opposants à la démocratie, et cette stratégie est comme une prophétie autoréalisatrice. En tant qu’Européen et Français, nous avons des points de vue différents sur le Xinjiang, Hong Kong et d’autres questions, car nous pensons que cela a son importance internationale. Bien sûr, la manière dont la Chine traite cette question fait partie de ses affaires intérieures, et en termes de système politique, nous sommes également différents. Mais nous avons de nombreux intérêts en commun. Nous nous attaquons ensemble au changement climatique. Nous avons des intérêts en commun dans la consolidation de la sécurité internationale, y compris la paix et le développement en Syrie, au Myanmar et en Afrique, car le développement de l’Afrique est conforme aux intérêts européens et de la Chine. La Chine et l’Europe peuvent coopérer dans le développement de l’Afrique. Dans le même temps, les deux parties ont également des intérêts en commun dans la coopération dans la lutte anti-épidémique et la reprise économique post-COVID-19.
Deuxièmement, l’Europe doit insister sur ses propres intérêts au lieu de suivre aveuglément ceux des États-Unis. L’objectif que nous voulons poursuivre n’est pas de dominer le monde ; c’est peut-être l’objectif des États-Unis, mais ce n’est pas celui de l’Europe. L’objectif de l’Europe est la prospérité et la sécurité généralisées de la communauté internationale. Nous devons coopérer avec la Chine sur certaines questions et coopérer avec les États-Unis sur d’autres. Nous ne pouvons pas jouer un rôle consistant à suivre la politique internationale américaine. Les États-Unis doivent accepter qu’un jour ils deviendront la seconde puissance mondiale. Ils n’ont pas à craindre et à s’inquiéter d’une telle perspective, et la Chine a également besoin d’engager le dialogue sur ces questions difficiles.
Les États-Unis doivent également apporter des changements. Ils ne peuvent pas arrêter la dynamique ascendante de la Chine, il faut donc construire un pont entre la Chine et les États-Unis, et c’est le rôle de l’Europe. L’Europe peut jouer un tel rôle.
*PASCAL BONIFACE est directeur de l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS).
