La province du Zhejiang fait de l’économie bleue un moteur puissant d’innovation et de développement durable. 

Le 1^er août, des données publiées par le ministère des Ressources naturelles ont montré qu’au premier semestre, le produit marin brut (PMB) de la Chine avait atteint 5 100 milliards de yuans, en hausse de 5,8 % par rapport à l’année dernière. L’économie maritime chinoise a franchi pour la première fois le seuil des 10 000 milliards de yuans en 2024 et le développement des industries maritimes a depuis connu une trajectoire stable et positive, devenant une force motrice importante pour la croissance économique. 

Sous l’impulsion de ce vaste « marché bleu » à fort potentiel, les provinces côtières chinoises accélèrent leur planification stratégique. La province orientale du Zhejiang dispose d’une superficie maritime de 260 000 km² et d’un littoral total de 6 486 km, abritant 4 370 îles, ce qui la place au premier rang national. Elle possède ainsi des avantages naturels pour développer son économie maritime. En janvier 2024, le premier département provincial du pays dédié au développement de l’économie maritime y a été officiellement ouvert afin de regrouper les ressources clés et d’accélérer la construction d’une province maritime forte. Depuis le début de 2025, le Zhejiang met en œuvre en profondeur un plan visant à doubler l’économie maritime pour que la croissance du PMB provincial dépasse d’un point de pourcentage celle du PIB total de la province.  

Stimuler l’innovation technologique maritime  

Vue de l’usine marémotrice LHD (PHOTO: Tang Zhicheng) 

Au sud de l’île de Xiushan, dans la ville-préfecture de Zhoushan, se dresse une imposante structure d’acier au milieu de courants marins violents, évoquant un petit violon en argent. Il s’agit de l’usine marémotrice de la société LHD New Energy Corporation. « En septembre dernier, l’usine LHD a été reconnue par l’Agence internationale de l’énergie comme la seule au monde fonctionnant à partir de l’énergie des courants marins. Le critère d’évaluation était une injection continue et ininterrompue d’électricité dans le réseau pendant plus d’un an », explique Lin Dong, directeur et ingénieur en chef du Centre de recherche en ingénierie des usines marémotrices LHD du Zhejiang. 

Auparavant, les groupes industriels General Electric (États-Unis), Rolls-Royce (Royaume-Uni) et Alstom (France) et le groupe public naval français DCNS avaient  conçu un module d’un MW. La durée maximale de fonctionnement en continu raccordé au réseau de ces installations n’avait cependant jamais dépassé quatre mois, avec un coût de production atteignant 1 916 yuans par kWh. « Nous avons non seulement résolu la difficulté mondiale consistant à produire de l’électricité de manière continue et stable à partir de l’énergie des courants marins, mais notre technologie a déjà connu quatre itérations. Le coût est ainsi passé de 106 yuans à seulement 1,1 yuan par kWh », explique M. Lin.  

Derrière ce succès se cachent de longues années de travail. Depuis 2009, M. Lin dirige une équipe de chercheurs revenus de l’étranger pour s’attaquer à ce défi mondial qu’est la production d’électricité à partir de l’énergie des courants marins. Après sept années de recherche et développement indépendants, l’équipe de LHD a construit à Zhoushan la première usine marémotrice de Chine. En 2016, la première génération d’unités de l’usine a été mise à l’eau, puis raccordée la même année au réseau national, marquant trois avancées majeures dans l’exploitation de l’énergie océanique en Chine, à savoir la production à grande puissance, la production stable et l’intégration au réseau. Après trois nouvelles itérations, en avril 2022, la quatrième génération appelée « Fenjinhao » de 1,6 MW, la plus grande unité marémotrice au monde, a été mise en service et raccordée au réseau. Fin juillet, l’usine avait fonctionné sans interruption plus de huit ans, produisant au total plus de 8,61 millions de kWh. 

LHD se fixe désormais un nouvel objectif ambitieux. « Nous avons confiance dans notre capacité à développer une cinquième génération d’usines en mer de Chine orientale. Le coût de production de l’électricité pourra être inférieur à 0,3 yuan par kWh, soit en dessous du prix de l’électricité produite par les centrales thermiques. » 

