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L'Iran fait son retour dans la communauté internationale |
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Lu Jin et Liu Lanyu · 2016-03-07 · Source: Beijing Information | |
Mots-clés: nucléaire iranien ; Iran; pétrole; monde |
L'accord de Vienne sur le nucléaire iranien est entré en vigueur en janvier 2016. La levée des sanctions infligées à l'Iran annonce sa réintégration dans la communauté internationale. A la fois puissance régionale et l'un des principaux pays producteurs de pétrole, l'Iran va désormais tirer parti de l'ordre international actuel pour son développement et exercer une influence croissante sur la géopolitique au Moyen–Orient et l'économie mondiale.
Une influence géopolitique accrue au Moyen-Orient
Le retour de l'Iran au sein de la communauté internationale redistribue les cartes au Moyen-Orient au détriment de l'Arabie saoudite, qui bénéficiait d'un appui ferme des Etats-Unis avant 2013. Avec le rapprochement entre Téhéran et Washington, l'Arabie saoudite va néanmoins perdre son avantage stratégique vis–à–vis de l'Iran.
Dans ce contexte, l'Arabie saoudite a l'intention d'exacerber les conflits régionaux pour freiner le développement de l'Iran : soutien en coulisse à l'Etat islamique, leadership des pays arabes pour intervenir dans la guerre civile au Yémen en mars 2015, exécution du cheikh Nimr Baqer al–Nimr en janvier 2016 et annonce de l'envoi de troupes en Syrie en février. Riyad essaie aussi de forcer Washington à se ranger à ses côtés en recourant à l'escalade des tensions régionales afin de porter préjudice aux relations entre l'Iran et les Etats–Unis et l'Europe. Washington a cependant déplacé son centre de gravité stratégique vers la région Asie–Pacifique pour enrayer l'émergence de la Chine et se trouve incapable d'injecter davantage de ressources stratégiques et économiques au Moyen–Orient. C'est pourquoi les Etats–Unis comptent sur la coopération avec Téhéran pour résoudre les problèmes de la Syrie, du Yémen et de l'Etat islamique, et s'efforcent de faire reposer la stabilité du Moyen–Orient sur le maintien de l'équilibre entre les puissances locales. Pour le moment, la redistribution des pouvoirs entre Téhéran et Riyad n'en est qu'à une étape préliminaire et les contradictions sont exacerbées. L'Arabie saoudite va continuer à provoquer des conflits au détriment du développement de l'Iran. Bien qu'une confrontation frontale entre ces deux pays soit impossible, l'antagonisme existant au Moyen–Orient va se poursuivre, mais un équilibre des forces va progressivement se dessiner entre les quatre grandes forces politiques régionales, à savoir le monde arabe, l'Iran, la Turquie et Israël.
La question des cours internationaux du pétrole
La levée des sanctions économiques, financières et énergétiques à l'encontre de l'Iran va accroître les approvisionnements en pétrole brut sur les marchés internationaux dans un contexte de baisse des cours. De janvier 2012 à janvier 2016, les exportations iraniennes de pétrole sont passées de 2,5 millions de baril par jour à 1,2 million. Pendant ces quatre années, l'Iran a stocké près de 3,6 millions de barils sur des pétroliers. Début 2016, avec l'entrée en vigueur prochaine de l'accord signé en juillet, le cours du pétrole sur les marchés internationaux a chuté pour la première fois depuis décembre 2003 sous la barre des 30 dollars. Après la levée des sanctions, la production pétrolière de l'Iran a augmenté de 400 mille barils par jour, un chiffre qui pourrait aller jusqu'à 600 mille à l'avenir.
Riyad et Téhéran se servent de la production pétrolière pour pousser leurs pions sur l'échiquier géopolitique. Le retour de l'Iran sur les marchés internationaux en fait un grand concurrent de l'Arabie saoudite. Depuis le mois de juin 2014, le cours du brut a déjà chuté de 70 %. La raison principale est que le premier pays de l'OPEC cherche à défendre ses parts de marché et refuse de diminuer la production. Pour Riyad, maintenir le prix du pétrole à un niveau bas est un important moyen de contraindre et d'affaiblir Téhéran, son adversaire stratégique. Du côté de l'Iran, augmenter la production sans tenir compte du cours permettra au pays de récupérer sa part de marché perdue. Le gouvernement d'Hassan Rouhani a besoin des recettes pétrolières pour relancer l'économie nationale, une promesse faite au peuple iranien. De plus, accroître les exportations vers davantage de pays permettra à l'Iran de bénéficier d'un soutien croissant au niveau international. En dépit de son important déficit budgétaire, Téhéran s'efforce d'intensifier sa production et d'exporter du pétrole brut vers l'Europe à un prix inférieur à celui de Riyad. A la mi–février, l'arrivée des quatre premiers millions de barils vers l'Europe signale que l'Iran a déjà franchi un premier pas dans son retour sur les marchés internationaux.
Un nouveau chapitre dans les relations avec l'Europe
L'Europe est un partenaire commercial de longue date de l'Iran et la coopération économique entre les deux parties repose sur des bases solides. Avec la levée des sanctions, Téhéran a besoin des capitaux et des technologies de l'étranger pour promouvoir l'industrialisation nationale et réaliser une croissance économique de 8 % par an. Avec une reprise économique hésitante, l'Europe convoite le marché iranien et ses 100 milliards de dollars gelés à l'étranger. Depuis la signature de l'accord sur le nucléaire, 140 délégations économiques ont effectué une visite en Iran, et parmi elles, près de 70 de pays européens, dont celles de Federica Mogherini, qui occupe le poste de haut représentant de l'Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, de Philip Hammond, secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères du Royaume-Uni, de Heinz Fischer, le président autrichien, et de Martin Schulz, président du Parlement européen.
La levée des sanctions permettra aux entreprises européennes de revenir sur le marché iranien et d'y prendre leur part du gâteau. En janvier, le président iranien s'est rendu en Europe, il s'agit de la première visite du genre en 16 ans. Le voyage d'Hassan Rouhani a été centré sur la coopération économique et commerciale. A Rome, il a conclu un accord de 18,4 milliards de dollars avec l'Italie, premier partenaire commercial de l'Iran à l'échelle de l'UE avant les sanctions. L'accord couvre divers domaines tels que l'énergie, les infrastructures, la construction navale et l'exploitation minière. A Paris, M. Rouhani a assisté à la signature de 20 accords en matière politique, économique et culturelle.
Si l'accord sur le nucléaire iranien se déroule dans des conditions favorables, l'Iran et l'UE pourront s'activer d'une manière plus poussée à déployer leur coopération politique et économique. D'une part, les produits européens jouissent d'une bonne réputation aux yeux des Iraniens ; d'autre part, la politique pro–européenne de M. Rouhani est soutenue par l'ayatollah Ali Khamenei, le guide suprême de la Révolution islamique. Mais ce dernier a fait publier une directive interdisant les importations de plus 200 catégories de produits américains. Après sa visite à Rome, M. Rouhani a exprimé son souhait de redémarrer les relations avec Washington et d'avoir l'occasion de visiter les Etats-Unis. Pour autant, la politique américaine à l'égard de l'Iran est un facteur de la plus haute importance.
Lu Jin est chercheuse adjointe de l'Institut d'études de l'Asie de l'Ouest et de l'Afrique, relevant de l'Académie des Sciences Sociales de Chine.
Liu Lanyu est docteur au département des relations internationales de la Faculté des sciences sociales de l'université Tsinghua.
Beijing Information
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