Les producteurs d'arachides sénégalais trouvent leur salut auprès des exportateurs chinois. 

L’arachide du Sénégal fait l’objet de toutes les convoitises.  

Depuis 2014, un accord lie Dakar et Beijing concernant la commercialisation de l'arachide, faisant de la Chine le premier importateur de cacahuètes sénégalaises à l'heure actuelle. La filière compte beaucoup pour les 27 % de la population sénégalaise impliquée. 

C'est à Gibraltar, quartier cossu de Dakar, que l'opérateur chinois Lin Jinxiong et l'un de ses fournisseurs en arachide, El Hadj Niasse, ont choisi de se retrouver pour faire le point sur la campagne de commercialisation arachidière, officiellement clôturée le 16 avril. Cette année, les transactions réalisées entre les deux hommes sont passées du simple au double. Une situation gagnant-gagnant de part et d'autre. Pour cette dernière campagne, 4 000 tonnes d'arachides décortiquées ont été livrées au partenaire chinois contre seulement la moitié l'année précédente. 

El Hadj Niasse est originaire de Taïba Niassène, bourgade située au cœur du bassin arachidier sénégalais, vaste zone longeant le nord de la Gambie et regroupant les régions de Fatick, Kaolack et Kaffrine. Le climat de cette zone plate aux précipitations modérées par rapport au reste du pays est idéal pour la culture de l'arachide. Une culture commerciale cohabitant avec les cultures vivrières (mil, maïs, sorgho, riz, etc.). À Taïba Niassène, une quarantaine de personnes collectent les graines d'arachide au profit des opérateurs chinois en plus de leurs propres productions. À l'origine, le bassin arachidier était situé un peu plus au nord, dans les régions de Thiès, Diourbel et Louga. En raison du changement climatique et de la rareté des pluies, ce bassin tend maintenant à se déplacer au sud de la Gambie, dans la région de Kolda notamment. 

C'est dans ces trois différents bassins que se trouvent la vingtaine de fournisseurs de Lin Jinxiong. Pour la présente campagne, il a doublé la production de 20 000 tonnes de l'année passée avec un total de plus de 40 000 tonnes d'arachides au profit notamment des huileries des provinces chinoises du Shandong, du Liaoning et du Hubei. Selon lui, 95 % de ses exportations sont dédiées aux huileries et le restant à la consommation et la confiserie. Plusieurs autres opérateurs chinois établis au Sénégal se sont lancés dans l'exportation d'arachides vers la Chine comme lui. 

Partenariat commercial 

D'après Moussa Baldé, ministre de l'Agriculture et de l'Équipement rural, le Sénégal a produit 1,8 million de tonnes d'arachides pour la présente campagne agricole. Lors du Conseil des ministres du 21 avril, le Président Macky Sall a salué les résultats notables en matière de collecte et d'exportation de graines d'arachide. Il a chiffré le tonnage des graines collectées, à la fois pour les huileries locales et les exportations à 721 386 tonnes, générant les revenus exceptionnels de 216 milliards de francs CFA, directement injectés dans le monde rural. 

Courant février, M. Baldé soutenait face à la presse que les exportations vers la Chine d'arachides non décortiquées certifiées étaient estimées à 250 000 tonnes. Des chiffres confirmés par le Port autonome de Dakar, principale porte d'entrée maritime du pays. Les exportateurs ont utilisé 116 points de collecte et collecté plus de 400 000 tonnes de graines d'arachide. 

Au Sénégal, 27 % des ménages cultivent l'arachide, soit environ un million de personnes. Pendant très longtemps, le pays était le premier producteur mondial. Une place que le Sénégal a perdue à cause de la sécheresse : le pays est maintenant à la troisième place mondiale. En 2014, pour faire face à la surproduction, il a signé un accord avec la Chine pour que Dakar puisse exporter ses arachides vers Beijing. Et cet accord, qui a pris fin en 2019, a été renouvelé jusqu'en 2024. 

L'arachide constitue une filière essentielle à l'économie sénégalaise. Depuis la signature d'un accord de coopération agricole sino-sénégalaise, la Chine est devenue le premier importateur des produits sénégalais. Selon l'ambassadeur de Chine au Sénégal, Xiao Han, les exportations d'arachides vers la Chine ont considérablement augmenté ces dernières années, atteignant 200 000 tonnes l'année dernière. Pour continuer à encourager les exportations, cette dernière a adopté des politiques préférentielles exclusives. Ce qui reflète, soutient l'ambassadeur, l'importance que la Chine attache aux relations amicales entre les deux pays. « À l'avenir, la Chine approfondira la coopération avec le Sénégal en contribuant au développement de la chaîne de valeurs et de la production mécanisée du pays », souligne-t-il. 

Une taxe contre la concurrence déloyale 

Le Sénégal est un pays à vocation agricole. Ce secteur représente plus de 15 % du PIB et plus de 50 % des opportunités d'emplois. L'État a mis sur pied la Société nationale de commercialisation des oléagineux du Sénégal (Sonacos). Dans ses cinq usines, cette principale huilerie publique du pays emploie 2 000 salariés. À chaque début de campagne, le gouvernement fixe le prix plancher au producteur, valable uniquement pour celle-ci. La campagne qui vient de s'achever a débuté à la fin du mois de novembre dernier et le prix a été défini à 250 francs CFA le kilogramme d'arachide. Dès l'ouverture du marché, les producteurs ont tendance à se tourner vers le plus offrant, qui se trouvent être actuellement les opérateurs économiques chinois : ils proposaient un prix de 350 francs CFA le kilogramme. 

Pour dissuader les exportateurs de tout rafler, une nouvelle taxe a été mise en place, à hauteur de 30 francs CFA par kilogramme de graines d'arachides décortiquées exporté. Celle-ci pourrait rapporter 12 milliards de francs CFA à l'État sénégalais, selon le ministre de l'Agriculture. Du côté des huileries, les actions mises en place par les autorités sont estimées insuffisantes pour sauver l'industrie arachidière face à la pénurie au niveau national. Une des premières étapes serait de réhabiliter les « outils de production vétustes » des usines de la Sonacos, assure son directeur général Modou Diagne Fada. Ce dernier est encore à la recherche de partenaires pour financer les 75 milliards de francs CFA nécessaires à cette réhabilitation. Il est favorable à une meilleure organisation de la filière, où les exportateurs feraient leur entrée sur le marché de la commercialisation une fois le capital de semences sauvé et les huileries locales approvisionnées correctement. 

La Chine est la première productrice et importatrice d'arachides du monde, avec une production annuelle de 17 millions de tonnes et des importations s'élevant à 1,4 million de tonnes. D'après M. Xiao, les importations d'arachides depuis l'Afrique ne représentent que 3 % du total des importations en Chine. Il tient à souligner que les importations de produits agricoles en provenance d'Afrique relèvent d'une part de la coopération bilatérale mutuellement bénéfique, et d'autre part d'une politique préférentielle visant à élargir le marché des produits africains et à octroyer des avantages plus importants aux peuples africains. Compte tenu de divers facteurs, poursuit le diplomate, le gouvernement chinois a autorisé le Soudan, l'Éthiopie et le Sénégal uniquement à exporter leurs arachides vers la Chine, et est actuellement en cours de négociations avec le Nigeria.  

Reportage du Sénégal 

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