Leur succès attire également l’attention de nombreux pays. Jiang Fang, vice-présidente de Hangzhou LHD New Energy Technology, note que des chercheurs et entrepreneurs venus du Royaume-Uni, du Canada, de France, et du Japon avaient déjà effectué des visites et recherchaient des opportunités de coopération. En mai 2024, lors de la visite du président Xi Jinping en France, la Chine et la France ont publié la Déclaration conjointe sur le renforcement de la coopération en matière de biodiversité et d’océans : de Kunming-Montréal à Nice. « Les deux pays échangeront dans le cadre d’un dialogue énergétique sur la production d’énergies marines renouvelables, en particulier sur l’éolien offshore fixe et flottant, ainsi que sur l’énergie des courants marins et l’énergie houlomotrice, secteurs en plein essor dans les deux pays », mentionne l’article 35 de la déclaration. « Avec l’élévation de la coopération sur l’énergie des courants marins au rang de stratégie interétatique, la centrale LHD collaborera à l’avenir avec un plus grand nombre de pays, apportant ainsi la sagesse chinoise à l’ouverture d’un coffre aux trésors de l’énergie océanique », précise Mme Jiang. 

Les pratiques innovantes des usines de LHD s’inscrivent parfaitement dans la stratégie prospective du Zhejiang en matière de technologies marines de pointe. Le Plan d’action pour le renforcement des capacités d’innovation scientifique et technologique maritimes du Zhejiang (2025-2027) place explicitement l’innovation au premier rang des priorités. Il prévoit la mise en œuvre de quatre grands programmes, à savoir le renforcement du niveau des plateformes scientifiques et technologiques, la résolution des problèmes clés et essentiels, la consolidation de l’écosystème des acteurs de l’innovation, ainsi que l’attraction et la formation de talents innovants, afin d’accélérer le rythme de l’innovation dans les sciences et technologies marines. 

Accélérer la construction d’un système industriel maritime moderne  

Le 5 août, la cérémonie de signature d’un accord de mandat pour l’exploitation et la gestion du carbone bleu s’est tenue au port Xihu, dans le district de Xiangshan. « Cet accord mandate un seul opérateur de développement et de gestion du carbone bleu pour exploiter les droits d’usage détenus par cinq titulaires différents. Cela favorisera la facilitation, la systématisation et la mise en plateforme des transactions de carbone bleu », a déclaré à la presse Hu Shengmin, directeur adjoint du Bureau du développement et de la réforme du district. Le terme « carbone bleu » désigne le processus, les activités et les mécanismes par lesquels les activités marines et les organismes océaniques absorbent le dioxyde de carbone présent dans l’atmosphère et le fixent ou le stockent dans les écosystèmes marins.  

Xiangshan possède le littoral le plus long du Zhejiang et la deuxième plus grande superficie maritime de la province, recelant de riches ressources de carbone bleu telles que le poisson jaune, le thé, ainsi que les « trois trésors de Xihu » (nori, laminaires et algues filamenteuses). Ces conditions naturelles lui confèrent un avantage majeur pour développer l’économie du carbone bleu. 

Première vente aux enchères nationale de crédits de carbone bleu dans le district de Xiangshan en février 2023 (PHOTO: Département de la communication de Xiangshan) 

Xiangshan a aussi exploré des voies pour concrétiser la valeur du carbone bleu. En février 2023, la toute première enchère nationale de carbone bleu s’y est déroulée. En mars 2024, le district a lancé le premier service national intégré « double carbone » (« une seule démarche, un traitement complet ») destiné à accroître la valeur ajoutée des entreprises, et coopéré avec la ville de Xiamen (Fujian) pour établir le premier compte écologique de carbone bleu établi conjointement entre deux provinces. Cela a permis de concrétiser la première transaction provinciale combinant « carbone bleu + DPI + justice ». Cette transaction est née d’un cas de destruction écologique marine et de pertes de ressources causées par la pêche illégale. Dans le cadre d’une action publique civile accessoire à une procédure pénale intentée par le parquet, le prévenu avait accepté volontairement d’acquérir 422,5 tonnes de produits à valeur écologique en carbone bleu, qui ont été déposées sur le compte carbone écologique de carbone bleu du district.  

En développant l’économie du carbone bleu, le district stimule la croissance de secteurs connexes telles que le tourisme écologique maritime et les équipements marins, injectant ainsi une nouvelle dynamique à l’économie locale, estime M. Hu, Actuellement, Xiangshan se concentre sur huit grands axes industriels liés à l’économie maritime, à savoir des matériaux fonctionnels, des énergies propres, la construction navale et offshore, des équipements portuaires, la pêche moderne, les biotechnologies marines, le tourisme côtier et les technologies de l’information air-mer. Plusieurs entreprises phares, telles que Ginlong Technologies et Rixing Foundry, ont ainsi émergé. 

