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Publié le 28/04/2010
Tianjin, le gué céleste

Erwan Le Gall

Les Chinois se définissent souvent comme étant du sud ou du nord. Après bientôt sept années vécues en Chine et, bien qu'ayant apprécié les charmes touristiques de la Chine méridionale, mon cœur balance définitivement pour la partie septentrionale, plus particulièrement pour la ville de Tianjin, la bienveillante. J'y ai passé près de trois années et chaque fois que j'y retourne, la sensation de rentrer chez moi m'envahit.

Peuplée depuis le sixième siècle, la ville doit son nom actuel à l'empereur Yongle qui en 1404 avait, en cet endroit, traversé la rivière du Haihe. Depuis ce jour, ce lieu a pris le nom de Tianjin le « Gué où est passé l'empereur ». J'aime aussi à lui donner une autre traduction, le « Gué céleste ».

Le mot céleste évoque la sérénité et c'est exactement ce que je trouve dans ses artères. Bien que proche de la capitale, Tianjin a su garder la tranquillité du petit port de pêche qu'elle fut il y a bien longtemps. La ville de nos jours est très active mais les gens semblent toujours s'y déplacer à un rythme proche de la « contemplation ». Ceux qui cherchent l'agitation en seront pour leurs frais

Celui ou celle, lassé(e) du stress, qui veut apprécier chaque moment de la journée y déposera ses valises. En été, il n'est pas plus plaisant, au crépuscule naissant, que de se laisser perdre dans les nombreuses ruelles de la cité et d'assister au théâtre de la vie. Les habitants s'y retrouvent à la faveur de la nuit tombante et le doux zéphyr estival appelle à la conversation, les petits enfants y voyant plutôt une occasion d'y décupler leur imagination. Chaque place, chaque square voit de petites foules de tous les âges se rassembler pour danser au son d'un haut-parleur. Le bal populaire ici est quotidien et représente une activité que seule une lourde pluie pourrait empêcher ou écourter. Les chinois en plus d'être de bons chanteurs sont aussi de bons danseurs.

Le caractère chinois 津 (deuxième syllabe de Tianjin) signifie embarcadère, gué...(Photo: Erwan Le Gall)

Depuis mes premiers pas dans ses rues, la ville a beaucoup changé, elle s'est transformée comme beaucoup d'autres grandes agglomérations de la Chine. Mais cette municipalité en se transformant a réussi la prouesse de se réapproprier son passé. Sa rue de la culture, sa Tour au tambour et son ancien théâtre l'ancrent en Chine alors que ses anciens quartiers à l'architecture européenne lui donnent un cachet cosmopolite.

Dans la rue, dans les magasins on ne cherche pas à vous parler anglais, on vous laisse parler et on vous traite avec les égards d'un client ordinaire car vous êtes devenu un habitant de la ville et accepté en tant que tel. Les gens se mélangent, s'acceptent, chacun se sent chez soi.

La richesse de Tianjin c'est aussi son dialecte proche du mandarin qui rend ses habitants identifiables partout en Chine. Ce langage, le Tianjin hua n'est peut être pas le plus joli à entendre mais il est à l'image de ses habitants, optimiste.

Le terme « jin » dans Tianjin signifie le gué, et le renouveau de la ville illustre bien ce mot. De nombreux ponts se sont construits ces dernières années pour franchir le Haihe et rapprocher les différents quartiers. Son port de commerce, l'un des plus importants de Chine et de la planète, lance aussi des ponts sur toutes les mers du Monde et aide à rapprocher les cultures.

Un endroit unique synthétise bien ces différentes facettes de la ville. C'est un bar d'étudiants situé dans le quartier des universités, l'Alibaba. Très discret de l'extérieur comme sa ville d'accueil il voit chaque soir venir en son sein un mélange improbable de nationalités en provenance des cinq continents.

Qui, autre part qu'à Tianjin, peut raconter qu'au cours de la même soirée il a joué au baby-foot contre un Turc et un Anglais en faisant équipe avec un Indien puis s'est assis autour d'un verre avec un Sénégalais, une Canadienne, une Australienne et un Chinois. C'est la magie de Tianjin, son immobilité n'est qu'apparente, c'est une ville en perpétuel mouvement.

Par certains aspects, Tianjin donne l'impression d'être un grand village, peut être le plus grand village du monde avec ses 6 millions d'habitants. Vous n'êtes jamais loin des gens mais vous conservez votre espace de liberté et tout reste à portée. Les traditions sont fortes mais ne rejettent pas la modernité. Les voies de communication s'étendent mais les espaces verts agrémentent les rues. Les quartiers d'habitations abritent de nombreux jardins intimistes qui récompensent le piéton curieux.

On pourra aussi privilégier le vélo, dont l'utilisation est encore appréciée. Tianjin c'est la ville du Flying Pigeon qui a donné ses lettres de noblesse au vélo de ville. La topographie plate de la ville rend les trajets aisés et peu fatigants. Dans le futur, l'alternative à la voiture sera toute trouvée ici.

Et puis Tianjin c'est bien sûr la gastronomie, ses fruits de mer et ses mille restaurants. Pour profiter du théâtre de la vie, chaque moment de la journée offre ses spécialités. A l'aube on ira chercher une Jianbing-guozi qui n'a rien à envier aux galettes bretonnes. Le midi on mangera des baozi, ces petits pains fourrés, cuits à la vapeur aussi connus sous le nom de Gou Bu Li Baozi qui symbolisent la spécialité culinaire avec un grand S de Tianjin. Puis en fin de journée un repas de brochettes de moutons, les fameuses yangrou chuan'r, agrémentées de shao bing vous rassasiera pendant qu'assis sur un tabouret vous profiterez de l'animation du quartier.

Voilà. Par ces mots j'ai essayé de vous présenter cette ville qui me tient à cœur, il se peut qu'en vous y rendant vous ne me compreniez pas. Ce n'est pas au premier regard que l'on arrive à la lire, c'est avec le temps que l'on apprécie son style, ses tournures et ses subtilités.

Il faut penser à ce bar évoqué un peu plus haut. Il est la miniature de Tianjin. Si personne ne vous l'indique vous passerez devant sans même un regard. Il faut être mis dans la confidence. Tianjin est pareil, et demande à être connue. Elle sait accueillir celui ou celle qui accepte d'écouter et regarder. Tout y est, il faut simplement accepter de s'y installer pour quelques moments et laisser le charme agir.

Lorsqu'il m'arrive de rencontrer un étranger ayant séjourné à Tianjin un certains temps, à un moment où l'autre de la conversation nous finissons toujours par évoquer avec nostalgie la période de notre vie passée là-bas.

Tianjin est à une demi-heure de train de Pékin, et bientôt à quatre heures de Shanghai. Alors laissez-vous tenter !

Beijing Information

 

 


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