Un drone de Meituan livre des plats à emporter dans un centre commercial de Shenzhen, le 21 août 2024.

L’économie de basse altitude, qu’il s’agisse des aéronefs habités ou sans pilote dans l’espace aérien à moins de 1 000 m, voire jusqu’à 3 000 m dans des cas particuliers, atteint de nouveaux sommets avec le développement progressif du secteur des drones, qui annonce une révolution dans les transports.

Selon le Rapport de recherche sur le développement de l’économie de basse altitude en Chine (2024), publié par le CCID Consulting en avril 2024, le marché des drones civils représentait 117,43 milliards de yuans en 2023, en hausse de 32 % par rapport à l’année précédente. En 2023, l’économie de basse altitude avait atteint 505,95 milliards de yuans (+33,8 %). La fabrication d’aéronefs à basse altitude et les services relatifs à l’exploitation ont contribué le plus au secteur, avec une part de près de 55 %.

Les drones passent à la vitesse supérieure

Le 10 juillet 2024, lors d’une conférence de presse sur le thème « Promouvoir un développement de haute qualité » organisée par le Bureau de l’Information du Conseil des Affaires d’État, Song Zhiyong, directeur de l’Administration de l’aviation civile de Chine (CAAC), a révélé qu’il y avait actuellement plus de 14 000 entreprises détenant des autorisations d’exploitation de drones civils, et plus de 225 000 personnes possédant des licences d’opérateur de drone dans le pays.

Derrière ces chiffres se cache une demande croissante du marché. Selon Jiang Youqi, directeur général de Chongqing Haocang Technology, la technologie des drones attire un nombre croissant d’usagers et elle est utilisée dans de nombreux secteurs, par exemple, celui du transport de charges suspendues. « Les drones ont des applications très diverses. Au cours des deux derniers mois, nous avons formé quelques cameramen de télévision sur l’utilisation des drones au travail. »

Les drones sont très demandés sur le marché. Un présentateur de diffusion en direct dans le domaine de l’e-commerce a affirmé que parmi les produits qu’il promouvait, les drones étaient les plus vendus. « J’utilise actuellement des drones pour attirer le public. Normalement, on arrive à écouler 100 drones en une minute », note-t-il, ajoutant qu’il vendait de petits drones bon marché pour la photographie que de nombreux clients achètent comme jouets.

Selon les statistiques de la CAAC, près de 608 000 nouveaux drones ont été enregistrés au cours du premier semestre 2024, soit une augmentation de 48 % par rapport à la fin de l’année précédente. Les heures de vol cumulées des drones ont atteint 9,82 millions d’heures, soit une augmentation de 134 000 heures par rapport à la même période de l’année précédente.

En plus de l’expansion continue du marché des drones, plusieurs clusters industriels de drones ont également été créés à l’échelle nationale. Par exemple, la ville de Wuhu (Anhui), l’une des premières zones nationales de démonstration intégrée dans le secteur de l’aviation générale, regroupe plus de 200 entreprises couvrant l’ensemble de la chaîne industrielle de ce secteur. Dans la province insulaire de Hainan, ce secteur se développe également rapidement, et des activités telles que le tourisme aérien à basse altitude et le transport de courte distance sont en plein essor.

D’autres provinces ont emboîté le pas, prenant des mesures dans ce sens. La province du Guizhou, dans le sud-ouest de la Chine, soutient les bases d’essai en vol, tandis que la province du Jiangxi encourage la recherche sur les systèmes d’exploitation et de maintenance de centrales électriques intelligentes sans intervention humaine. Inspirées par cette tendance, de nombreuses villes ont mis en valeur des secteurs d’activité. Un porte-parole du Parc industriel aéronautique de Zigong (Sichuan) a déclaré que le 12 août 2024, la ville avait testé son aéronef sans pilote bimoteur développé indépendamment, qui dispose d’un espace de chargement de 12 m3 et d’une capacité de chargement de deux tonnes métriques. L’aéronef testé avec succès peut effectuer plus de 90 % des tâches de transport général en un seul clic, ce qui permet de créer un nouveau scénario de logistique intelligente.

Les drones et leur potentiel en termes d’application ont insufflé un fort regain d’optimisme dans l’avenir de l’économie de basse altitude.

Luo Jun, directeur exécutif de l’Alliance chinoise de l’économie de basse altitude et secrétaire général du Forum mondial de l’économie de basse altitude, souligne que toutes les régions de Chine travaillent de concert pour développer l’économie de basse altitude, et que toutes les ressources nécessaires convergent dans ce secteur, en particulier dans les drones. Selon les données publiées par la CAAC, l’économie de basse altitude devrait d’ailleurs atteindre 1 500 milliards de yuans en 2025 et 3 500 milliards de yuans d’ici 2035.

Des montgolfières survolant Lichuan, dans la préfecture Tujia et Miao d’Enshi (Hubei), le 8 février 2025, montrent la popularité du tourisme en vol à basse altitude pendant la fête du Printemps.

Un modèle économique reproductible

Pourquoi les drones sont-ils si populaires ? M. Luo estime que la technologie des drones en Chine, très mature et bénéficiant d’un écosystème industriel développé, offre un modèle économique largement reproductible. M. Jiang partage son avis, constatant que le nombre de personnes apprenant à utiliser les drones de petite et moyenne taille a doublé par rapport à il y a deux ans et que de plus en plus de personnes utilisent des drones pour la photographie, l’agriculture et l’inspection industrielle.

« C’est un signe que le marché des drones est de plus en plus mature », déclare M. Luo. Selon lui, seuls les drones fonctionnels de grande et moyenne taille voleront sur de longues distances à l’avenir, et les drones évolueront vers des modèles avec une autonomie accrue, une capacité de charge plus importante et des fonctions plus spécialisées.