À la fin de l’année 2024, le Département du développement de l’économie maritime de la province du Zhejiang a publié la Liste du premier lot de plateformes de doublement de la qualité et de l’efficacité des industries maritimes du Zhejiang. Ce programme, axé sur les spécificités et les orientations futures de l’industrie maritime de la province, intègre de manière systématique les ressources politiques liées au domaine maritime aux niveaux provincial, municipal et du district, afin d’apporter un soutien en facteurs de production essentiels au développement concentré des industries maritimes. Au cours de ces derniers mois, les seize premières plateformes ont toutes enregistré des avancées significatives. Ainsi Yuhuan, à Taizhou, attire plus de 600 entreprises, allongeant, complétant et renforçant les chaînes industrielles, et stimulant ainsi le développement de la chaîne de fabrication d’équipements portuaires et offshore avancés. Daishan, à Zhoushan, tire parti de l’effet d’entraînement d’une base pétrochimique de classe mondiale. De nombreux projets de nouveaux matériaux pétrochimiques ont été inscrits dans des programmes scientifiques et technologiques de niveau provincial et supérieur. Et Jiangbei, à Ningbo, favorise le développement intégré et innovant de modèles « port-navigation + numérique » et « port-navigation + commerce et services » en se concentrant sur ses atouts dans les services maritimes et portuaires.  

Explorer de nouvelles voies pour protéger l’écosystème marin 

Base de traitement des déchets marins Boucle bleue du district de Jiaojiang, à Taizhou (PHOTO: Département de la communication de Taizhou) 

En juin de cette année, lors de la Conférence des Nations Unies sur les océans à Nice, une élégante écharpe ornée d’un motif marin a attiré l’attention de nombreux participants. En scannant le code QR sur l’étiquette de l’écharpe, un texte et une vidéo racontaient une histoire touchante. Cette écharpe a été confectionnée à partir de cinq bouteilles en plastique ramassées par des personnes âgées au bord de la mer, puis transformée en accessoire de mode grâce à la créativité de cinq jeunes femmes. 

Cette écharpe provient de la société Zhejiang Lanjing Technology, qui a participé à la conférence. En 2021, elle a lancé un projet pilote baptisé Boucle bleue à Taizhou. Elle rassemble les villageois du littoral et les pêcheurs pour ramasser les bouteilles en plastique abandonnées en mer. Elle les rachète à un prix supérieur à celui du marché et se sert de l’Internet des objets et de la blockchain pour créer un système transparent couvrant l’ensemble du cycle (collecte, stockage, transport, recyclage, fabrication) ainsi qu’une plateforme de certification anti-contrefaçon des plastiques marins. Ce système a obtenu une certification internationale, rendant les bouteilles plastiques recyclées plus fiables pour en faire un matériau écologique et bas carbone. 

Boucle bleue a innové en apportant une solution aux difficultés mondiales de gestion des déchets marins, une initiative chinoise largement reconnue par la communauté internationale. En octobre 2023, ce projet a reçu le Prix Gardien de la Terre, la plus haute distinction environnementale des Nations Unies.  

À ce jour, ce modèle couvre entièrement les zones côtières du Zhejiang. Il a permis de recueillir environ 58 800 tonnes de déchets plastiques marins et de réduire les émissions de carbone d’environ 12 500 tonnes. Il a également été reproduit et promu dans d’autres provinces côtières telles que le Shandong, le Fujian et Hainan. 

C’est dans cet esprit que la 18ᵉ session du 14ᵉ Comité permanent de l’Assemblée populaire provinciale du Zhejiang a approuvé le 31 juillet le Règlement de la ville de Taizhou sur la gestion des déchets plastiques marins, qui entrera officiellement en vigueur le 1^er octobre de cette année. « Il s’agit du premier règlement local en Chine consacré à la gestion des déchets plastiques marins. Il permettra d’institutionnaliser le modèle de gestion des déchets plastiques marins de Boucle bleue, favorisant ainsi sa promotion et son développement durable », remarque Wang An, responsable du service de l’environnement marin au sein du Bureau de l’écologie et de l’environnement de Taizhou. 

Selon Ma Shengcong, vice-directeur du Département de l’écologie et de l’environnement du Zhejiang, la province a toujours fait de la construction d’une civilisation écologique marine sa priorité. Boucle bleue illustre de manière vivante des pratiques innovantes de protection écologique marine du Zhejiang. La province poursuivra l’exploration de modèles innovants de gestion de l’environnement marin, afin de rendre la mer plus bleue, les plages plus belles, et d’offrir aux habitants un plus grand sentiment de bonheur et de sécurité grâce à la gouvernance marine.