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Accord global sur les investissements Chine-UE : le temps des excuses est terminé |
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Kerry Brown · 2021-03-09 · Source: Beijing Information | |
Mots-clés: investissement; Chine; UE |
La Chine est devenue le premier partenaire commercial de l’UE en 2020, prenant la place occupée par les États-Unis jusqu’à l’année dernière. Malgré le COVID-19, le commerce bilatéral a progressé, et la signature de l’Accord global sur les investissements entre l’Union européenne et la Chine (AGI) en décembre 2020 laisse présager un plus grand potentiel de coopération.
Les commentateurs européens et américains ont réservé un accueil mitigé à l’AGI, notamment pour des raisons de calendrier, car il a fait l’objet de sept années de négociations et l’environnement dans lequel elles avaient débuté (le monde d’avant Trump et d’avant le Brexit) a désormais changé. Au cours de cette période, l’UE a connu la crise des réfugiés syriens en 2015, puis les attaques terroristes en France et en Espagne, et enfin la vague de populisme. Le Royaume-Uni a décidé de quitter le bloc après le référendum de juin 2016, un moment extrêmement symbolique. Beaucoup attendaient une dislocation de l’UE et l’élection de Donald Trump n’avait fait qu’exacerber les choses.
En 2021, l’UE semble avoir passé ce cap difficile. Les membres ont examiné les conséquences politiques et économiques au Royaume-Uni et ont décidé que quels que soient les problèmes, il valait mieux faire partie de ce marché unifié que de le quitter. La gestion hasardeuse de la pandémie de COVID-19 par l’UE n’a d’ailleurs pas entraîné de réactions virulentes, et même le fiasco des vaccins de 2021 rend improbable toute sortie de l’UE.
L’AGI, qui doit être ratifié par le Parlement européen, apporte-t-il quelque chose de nouveau pour la Chine et l’UE ?
L’UE est de plus en plus préoccupée par la question de la réciprocité dans ses relations avec la Chine. J’étais diplomate au début des années 2000 en Chine et je me souviens d’un homme d’affaires européen déclarant lors d’une réunion à Beijing que « les Chinois ne sont pas proactifs et ne savent pas bien attirer les investissements étrangers… Ce sont les Européens qui sont de bons investisseurs. Ils sont toujours à la recherche d’opportunités. » Depuis cette période, les investissements européens en Chine sont restés statiques, alors que les investissements chinois dans l’UE ont progressé. En 2016, les IDE de la Chine ont dépassé les flux dans l’autre sens.
Il est clair que l’un des problèmes structurels que l’AGI doit résoudre concernent l’amélioration de l’environnement des affaires des entreprises européennes. Il y a eu des investisseurs prospères comme BASF et Volkswagen, mais ils sont présents depuis longtemps. Il doit y avoir un nouvel itinéraire pour les nouveaux arrivants.
Il est vrai que l’AGI vise à ouvrir des secteurs qui sont des atouts de l’UE – la finance et les services par exemple. Il est également vrai qu’il cherche à créer des règles du jeu équitables en termes de normes du travail, de propriété intellectuelle et de protection juridique, qui sont des priorités de l’UE dans ses relations avec la Chine depuis longtemps. Symboliquement, l’AGI doit être vu comme une avancée.
Les obstacles à la mise en œuvre de l’AGI sont plutôt pratiques et géopolitiques. Sur le plan pratique, comme on le constate avec d’autres accords de libre-échange ou d’autres types de d’accords économiques, accepter de faire quelque chose ne signifie pas que l’on sera alors en mesure de bien le faire. Ces accords créent un cadre propice, mais il faut passer à l’acte. Si l’AGI est ratifié, les entreprises européennes pourront mieux pénétrer le marché chinois. Reste à savoir si elles voudront ou seront capables de le faire. Ce qui les incitera, c’est le potentiel de ce marché. Mais l’AGI ne donne aucune information sur la meilleure façon d’aborder ce marché, comment en comprendre les spécificités et la culture, et comment tirer parti des opportunités. Les Européens ont le plus de terrain à rattraper et bénéficieront le plus des opportunités qu’offre l’AGI s’ils savent les saisir.
Sur le plan géopolitique, les Etats-Unis et la Chine entretiennent actuellement des relations difficiles qui ne semblent pas vouloir s’améliorer, même après le départ de M. Trump. L’UE, en annonçant la signature de l’AGI au lendemain des élections américaines et du tumulte qui a suivi, a été entraînée dans le débat très polarisé aux Etats-Unis sur la place de la Chine dans le monde. Les Européens ont dû se défendre contre les affirmations faites à Washington et ailleurs selon lesquelles ils ne sont pas un allié fiable et qu’ils mettaient leurs propres intérêts avant tout le reste.
Si l’AGI est une opportunité, l’UE ne sait pas à l’heure actuelle de quelle opportunité il s’agit. Après sept années de négociations, il serait regrettable qu’aucun changement ne se produise. L’UE ne peut plus se prévaloir du fait que la Chine n’est pas ouverte, et n’a donc plus d’excuse. D’ailleurs, le temps des excuses est terminé après tant d’années de dialogue et de coopération.
L’auteur est directeur du Lau China Institute, au King’s College de Londres