Cette tendance suit aussi celle de l’aviation habitée dans le domaine de l’économie de basse altitude. Par exemple, le développement du marché des drones a apporté des opportunités aux aéronefs électriques à décollage et atterrissage verticaux (eVTOL). He Tianxing, vice-président d’EHang, déclare que ses eVTOL ont déjà pris pied sur les marchés mondiaux. Par exemple, la Police nationale espagnole est désormais cliente. EHang coopère également avec le Fonds d’investissement public d’Arabie saoudite et discute avec l’Agence nationale de l’aviation civile du Brésil sur les modalités d’ouverture de l’espace aérien de basse altitude du pays.

Il précise qu’au cours des dernières années, plus de 300 aéronefs habités, vendus à 400 000 dollars pièce, ont été livrés, ajoutant que son carnet de commandes se remplit. Le prochain objectif stratégique de l’entreprise est de pénétrer le marché latino-américain. « Au Moyen-Orient, les entreprises américaines et EHang se partagent le marché. En Europe, nous avons également consolidé notre position. Ensuite, nous allons exploiter le potentiel des pays d’Amérique latine comme le Costa Rica. »

Le réalisme et la prudence s’imposent

L’essor spectaculaire du secteur des drones soulève des inquiétudes quant à un développement excessif.

Un investisseur a révélé qu’il avait reçu une commande du Pakistan d’une valeur de plus de 100 millions de yuans, mais sa capacité de production était insuffisante. Par conséquent, il espère coopérer avec d’autres entreprises. Il a constaté que de nombreuses entreprises du secteur étaient en fait des usines d’assemblage, et que les usines qui participent réellement à la production de composants essentiels de haute précision sont toujours les fournisseurs des grands fabricants de drones.

Selon M. Luo, la Chine n’a pas d’avantages marqués dans le domaine des drones de grande et moyenne taille, y compris les drones militaires et spéciaux. La concurrence intense dans les secteurs à bas seuil d’entrée a conduit de nombreuses grandes entreprises de drones en Chine à fonctionner à perte.

M. Luo précise que si le marché des drones grand public en Chine est relativement vaste, la teneur technologique de ceux-ci n’est pas très élevée. De nombreux investissements redondants ont afflué dans ce segment, se limitant à de simples activités d’assemblage. Mais le véritable défi réside dans la R&D, notamment pour améliorer l’autonomie et la capacité de charge.

« L’orientation des mesures est également un facteur à prendre en compte », explique M. Luo. Et d’estimer que des mesures gouvernementales plus matures sont nécessaires. « De nombreux gouvernements locaux se sont fixé comme objectif de favoriser un secteur des drones de plusieurs dizaines de milliards de yuans, mais pour y parvenir, il faut d’abord réaliser des vols de drone à grande échelle. Par exemple, une ville a affirmé un jour que les commandes de café pouvaient être rapidement livrées par drone. Cependant, sans des infrastructures suffisantes et des scénarios d’application à grande échelle, le coût de transport d’une tasse de café atteint des milliers de yuans. Qui dépenserait une telle somme pour une tasse de café ? », demande M. Luo. Pour garantir la sécurité des transports, il est nécessaire selon lui de disposer d’un important maillage de support technique au sol, éventuellement avec des véhicules pour suivre les drones.

Par conséquent, lever le contrôle de l’espace aérien en Chine ne se résume pas à une simple déclaration de plan de vol auprès des autorités compétentes. Selon M. Luo, la situation du trafic aérien est beaucoup plus complexe que celle au sol, et des règles de circulation plus complètes, ce qui nécessite donc des installations de gestion du trafic correspondantes.

L’économie de basse altitude peut-elle être gérée de la même manière que l’aviation civile ? La réponse semble être négative.

En fait, il existe une différence fondamentale entre un vol à basse altitude et un vol de l’aviation civile. Selon M. Luo, les aéronefs sans pilote volent généralement à quelques centaines de mètres au-dessus du sol et sur quelques dizaines de kilomètres de distance. Ils sont alimentés principalement par des batteries au lithium, alors que la distance de vol de l’aviation civile à haute altitude est de plusieurs milliers de kilomètres avec des carburants traditionnels. La technologie de positionnement utilisée et les exigences de sécurité sont donc complètement différentes.

Selon un initié dans le secteur des télécommunications, des millions de drones pourraient survoler une mégapole chaque minute à l’avenir, d’où l’importance de la réglementation. L’ouverture de l’espace aérien doit être accompagnée d’une amélioration des technologies de communications pour éviter des collisions fréquentes entre drones.

Il existe en effet de nombreuses restrictions dans l’économie de basse altitude, mais elles n’ont pas affecté l’imagination des scénarios d’application des drones. M. Luo est très optimiste quant à la formulation des règles et la construction d’infrastructures en Chine. « Deux ans suffiront pour l’usage commercial des drones », prévoit-il.

He Tianxing indique que le transport à basse altitude point à point permettait de réduire le temps et les coûts. S’il se généralise, il sera également possible d’économiser de la main-d’œuvre.

M. Luo présente un scénario dans lequel des aéronefs sans pilote pourraient être utilisés pour transporter des fournitures entre les hôpitaux. Par exemple, le toit de l’hôpital pourrait être transformé en plateforme de drone, où des médicaments d’urgence, des poches de sang et des patients pourraient être rapidement pris en charge par des drones, alors qu’aujourd’hui, de nombreux hôpitaux utilisent des hélicoptères traditionnels, qui sont bruyants, coûteux et presque impossibles à utiliser sur une base régulière.

*SHI QINGCHUAN est journaliste à China Economic Weekly.