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Crédit social en Chine : Quand « Envoyé Spécial » fait dans le sensationnalisme

Jacques Fourrier  ·  2019-10-28  ·   Source: Beijing Information
Mots-clés: Envoyé Spécial; crédit social; Chine; France 2

Une nouvelle fois, l’émission « Envoyé Spécial » sur la chaîne de télévision France 2 agite le spectre du totalitarisme en Chine avec son reportage sur le crédit social intitulé « Chine : tout est sous contrôle » diffusé durant une heure de grande écoute le 10 octobre dernier. Ce système qui se généralise en Chine est inspiré du bonus/malus des assurances : les individus bénéficient d’un capital de points récompensant les citoyens modèles et sanctionnant les personnes coupables d’infractions et d’incivilités. Un système évidemment controversé, mais s’agissant de la Chine, le point Godwin est rapidement atteint.

Dans cette émission-phare du service public, la journaliste Elise Lucet met immédiatement en place ce que le linguiste français Dominique Maingueneau appelle une « scène d’énonciation », posant le cadre de l’énonciation et la façon dont ce cadre sera géré et investi par tous les protagonistes. La présentation de ce reportage donne un aperçu en condensé de cette scène d’énonciation. Et dans le cas de « Chine : tout est sous contrôle » vont s’enchainer stéréotypes et poncifs pour une enquête à charge plus qu’un reportage.

La présentation : une scène d’énonciation stéréotypée

La scène d’énonciation, c’est d’abord une scène englobante qui permet au téléspectateur de trouver les repères qui l’aideront à interpréter les énoncés et de savoir en quoi ces énoncés veulent l’interpeller.

« Il faut être honnête, on s’est tous habitués aux caméras de vidéosurveillance en ville. Certains se sentent épiés, d’autres sont rassurés, mais ce n’est rien par rapport à ce qui se passe en Chine »

Elise Lucet installe dès la première phrase la scène englobante en s’associant au téléspectateur sur les aspects positifs et négatifs de la vidéosurveillance. Des propos de café du commerce suivis cependant d’un « mais » d’opposition concessive et d’un « rien » qui l’amplifie de manière hyperbolique, un « rien » qui dit « tout ».

Se déroule ensuite la scène générique, que l’on reconnaît notamment par sa finalité argumentative (dénonciation du crédit social en Chine) et le rôle accordé aux protagonistes du reportage (les bons contre les méchants).

« Là-bas, vos moindres faits et gestes sont filmés, mais ils sont aussi notés. Des points en plus pour une bonne action, des points en moins pour une incivilité. On appelle ça le crédit social et ça peut aller très loin. Ceux qui sont considérés par le régime comme de mauvais citoyens sont montrés du doigt, mis au ban de la société. »

Le ton et l’expression du visage deviennent plus graves, avec une insistance marquée sur certains mots. Il existe en Chine un « régime » qui « montre du doigt » et « met au ban de la société » des mauvais citoyens. Le mode d’enchaînement du discours confirme la scène générique : le reportage (genre « enquête journalistique ») va s’attacher à souligner les aspects négatifs et dénoncer les abus du crédit social en Chine.

Enfin, dernier volet de la scène d’énonciation, la scénographie : comme au théâtre, Elise Lucet plante le décor pour le reportage qui va suivre.

« L’envoyée spéciale ce soir est Elise Menant. Elle a tenté de mener l’enquête. Regardez plutôt ce qui lui est arrivé. »

Ainsi, le téléspectateur est invité à tirer plusieurs conclusions. L’envoyée spéciale aura ainsi « tenté » (présupposé : on l’en a empêché/dissuadé et elle n’a pas réussi) de « mener l’enquête » (des suspects, des coupables ?), et le téléspectateur est pris à témoin (sous-entendu : vous verrez que ce reportage va clairement le montrer).

C’est donc la scène d’énonciation, c’est-à-dire le cadre et le processus de l’énonciation, qui est posée et qui servira de fil rouge au cours de cette enquête à charge.

Une enquête à charge sur le crédit social

Quel était l’objectif de cette enquête ? Montrer une Chine « Big Brother », et non pas donner un éclairage sur les objectifs du crédit social. Derrière les apparences d’impartialité et d’objectivité (sont interviewés notamment un couple qui bénéficie du crédit social ainsi que deux personnes inscrites sur une liste noire), le reportage prend délibérément parti pour ces derniers en les faisant passer pour des victimes d’un système forcément dangereux.

Ainsi, l’interview de Lin Junyue, le « père du crédit social », est résumée et interprétée de façon lapidaire et péremptoire : « Il affirme donc rendre les Chinois civilisés, mais à marche forcée », dit l’envoyée spéciale Elise Menant. Or, les exemples d’incivilités que M. Lin cite sont devenus de vrais enjeux de société, et seul le crédit social peut y répondre dans les conditions actuelles en Chine (par exemple le non-respect du Code de la route, trouble de l’ordre public dans les transports). Posant la « question qui dérange » : « Est-ce que ce n’est pas plutôt un moyen de contrôle des citoyens ? », Elise Menant n’obtiendra pas la réponse qu’elle attend, disant que M. Lin « parlera pendant 20 minutes mais sans jamais répondre clairement à cette question essentielle ». Une telle méconnaissance de la culture chinoise et des codes de politesse de ce pays est à la fois embarrassante et grave. Elle illustre la propension à porter des jugements à l’emporte-pièce, ainsi que l’absence de nuance et de subtilité.

A défaut de reportage, il s’agissait d’une enquête à charge tellement caricaturale et bâclée que toute personne de bonne foi qui connaît un tant soit peu la Chine ne peut qu’être soit choquée soit amusée par tant d’amateurisme et de légèreté. On y trouve tous les ingrédients qui viendront conforter les clichés habituels sur la Chine. Ainsi, une mère et sa fille sur une liste noire présentées comme les victimes du crédit social « bien malgré elles ». Elles sont « montrées du doigt par l’Etat, mis au ban de la société » pour une « sombre histoire d’expropriation forcée puis de désaccord autour d’un héritage », sans que l’on en sache les tenants et les aboutissants. Et à la fin du reportage, un dissident que l’on exhibe en gage de bonne conscience et qui jouera le rôle de l’idiot utile de la journaliste sera interviewé : on se demande en quoi il apporte un élément quelconque à la connaissance des mécanismes du crédit social, si ce n’est que « le crédit social ajouté aux nouvelles technologies feront bientôt des Chinois le peuple le plus surveillé au monde ». On ressort étourdi par ce mélange des genres (suspense, action, drame, complot) et ce maelstrom d’inanité à la petite semaine.

Si certains aspects de la Chine peuvent et doivent être passés au tamis de la critique, il serait souhaitable de cesser d’appliquer à tous les phénomènes politiques et sociaux de ce pays des interprétations phantasmatiques relevant des romans de George Orwell ou d’Aldous Huxley. Il conviendrait plutôt de présenter une Chine avec ses contrastes et ses contradictions en évitant de conclure indûment et de manière complètement irresponsable que « la Chine pourrait entrer dans une nouvelle ère, celle du premier régime totalitaire numérique ». En résumé, présenter la Chine telle qu’elle est et éviter de céder aux sirènes du sensationnalisme éculé ou aux dithyrambes ampoulés.

Liens:
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